13.

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Après un petit déjeuner pris dans la chambre, nous repartons de l'hôtel direction Netherton. Assise dans la Cadillac qui parcourt les rues de la capital anglaise pour rejoindre la bretelle d'autoroute, je ne dis rien. Le silence qui nous a envahit depuis ce matin est vibrant, et s'est installé depuis cette nuit ; je n'ai pas réussi vraiment à dormir après cet échange de questions que nous avons eu. Je n'ai pas non plus envie de lui parler, même si je sais que l'on devra le faire à un moment donné, et pour couper court au choses, je ferme les yeux et essaye de dormir pour faire passer le temps. Mais impossible de calmer le flot de pensées qui m'assaillit en permanence, et au bout d'un certain moment je commence à me demander si je pourrais un jour oublier tout ce qu'il s'est passé, tout ce qu'il se passe. 

- C'est le fait que je ne t'ai pas répondu qui te met dans cet état ? 

Je ne bronche pas et continue de fermer les yeux du plus fort que je peut pour ne pas m'y confronter.  Durant quelques secondes, on entend que le bruit de la voiture qui roule ( d'ailleurs un peu trop vite ) sur l'autoroute, puis : 

- Pas la peine de faire semblant de dormir, Violence. Je lis en toi comme un livre ouvert. 

- Je fais semblant de dormir si j'ai envie, je réplique. 

- Pourquoi tu sors les griffes ? demande t-il. 

La question me fait presque bondir mais je reste calme. Bouillonnante sur mon siège, je serre les dents pour m'empêcher de répondre et d'envenimer la situation déjà bien trop compliquée... Jusqu'au moment où il repose sa question et je rouvre d'un seul coup les yeux en me redressant. Je sens que je vais exploser. Et cette fois je sais qu'il n'y a rien derrière qui va m'empêcher de le faire, je n'ai rien à perdre. 

- Je sors les griffes parce que c'est à chaque fois la même chose, tu ne me réponds jamais, tu me laisses avec ces blancs, ces questions sans réponse et c'est insupportable ! 

Il se tait encore, comme pour me donner raison. Et ne répond pas, ne parle plus, ne dit plus rien jusqu'à ce qu'on arrive à Netherton cinq heures plus tard. La colère qui est montée tout à l'heure n'est pas du tout redescendue et oscille entre l'envie de tout détruire et l'envie de partir d'ici quitte à périr. Je décide quand même de ne pas prendre de décision sur un coup de colère, il se gare, je sors et claque la portière. Alors que je prend toute seule la direction de la porte d'entrée, il me saisit le coude fermement et m'oblige à me retourner. Je me débat, et il finit par me lâcher, toujours sans rien dire, ce qui d'autant plus frustrant. Face à face, on se toise pendant quelques instants et ce que je retiens depuis trop longtemps déborde. Je rêve où il vient encore de se taire alors qu'il allait dire quelque chose ?

- Ne me donne pas la punition du silence, je siffle. J'ai fait absolument tout ce que tu voulais, je te laisse m'apprendre comme tu le souhaite, alors tu te dois de ne pas rester mutique pendant des heures en attendant miraculeusement que je comprenne. 

Je pointe un doigt accusateur vers lui. 

- E tu n'as aucun droit de dire que si. Parce que si tu veux m'apprendre, tu dois me parler. Ce n'est pas comme ça que ça marche. 

Il reste de marbre et pour ne pas m'énerver plus, sans plus attendre, je tourne les talons, ouvre la porte d'entrée, monte les marches de l'escalier quatre à quatre pour m'enfermer dans ma chambre dès j'y suis entrée. Après cette nuit, il ne me restera qu'une semaine à faire ici. Une semaine, et je serais libre. Ca semble pourtant tellement loin...

Mais cette pensée a un goût amer. 

Comme une impression de déjà-vu. 




La cloche sonne en bas, signe que le diner est prêt. J'espère sincèrement que nous avons des invités ce soir, ou qu'il y a Andrea voire même Marco, parce que je n'ai aucune envie de passer ce repas seule en compagnie de Di Casiraghi. Pas après notre altercation de ce matin. J'ai passé ma journée à dormir, à lire et à réfléchir, et je dois dire que de me retrouver seule dans ma chambre avec moi-même m'a fait un peu de bien malgré tout ce qu'il se passe. En prenant mon courage à deux mains je traverse le couloir et arrive dans la grande pièce - vide - où se trouve seulement Thaddeus. Merde. Sans un mot, je m'assois à un bout de la table et lui à l'autre, et nous commençons à manger en silence : je n'ai pas la foi de commencer une conversation, de m'excuser pour quoi que ce soit ou de lui faire part de ma colère à nouveau, alors n'ayant rien à dire, je me contente de me taire. Il n'y a bientôt plus que le bruit de nos couverts qui rempli la pièce. Nous ne nous pouvons même pas supporter de nous regarder, et nous avons les yeux fixés sur nos assiettes comme si nous faisions semblant. Je sens une certaine tension dans ses gestes, un peu trop calmes, un peu trop précis, mais ce n'est pas mon problème, il s'est mis dans cette situation tout seul. Et soudain, son verre vole à travers la pièce pour venir s'écraser contre le carrelage. Les débris pleuvent à côté de moi. Il se lève tranquillement et quitte la table, je l'entends gravir les escaliers et quelques secondes plus tard les murs tremblent. Littéralement. J'entends des objets se casser, du verre se briser là haut, le parquet craque violemment, des choses sont envoyés dans les murs ou les unes contre les autres. Je déglutis et me prend la tête entre les mains. Mes larmes se mettent à couler toutes seules, pendant un bon moment, et  finissent pas s'estomper au même rythme que les bruits à l'étage. Je finis par me lever pour ramasser tout les débris de verre par terre, et je suis interrompue par un cliquetis que je reconnais très bien. Lentement, je me relève, le verre dans la main, pour découvrir Thaddeus qui se tient à trois mètres de moi, son arme braquée sur ma tête. Et au vu de ce qu'il vient de se passer, je pense que désamorcer cette bombe ne va pas être une partie de plaisir... Plantée là, je le toise de longues secondes sans rien oser dire. Ses yeux se plongent dans les miens, durement. 

ULTRAVIOLENCE • T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant