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La vision brouillée par les larmes, je gare ma voiture à l'exact emplacement où il s'était garé il y a quatre jours de cela. Le tableau de bord indique seize heures, la journée dure depuis une éternité, elle a été harassante, mais tout est réglé maintenant. J'ai vu les notaires, avocats et conseillers pour passer en revue les derniers détails, et j'ai eu la grande surprise de voir qu'il m'avait légué beaucoup. Il m'a tout donné, pour être plus exact ; l'organisation, le manoir, la propriété à Palerme, ses hommes, son argent personnel. La gorge nouée, je claque la portière et m'avance vers la falaise à pas lents, le vent séchant durement les larmes qui coulent sur mes joues. Je suis anéantie. Je suis réduite en cendres de venir ici, mais il n'y a que là que je juge être l'endroit le plus près de lui. Je porte son long manteau noir qui sur moi fait l'effet d'une grande cape, il est chaud et confortable comme si j'étais dans ses bras. J'enjambe la barrière et m'avance près du vide, en sanglotant, avant de rester durant plusieurs minutes face à la mer pour me contenir. 

- J'ai nommé un conseil pour prendre la direction de l'organisation car il était évident que personne n'aurait pu faire ton travail aussi bien et rapidement que toi. Ils sont sept. Il y a Andrea, Lorenzo, et une personne des cinq délégations les plus importantes.

Une mouette passe au dessus de ma tête. 

- Je suis toujours la responsable, c'est légalement marqué que j'ai le commandement, mais c'est seulement symbolique. Je n'interférerais pas dans le conseil. J'ai décidé de ne pas me retirer complètement parce que c'est pratiquement la dernière chose qui me lie à toi, c'est ton cadeau de départ, et je ne me voyais pas m'en séparer.

J'essuie une mes larmes. 

- Ca fait quatre-vingt seize heures que tu est partit, peut-être un peu plus, et j'ai déjà l'impression que ça fait tout une vie. Comment est-ce que je suis censée survivre ? je demande. 

Evidemment, personne ne me répond. 

- Je t'en veux tellement, Thaddeus. Je suis tellement en colère que tu ne m'aie pas dit au revoir. 

Et étrangement, alors que je dis ça, je m'arrête. Je repense aux paroles d'Enzo, trois ans en arrière. Tu penseras, à un moment donné, le connaître, mais tu ne le connaîtras jamais. Il te briseras comme tu n'as jamais été brisée, tu n'en sortiras pas indemne. Et je réalise qu'encore une fois, il avait totalement raison. J'ai cru que je savais qui il était, j'ai cru que je le connaissais, mais jusqu'au bout il aura gardé le mystère de ses pensées. Je me suis trompée; 

- Tu aurais pu me parler ! Tu aurais pu m'embrasser une dernière fois, tu aurais pu... 

Mes sanglots me forcent à m'arrêter une nouvelle fois. 

- Pourquoi tu ne m'a pas dit au revoir ? Pourquoi ? je hurle. 

Presque comme si il avait voulu me laisser découvrir seule tout ceci. Presque comme si il s'était refusé à me dire au revoir car il savait que ce n'était pas un adieu, que ce serait simplement provisoire, et je le déteste. Je le déteste rien que pour ça. Dans toute la douleur que m'a imposée sa mort, c'est sûrement le pire ; n'avoir pas eu le droit à des dernières paroles, à un dernier baiser, à un au revoir. J'aurais aimé lui tellement plus. Lui dire de ne pas avoir peur, que tout irait bien, qu'il pouvait partir l'esprit tranquille. J'espère qu'il n'a pas souffert, qu'il n'a pas trop eu peur, et la possibilité que ce ne soit pas le cas m'anéantit encore un peu plus.

- J'ai rencontré le papa d'Alexei, il est très gentil, et je lui ai dit que tu avais continué de l'aimer toute sa vie. J'espère que tu es avec lui à l'heure actuelle, j'espère que vous vous êtes retrouvés.

J'ai un vague sourire à cette idée, mais je reprends.

- Ton père est venu aussi. Il regrette tout ce qu'il t'a fait. Il sait qu'il a été quelqu'un d'horrible.

ULTRAVIOLENCE • T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant