37 - Wrecked (Théa)

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Lola m'intime d'aller ouvrir d'un mouvement de la tête à peine subtil. Le stress me comprime la gorge. Je n'ai jamais fait ça, vous savez, les dates. De plus, je ne suis pas habituée à une telle tenue. J'enfile les escarpins nude tendus par ma meilleure amie avant de filer lui ouvrir la porte du bâtiment. Peu de temps après, la sonnette retentit à nouveau. Celle de mon appartement, cette fois-ci. L'angoisse monte encore d'un cran alors que ma paume se pose sur la poignée. Je souffle un grand coup avant d'ouvrir la porte.

Nous nous figeons tous deux de surprise. Nous nous observons comme si nous étions deux étrangers. Sans s'éloigner de son style vans/vêtements noirs, il a enfilé un pantalon chino de sa couleur fétiche assorti d'un blazer d'une teinte identique sous lequel le blanc du t-shirt contraste. Et bien évidemment, il porte toujours ses fameuses Vans. Mon attention se reporte sur son visage et l'expression que j'y lis me surprend encore plus. Une fascination a pris possession de ses prunelles céruléennes et je semble en être l'objet. Il souffle :

― Waouh...

Lola nous sort de notre transe en entrant dans la pièce, brisant le moment qui oscillait entre embarrassant et magique. Un petit sourire moqueur aux lèvres, elle nous taquine :

― Vous n'avez pas un restaurant qui vous attend, les tourtereaux ?

Je la fusille du regard face à cette appellation tandis que j'entends Ethan pouffer. Ravie de son effet, elle m'adresse un clin d'œil en quittant l'appartement. Derrière le dos d'Ethan, elle me fait signe de l'appeler pour tout lui raconter. Je lève les yeux au ciel. Ce qu'elle peut être exaspérante parfois !

Je reporte mon attention sur Ethan qui attend patiemment, les mains dans ses poches comme sur sa photo de profil sur l'application. Alors, le bon qu'il y a eu, qu'il m'a fait vivre durant ce confinement me revient en pleine figure, par flashs. Les moments où il m'a fait rire, ceux où il m'a récupéré à la petite cuillère, ceux où il a tenté d'améliorer mon piètre niveau de cuisinière... Tout ce qu'il a gâché, tout ce que je ne pourrais jamais oublier.

M'arrachant à mes pensées, il pose à nouveau ses iris brûlants sur moi avant de sourire. Tant de beauté en un seul homme ne devrait pas être possible. Saurais-je me souvenir à quel point je lui en veux malgré cette attirance ? Il me tend sa main et, après un instant d'hésitation, je la saisis sans le lâcher du regard, comme si dans celui-ci je trouverai le courage d'aller à ce date, le courage de lui pardonner. Aucun mot n'est prononcé mais il sait. Sans parler, il semble comprendre tout ce que je ressens, tout ce que je pense. Troublant, rassurant.

Une fois installés dans la voiture, il prend enfin la parole et sa voix éraillée me charme à nouveau. Chaque fois qu'il ouvre la bouche, je suis surprise par ce grain qui lui est si particulier et dont je pourrais ne jamais me lasser. Il me demande :

― C'était ton amie, j'imagine ?

― Lola, oui, ma meilleure amie.

Un sourire en coin ourle ses lèvres tentatrices. Il me lance un rapide regard en coin puis reporte à nouveau son attention sur la route.

― J'imagine qu'elle a aidé à ta préparation.

Je sens mes joues chauffer d'embarras. Encore une fois, sans même me voir, il se doute de la réponse et enchaîne :

― Elle a fait un excellent job. Tu es ... Magnifique.

Il se passe une main nerveuse dans ses cheveux courts et bégaye :

― N... Non pas que tu ne le sois pas d'ordinaire, au contraire, mais ...

Je souris en l'observant s'emmêler les pinceaux. Sa confiance s'effrite par moment, me laissant entrevoir le Ethan complexe, qui a ses failles, ses faiblesses et ses manques. Je mets fin à son supplice en le coupant d'un simple :

― Merci.

Soulagé, ses épaules s'abaissent et se décrispent. Encore une fois, j'oublie le mauvais. Comme si sa présence annulait son absence passée. J'oublie que j'ai peur de ce que l'avenir nous réserve, ce que lui me réserve. Enfin, presque. Car la peur persiste sous forme de boule dans mon ventre dont je ne parviens pas à me débarrasser complètement. Je rêve qu'il soit capable de l'annihiler. Mais il en est l'un des principaux créateurs et seuls ses prochains actes pourront me convaincre que je peux lâcher prise

En moins d'une dizaine de minutes, Ethan ralentit l'allure avant de se garer. Le frein à main enclenché, le moteur éteint, il se tourne vers moi. Il me sourit et m'annonce, exalté

― On est arrivé

Sans attendre une réponse de ma part, il sort de la voiture. Me surprenant au passage, ma portière s'ouvre sur lui. A nouveau, il me tend sa main que je saisis pour descendre à mon tour du véhicule. Il me montre d'un geste le restaurant de l'autre côté de la rue. J'écarquille les yeux. Une façade faite de grandes baies vitrées nous fait face. De l'extérieur, je parviens à percevoir les lustres en cristal assorti à une décoration malgré tout moderne et design. Je peux également voir que l'établissement paraît assez rempli, du moins au vu des conditions sanitaires. Je secoue la tête et déclare

― On n'aura jamais une table, Ethan.

Pour seule réponse, j'ai le droit à un clin d'œil malicieux alors que nous enfilons nos masques. Il me tire à sa suite et s'annonce à l'homme qui est présent à l'entrée pour contrôler les jauges et s'assurer qu'elles ne soient pas excédées. Il nous laisse entrer d'un hochement de tête puis l'un de ses collègues prend la relève pour nous guider jusqu'à notre table et nous donner les menus. Je n'en reviens toujours pas. Une kyrielle de questions me brûlent les lèvres alors que nous consultons la carte. Tous les mets sont plus luxueux les uns que les autres et je ne sais pas où donner de la tête. Ce n'est pas un milieu dans lequel je me sens à l'aise. Ethan doit le ressentir car, dès que la commande est passée, il semble chercher ses mots.

― Je n'ai pas l'habitude d'aller dans ce genre de restaurant et mon but n'est ni de t'acheter ni de t'impressionner. Enfin, un peu pour le dernier point...

Son petit sourire presque timide me fait fondre. J'aimerais me pincer, me baffer pour me rappeler que je ne dois pas me laisser avoir mais c'est plus fort que moi. Il reprend en haussant les épaules, l'air gêné :

― Je dois avouer, c'était un poil égoïste. Je voulais t'inviter à un vrai rendez-vous et j'ai opté pour celui-ci notamment pour te voir avec une belle robe. Je sais, c'est bête. Mais dans un sens, je voulais que ce premier rendez-vous, qui pourrait très bien être le dernier, soit mémorable.

Je pourrais le prendre mal car pourquoi faudrait-il que je sois bien habillée pour que cela soit mémorable ? Pourtant, je suis amusée par sa façon de penser. Et je ne peux m'empêcher d'être flattée. Je le taquine :

― Est-ce que tu penses que ça sera le cas ? Est-ce que c'est assez mémorable pour toi ?

Son regard se fait sérieux, ses prunelles assombries par la sincérité.

― Dès que la porte s'est ouverte sur toi, j'ai su que je m'en souviendrai toute ma vie.

The Perfect MatchOù les histoires vivent. Découvrez maintenant