47 - Just the way you are (Ethan)

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— Tu lis le solfège ou pas ?

Elle grimace, ce qui répond à ma question. J'attrape ma guitare pour lui jouer la mélodie. Elle la mémorise en suivant des yeux les lignes d'encre en hochant la tête en rythme.

— Ça devrait aller ?

Elle hausse les épaules. Pointant l'instrument entre mes mains, elle déclare :

— Peut-être, mais si tu la joues en même temps que je la chante pour m'aider.

— Ça me paraît être une bonne idée, confirmé-je avec un grand sourire qui la fait rougir.

Je lui fais écouter la bande-son dans un premier temps en jouant la mélodie à la guitare par-dessus. Elle a fermé les yeux pour savourer la musique et ses cheveux se balance doucement de droite à gauche. Elle a l'air d'apprécier. A cette idée, je sens mon estomac faire un tour sur lui-même. A la fin du morceau, ses paupières papillonnent comme si elle se reconnectait avec la réalité, un léger sourire aux lèvres.

— J'aime beaucoup, me complimente-t-elle. C'est plutôt sombre mais ça va bien avec tes paroles.

Ravie qu'elle ait compris l'allégorie que j'ai tenté de créer et que ma musique lui plaise, je souris à mon tour. J'ai hésité quant au choix de la composition sur laquelle je voulais essayer sa voix. Celle-ci ou une autre qui parle de ce que je ressens quand je suis à ses côtés. Et, après réflexion, j'ai gardé la seconde pour une autre fois, une idée en tête.

— Prête ?

Son expression me renvoie toute son hésitation. Malgré tout, elle opine du chef. Alors je lance l'accompagnement, frappant la pulsation de mon talon. Elle, le regard rivé sur les paroles écrites dans mon carnet, le mien la contemplant, ensemble nous mettons en musique l'une de mes compositions. Il me faut redoubler de concentration pour placer mes doigts dans la bonne case alors que sa voix me procure une multitude de frissons. Quelques fausses notes se glissent ici et là car elle ne la connaît pas encore bien. En dehors de ça, elle s'en sort magnifiquement bien avec si peu de mémorisation.

A la fin, elle relève des prunelles emplies de doute vers moi. Je ne peux qu'expirer le souffle que j'avais retenu tout le long dans un premier temps. Puis, je saisis l'une de ses mains après avoir déposé ma guitare sur son trépied. Nos iris ancrés les uns aux autres, je murmure :

— Ta voix est sublime.

Ses yeux s'agrandissent et sa bouche s'ouvre de surprise. Elle se reprend aussitôt en fronçant les sourcils.

— Tu dis ça pour me faire plaisir.

Je glousse. Elle n'est vraiment pas possible.

— Théa ! Crois-moi quand je te le dis !

Elle hausse les épaules sans grande conviction. Je regrette presque de ne pas l'avoir enregistré pour lui prouver mes dires. Mais j'ai d'autres plans et il est encore trop tôt pour lui avouer ce à quoi je pense.

Je tire sa main que je tiens toujours pour l'attirer à moi. J'entoure ses hanches puis relève le nez pour pouvoir croiser son regard. Avec un petit sourire en coin, je déclare :

— Tu me rends dingue. Mais je te promets que j'arriverai à te faire comprendre à quel point tu as tout pour toi et que je pense chacun de mes mots.

Je lis dans ses prunelles brillantes que mes paroles la touche. Sans un mot, trop émue, elle pose ses paumes sur mes joues, ses lèvres rejoignent les miennes pour un baiser d'une douceur dont elle seule est capable. Lorsqu'elle s'éloigne, je n'ai qu'une envie la retenir. Pourtant, je la laisse reculer un peu pour me dévisager.

— Tu es tout simplement fou. Mais ne me mets pas ça sur le dos.

J'éclate de rire. Il y a quelques temps, j'aurais pu dire ça alors que je luttais contre mes démons et cette attirance grandissante que j'éprouvais pour elle. Je me trouvais fou de retomber dans le même piège dans lequel j'étais tombé des années auparavant. Aujourd'hui, je dirais que je serais taré de laisser une telle femme m'échapper.

A l'observer ainsi, debout face à moi, un petit sourire mutin aux lèvres, une lueur espiègle dans ses billes chocolat, fière de sa répartie et ne portant qu'un t-shirt, tout m'éclate à la figure. Je prends alors enfin conscience d'une chose. Oui, je suis retombé dans le piège. Seulement, il n'est pas celui que je pensais. Et peut-être bien que ce n'est pas un piège.

Longtemps après que Théa soit partie, je gamberge encore dans mon canapé. Ces pensées tournent en boucle dans ma tête. Ce n'est pas forcément une source d'angoisse. Pour le Ethan d'avant, cela l'aurait été. Mais la révélation que j'ai eue ne me fait pas peur contrairement à ce que j'aurais pensé. Elle me comble de bonheur, elle me donne envie de la hurler à qui veut l'entendre, elle me donne envie de tout donner. Il est loin le Ethan paralysé émotionnellement et renfermé. Grâce à elle. Grâce à sa douceur. Grâce à sa timide présence solaire qui ne demande qu'à gagner en intensité.

Fier de cette détermination qui naît en moi, je mets en place le plan qui me trottait depuis un moment en tête. Les idées me viennent, les détails s'agencent. Je vais devoir des faveurs à certaines personnes mais peu importe. J'ai hâte. Hâte de voir comment elle va réagir.

Une once d'appréhension me parcourt malgré tout. Elle pourrait ne pas m'avoir pardonné, ne pas être capable de passer outre ou tout simplement ne pas ressentir la même chose que moi. Je chasse cette idée de mon esprit en secouant la tête. Hors de question que je gâche tout cela avec de pareilles futilités. Je ne saurais pas tant que je n'aurais pas tenté, de toute manière.

Stress d'Ethan à l'idée de montrer son morceau ? Du genre guetter ses réactions, jambe qui gigote, mains moites, ventre contracté ?

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