22.

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Cinq jours. Cela fait cinq jours que je suis toute seule dans ce grand manoir ; Andrea est rentré en coup de vent ce midi et est repartit aussi vite pour le travail. Mes journées ne se résument qu'a une seule chose, combattre mon envie d'alcool. Je crois que le plus dur est passé et même si je ressens toujours des vertiges et des palpitations au cours de la journée, c'est beaucoup moins intense que les trois premiers jours. Demain, cela fera six jours que je n'ai pas vu Thaddeus. Est-ce notre dispute qui l'a fait fuir ? Ou des problèmes dans l'organisation ? Où peut-il bien être ? Pourquoi me laisser sans aucune nouvelle alors qu'il m'impose un sevrage ? Et si j'avais fait une grave réaction, et si j'en étais morte ? Peut-être qu'il s'en fiche. C'est même sûr qu'il s'en fiche, après tout. Je me retourne dans mon lit, encore et encore, incapable de trouver le sommeil parmi ces pensées intrusives. J'ai réalisé trop de choses ces derniers jours. Etre seule m'a permis de réfléchir dans un environnement calme, de faire le point sur les choses, de savoir ce que je voulais vraiment, de comprendre ce qu'il s'était passé... Et je ne peux plus nier certaines choses. 

Je ne peux pas continuer à me cacher à moi-même que oui, Thaddeus est à l'heure actuelle la seule personne que j'ai. Même si je déteste cela, il est ce qui se rapproche le plus d'un proche à cet instant donné, et si je le hais pour tout ce qu'il m'a fait, il est aussi le seul qui a essayé de m'aider. Qui a vu. Je ne peux pas continuer à me cacher à moi-même que ces cinq jours passés à attendre je ne sais quoi, son retour, lui, aussi, et des explications, sont de la torture parce que c'est une attente interminablement longue. Je ne peux pas non plus nier que ce qu'il s'est passé dans l'entrée du manoir lorsque nous sommes arrivés à Netherton ne m'a rien fait. Ça m'a fait quelque chose, exactement comme lorsqu'il m'a dit qu'il voulait chaque partie de mon être, toute mon âme, tout mon esprit, quelque chose que je ne pourrais pas expliquer. Mais quelque chose de mal, en tout cas. Je ne peux pas continuer à nier que je n'arrive à me reconstruire à chaque fois que je m'en vais, parce que je n'arrive pas à rebâtir de vie lorsque je pars, c'est à chaque fois un désastre qui grandit de secondes en secondes. Alors peut-être qu'au fond, il avait raison quand il est venu me voir dans mon propre appartement à Atlanta. Peut-être qu'au fond, en effet je ne fais pas mieux que lui, peut-être que je vaux pas mieux que lui. Peut-être qu'au fond, si j'avais refusé de revenir, nous n'aurions pas survécu et peut-être qu'au fond, il vaut mieux que l'on se déchire lorsqu'on est ensemble plutôt que d'être détruits par la distance qui nous sépare. Ce qui nous lie est plus puissant que ce qui nous divise, et je ne sais pas quoi faire de cette information. 

- Arrête de penser à ça Violence, je murmure en me levant. 

J'enfile mon pyjama pour descendre chercher un verre d'eau en bas. Les escalier craquent sous mes pas, et je traverse le couloir pour atterrir dans la grande salle ; tout est terriblement silencieux, je suppose qu'Andrea n'est pas là. Je sirote mon verre d'eau devant les fenêtres derrière lesquels se dessine seulement la pelouse du domaine éclairée par la pleine lune. Au moment où je m'apprête à détourner les yeux pour aller reposer mon verre dans l'évier, du mouvement sur la gauche attire mon regard et les lumières de trois torches éclairent soudainement la pelouse juste devant moi. Je distingue trois soldats, ainsi que deux autres hommes ; la carrure du premier et la montre, que les lampes éclairent, m'indiquent que c'est Andrea. Mais je n'ai aucune idée de qui est l'autre, il marche un peu courbé, se débat parfois, il est ligoté exactement comme je l'étais il y a deux mois et demi, et n'a pas l'air en bonne forme. Les petites affaires de l'organisation... Et soudainement, la porte d'entrée s'ouvre. Je sursaute et lâche mon verre qui s'écrase au sol dans une myriade de tintements. Merde. 

- Violence ? 

Ma tête se tourne toute seule. 

- Il est minuit qu'est-ce que tu fais encore debout ? 

ULTRAVIOLENCE • T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant