7.

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La porte fini par s'ouvrir et Thaddeus entre dans la pièce, ses papiers à la main. Il les pose sur son bureau, se dirige vers l'étagère sur laquelle il se saisit d'un classeur bleu dans lequel il range ces mêmes feuilles avant de le refermer puis de le reposer. Pas plus dérangé que ça par ma présence, il s'installe à son bureau et pianote sur le clavier de son ordinateur portable durant un long moment. La situation est assez cocasse et je retiens un rire : moi qui m'étais jurée de ne jamais retourner là-bas, quitte à perdre la vie, je me retrouve ligotée à une chaise dans le bureau du patron de l'organisation. Je ferme les yeux, essaie de trouver un endroit où il y a du mou dans la corde mais je me blesse plus qu'autre chose et soupire. 

- Les cordes sont trop serrées. J'ai mal. 

- C'est le but, dit-il sans me regarder. 

Il continue de taper sur son clavier et je ne peux m'empêcher de le regarder. Au delà de ce que j'ai perçu il y a longtemps chez lui, au delà du patron sanguinaire criminel qui n'éprouve aucun remords et aucun regret, au delà du psychopathe violent, diabolique et fanatique de la mort... Autre chose. Un homme, dans sa profonde nature, autoritaire et implacable. Une certaine beauté froide, cette beauté tranquille qu'ont les funérailles par exemple. Une élégance portée à même la peau, impérissable. Un magnétisme qui est presque inhumain, comme si le cosmos et le chaos semblaient graviter en permanence autour de lui. Le mélange de cette déviance et de cette intensité étrange est aussi intriguant qu'insupportable, et mes yeux dévient de sa personne pour aller se balader sur ce qui m'entourent. Pour passer le temps à nouveau, je détaille la grande pièce carré et observe le plafond, le parquet, les rares objets de décoration qui ornent la pièce. Une petite statuette blanche, sûrement d'origine grecque, au sommet de l'étagère, et un masque inca multicolore sur un mur. 

- Ce sont des vrais, dit-il encore sans relever les yeux de son écran. 

-  Tu sais ce qui est vrai, aussi ? La raclée que je vais mettre à Andrea, je crache.

Je ne décolère pas de la façon dont cet homme m'a kidnappée et traitée jusqu'a ce que j'arrive au manoir et qu'il m'enferme. Même si Di Casiraghi est derrière tout ça, mon ex-geôlier m'exaspère et je ne peut pas attendre d'être à nouveau libre de mes mouvements pour aller régler mes comptes avec lui. Derrière son bureau, il ferme brièvement les yeux et lâche son ordinateur pour se reconcentrer sur moi, son stylo habituel à la main, et je le devine exaspéré.

- Laisse-moi trente seconde dans une pièce seule avec ce type et je le...

- Tu n'aurais aucune chance, me coupe t-il. 

- On parie ? 

Ma provocation envenime encore plus la situation puisque je le vois se tendre un peu plus. Ses yeux ne sont plus le mur habituel, mais un rideau de haine qui va s'abattre sur moi dans très, très peu de temps. Il se lève, tranquillement, contourne son bureau et sors de la poche de son pantalon de costume bleu marine un couteau à double lame. Les yeux fixés sur les fenêtres derrière moi, le visage de marbre, il fait virevolter le couteau entre ses doigts l'espace de quelques secondes avant de s'approcher. Je le fixe silencieusement, me demandant si c'est le moment où je vais payer pour ce que j'ai fait - la réponse est évidente. Il se penche vers moi et me dit à voix basse :

- Tu oublies un peu trop souvent où tu est, et de qui tu est entourée. 

Thaddeus fait glisser l'une des lames sur mon visage et je ferme les yeux, les mains tremblantes derrière mon dos. 

- J'aurais du te suturer les lèvres, finalement, dit-il distraitement.

Le métal froid effleure doucement ma mâchoire, et je sens soudain une vive douleur au milieu de ma lèvre inférieure. Je rouvre les yeux sous le coup de la surprise et de la douleur. Un goût de sang s'imprime sur mon palais et je sens un liquide chaud me couler sur le menton alors que Di Casiraghi se recule d'un pas, stoïque. 

ULTRAVIOLENCE • T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant