8.

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La sueur perlant sur mon front, je me regarde dans le miroir. J'ai l'air d'une morte-vivante avec mes grosses cernes violettes sous les yeux et mon teint blafard. Les mains tremblantes, la fièvre au bord des lèvres, je tente d'enlever tout le sang qui orne ma peau mais j'ai l'impression que plus j'essaie de l'enlever, plus j'en remets et ce n'est qu'un cercle infini de frustration. Le contrôle que j'ai sur mes propres larmes est impressionnant je trouve, cependant je suis interrompue par quelqu'un qui frappe à la porte. Je me fige, dans un état de stress incommensurable.

- Violence ? Ça va ? 

Marco. Je déverrouille le battant et me recule alors qu'il ouvre la porte doucement pour me découvrir dans un état pitoyable. Il remarque les mouchoirs avec lesquels j'ai essayé d'enlever ma propre hémoglobine, ses yeux se posent sur ma lèvre, et il se tourne vers moi. 

- Il t'en reste encore, je peux ? 

- Oui, je souffle. 

Il mouille le coin d'une serviette avec de l'eau et la frotte délicatement contre ma mâchoire et mon cou. Je le laisse faire et rouvre les yeux au bout d'un moment : je découvre Andrea dans l'encadrure de la porte, un verre d'alcool à la main, tranquillement en train de nous regarder avec son petit sourire narquois . 

- C'est le hammam du coin, ici ? 

Marco se retourne. 

- Andrea, je ne te conseille pas de t'engager sur ce terrain. 

- Sinon quoi ? sourit-il. 

La tension que j'avais sentie entre les deux hommes sur le tarmac était donc bien réelle. Je me jette sur mon ex-geôlier, ne supportant plus sa présence, et dans mon mouvement son crâne heurte l'un des gonds du battant. Il vacille et je le pousse de toutes mes forces. Désorienté, il tombe à la renverse et je vois rouge : c'est aussi de sa faute, tout ça, et en plus il m'a frappé il y a trente minutes. Je lui assène un coup de pied dans les côtes et un autre dans les parties intimes, acte qui le fait crier de douleur et je sens les murs trembler autour de moi. Il se tord, se plie en deux comme une plaque de taule et je lui crache au visage pour bien lui faire comprendre qu'il va payer pour ce qu'il a fait : je n'ai pas le temps de lui décocher un second crochet du droit que Thaddeus accourt, pas même essoufflé, devant la salle de bain du premier étage. Il contemple Andrea au sol et moi debout à côté de lui, puis son regard passe de Marco à moi, et enfin, de Marco à son homme de main. Ce dernier geint de douleur en jurant dans plusieurs langues dont l'anglais et l'italien. 

- Lex talionis, déclare Di Casiraghi. Arrêtez ce cirque, maintenant.

Lex talionis. Deux mots prononcés comme ceux d'un arbitre de boxe, sonnant la fin des hostilités, et je ne peux m'empêcher d'être d'accord avec lui pour une fois. Lex talionis, " dent pour dent, oeil pour oeil ". Désormais, Andrea et moi sommes quittes et je m'enferme dans ma chambre pour ne plus voir tout ce petit monde et ce manoir dont la vue m'est devenue trop difficile. Je ne descends pas une seule fois de la journée, ni pour le déjeuner ni pour le dîner, mais trouve quand même un plateau devant ma chambre. Je n'ai pourtant vu aucun cuisinier ou aucun personnel, contrairement à Palerme, donc c'est étrange ; pour autant je ne m'en inquiète pas. Je mange ma viande et mes pâtes, ma tarte au pommes toute seule assise sur le grand lit dans un silence de mort. Les événements de la journée m'ont retourné le cerveau et je crois qu'un certain déni s'est emparé de mon esprit, parce que je refuse d'y repenser, je refuse de me confronter à l'idée que ça pourrait être réel, qu'il m'a bien dit ça. Je persiste à croire qu'il s'est payé ma tête ou bien que je suis dans un cauchemar et que je vais me réveiller dans mon lit à Atlanta, de toute façon c'est bien le seul moyen que les choses se débloquent. Je fais nerveusement les cents pas dans la chambre en rongeant mon ongle du pouce verni de noir. Punaise, je suis dans une situation encore plus compliquée que la dernière fois et je n'ai aucune idée de comment je vais m'en sortir. Techniquement je ne suis pas obligée de rester ici et j'ai pensé à m'enfuir pour me faire tuer le plus vite possible - ça réglerait une bonne partie de mes problèmes je pense. Pourtant je me refuse à le faire, par manque de courage sûrement... Quelle faiblesse, Violence. Moi qui m'étais promis de ne pas me refuser à la mort si elle devenait ma seule option saine et sereine, je viens de me trahir toute seule et je déteste cette sensation d'échec. 

ULTRAVIOLENCE • T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant