39.

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Les clés de l'appartement tournent dans mes mains. Assise sur le lit de ma chambre, j'écoute le silence du manoir - enfin, pas tellement, puisque là-haut, Thaddeus travaille sûrement avec des gens importants, parce que ça dure depuis ce matin, qu'il n'est pas sortit une seule fois de son bureau duquel j'entends des éclats de voix parfois. Je ne l'ai pas vu depuis qu'il a quitté le manoir hier, je n'ai aucune idée d'à quelle heure il est rentré, nous n'avons plus aucun contact. Le temps passe lentement. Je me sens vide. Je sais que demain je quitte le manoir et j'ai essayé de rassembler toutes mes affaires mais même pour moi, c'est difficile de le faire parce que j'ai beaucoup aimé cette demeure. Ces derniers jours ici, aussi. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, et je sais que même si ça fait mal, ce sera positif pour tout le monde, que ce soit lui ou moi. J'ai beau lire, prendre une douche, essayer de faire un peu de tri dans mes vêtements, rien n'arrive à me distraire de ce vide horriblement immense qui m'engloutit un peu plus à chaque seconde. À vingt heures, après avoir pesé le pour et le contre, j'ai trop faim pour ne pas descendre et ouvre donc la porte de ma chambre pour rejoindre la salle à manger ; heureusement pour moi, elle est vide, mais les cuisiniers ont laissé des choses sur la table. Je me sers une assiette et mange debout, seule, près de la fenêtre qui donne sur la propriété balayée par les vents secs de l'hiver. Puis il y a des pas dans l'escalier. Je me fige, le coeur battant, pour voir simplement Ross Aderholt venir. Tout mon corps se tend. 

- Bonjour, Violence, dit-il. 

Je ne lui adresse même pas un signe de tête. Comme pour Victoria, sa trahison est gravée dans mon âme à jamais et personne ne pourra jamais me convaincre de le pardonner. Il sort de son sac une petite boite entourée de papier cadeau qu'il pose au pied de la chaise de Thaddeus, et je fronce les sourcils avant de me pencher. Il n'y a que la boite du psychiatre et je fronce les sourcils. 

- C'est son anniversaire ? je demande. 

- Oui, il ne vous a pas dit ? 

Mon silence lui répond. C'est son anniversaire, tout le monde est au courant sauf moi, et cette nouvelle révélation me blesse encore un peu plus. Aderholt fait quelques pas comme si il allait s'en aller, avant de se retourner et de débiter d'une seule traite : 

- Il ne vous en veux pas de partir, il a seulement l'impression que quelqu'un d'autre l'abandonne. Vous lui faites penser à son père, et il a des blessures. Mais il ne vous en veux pas personnellement, il est content que vous preniez en main le nouveau chapitre de votre vie, seulement... Seulement, cela lui laisse un gout étrange sur le palais, vous lui avez donné beaucoup ces derniers temps et maintenant vous partez... Vous blesser, c'est plus facile que d'accepter qu'il a encore des points à travailler. 

- Quoi ? 

- Bonne nuit, Violence. 

Et sans un mot de plus, il repart en sens inverse. La porte d'entrée claque et me fait sursauter violemment, alors que j'essaye toujours de digérer et de comprendre ce qu'il vient de me dire. Mais pourquoi a t-il l'impression que je l'abandonne ? Je n'ai jamais parlé de partir à l'autre bout du monde, ou de ne jamais revenir ! Je n'ai jamais eu l'intention de partir par le vrai sens du terme, c'était seulement un déménagement ! Je fais les cents pas dans l'immense pièce, nerveuse, rassemblant toutes les parties du discours d'Aderholt. Il n'a jamais été question de quitter l'organisation, l'Angleterre, ou lui. Je lui ai donné beaucoup oui, et je continuerais à le faire, ce n'est pas parce qu'on ne vivra plus au même endroit que tout ceci s'arrêtera pour autant, comment peut-il croire que ce sera le cas ? Oui, me blesser a toujours été son moyen de défense contre n'importe quoi, et je l'accepte. Nous avons tous nos propres défenses. Mais après ce que Ross vient de me dire, je dois me résoudre à avoir une petite conversation pour mettre les choses au clair, alors je prends mon courage à deux mains et je monte. Personne dans son bureau, et je frappe à la porte de la sa chambre. 

ULTRAVIOLENCE • T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant