15.

2.4K 138 78
                                    

Le parquet craque, je devine qu'il s'avance. 

- Tu as mal ? demande t-il. 

- Oui, je dis. 

Le parquet craque à nouveau, un peu plus loin. Dans le noir complet, je ne me fie qu'à mon ouïe pour savoir où il se trouve. Avant ses premières phrases je craignais que sa colère ne se soit pas calmée, et qu'il soit venu m'achever parce que ce n'est pas son genre de tirer sans tuer quelqu'un... Mais il a l'air d'être plutôt enclin à discuter, finalement. 

- Nous sommes dans une impasse, je dis. On ne peux pas continuer comme ça. 

Il se tait. 

- On ne peux pas continuer à se reprocher des choses et à utiliser la violence et le silence comme seules solutions. 

- Qu'est-ce que tu proposes ? 

- Une discussion pour mettre les choses au clair.

Le parquet craque à nouveau. 

- Je reviens. 

La porte s'ouvre, grince, se referme, et j'inspire à fond pour me calmer. Est-ce que je marche vers ma mort, est-ce qu'il va chercher des cordes pour me pendre par le cou cette fois ? Qu'est-il partit faire ? J'allume la petite lampe de chevet, qui éclaire désormais la chambre d'un faible lueur orangée, et j'ai l'impression d'avoir fait un mauvais rêve. J'ai l'impression que sa présence ici n'a été qu'une illusion, mais sans que je m'y attende, il rouvre la porte à nouveau. Silencieusement il tire la chaise à côté de mon bureau et l'installe de façon à être en face de moi, assise dans le lit, puis il s'assoit à son tour et nous échangeons un regard. Il m'enjoint à commencer, d'un geste de la main, et je prends mon courage à deux mains puisque je vois qu'il m'ouvre une porte à la communication. Je ne vais pas laisser passer cette opportunité, au contraire, et commence à vider mon sac. 

- Pendant six mois je me suis demandée pourquoi est-ce que tu faisais ça. J'ai pensé que tu voulais me tuer, ou que c'était pour rire, ou pour t'amuser. J'ai tenté de comprendre mais c'est impossible. Pourquoi est-ce que tu m'a fait ça ? 

Il y a un petit silence. 

- En effet, c'était pour m'amuser, parce que j'apprécie la chasse plus que le trophée, parce que tu étais une proie à ma hauteur. Et aussi parce que comme je te l'ai dit, il fallait que tu revienne ici. J'ai allié l'utile à l'agréable. 

Une proie à sa hauteur, voilà tout ce que j'étais alors que je courais pour sauver ma vie, de pays en pays, de continent en continent. Décidément, je n'arriverais jamais à comprendre cet homme ni ses motivations même lorsque c'est lui qui me les explique.. Mais quelque part, je me sens flattée qu'il m'aie décrit comme une proie à sa hauteur. Il est incroyablement intelligent et rusé, et si il me considère à sa hauteur, c'est que peut-être je ne suis pas si mauvaise que ça au jeu du chat et de la souris. Une petite voix dans ma tête me rappelle que ça a quand même été une demi-année de stress, de fuite, de torture, que ça a ruiné tous mes plans de bohneur, et que j'ai fini kidnappé et enfermée dans une cave. Ça ne change certainement rien à ce que Lisa m'a dit, à cette obsession envers son soi disant apprentissage ; et je maintiens que je ne suis pas vraiment là pour un apprentissage, mais pour une autre raison. Une raison qui se camoufle sous sa volonté pour l'instant mais je compte bien découvrir, d'ailleurs. 

- Pourquoi tu continues de te taire, tout le temps, tu ne réponds jamais à mes questions, tu restes... Impénétrable. 

Il a un petit sourire. 

- J'espérais que tu puisses lire dans mes silences, mais visiblement nous n'en sommes pas à ce stade-là. C'est parfois compliqué de parler de ce que ne concerne pas le travail, et parfois, je n'ai tout simplement pas envie de répondre. 

ULTRAVIOLENCE • T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant