- Mais qu'est-ce que tu fais là ?
Marco descend au pas de course les escalier et nous rejoint devant la voiture. Je suis presque contente de le revoir, finalement, et sa présence me calme un peu. Menottée, ligotée avec le bandeau autour du cou et les cheveux en bataille, je ne ressemble à rien mais je ne m'en préoccupe pas : pour l'instant, je crois avoir de plus gros problèmes que ça.
- Je me pose la même question, figure-toi.
Il fronce les sourcils et se tourne vers mon geôlier.
- Tu la ramènes où ?
- La où le patron me l'a demandé.
Je sens une certaine tension entre les deux hommes, étrangement, et observe cet échange d'un oeil curieux. L'insolence de l'inconnu est palpable, je peux deviner que ça énerve Marco puisqu'il fait un pas vers lui et lui chuchote au visage.
- Ti consiglio di restare al tuo posto, Andrea. ( je te conseille de rester à ta place )
Voilà enfin un prénom : Andrea.
- Sì, Andrea, resta al tuo posto, je crache. ( Oui, Andrea, restes à ta place )
Il me fusille du regard avant d'ouvrir la portière de la voiture et me force à monter à l'intérieur avec le canon d'une arme pointé sur ma nuque. J'adresse un dernier regard à Marco alors qu'Andrea claque la portière : je ne sais pas quand je reverrais le pilote, mais je suis contente que nous ayons tenu tête à cet enfoiré ensemble. La Mercedes démarre alors que l'homme de main de Thaddeus s'installe sur le siège passager, marmonnant des mots incompréhensibles. Je tente d'ouvrir la portière mais elle est fermée à clé, alors je me rabats sur la meilleure option qui est celle d'attaquer le chauffeur pour que tout déraille. Je trouverais bien un moyen de m'enfuir ou de me faire tuer avant de retourner là-bas, n'est-ce pas ? Sans aucune hésitation je mords violemment le trapèze du chauffeur qui hurle et lâche le volant. La voiture fait un écart, Andrea rattrape le volant en se retournant vers moi et je lui décoche un sourire ravageur.
- Le prochain à y passer, c'est toi.
- On verra bien qui fera le malin à la fin, sourit-il.
Je serre les dents.
- Tu sais où on est ?
Je suis tentée de répondre " en enfer " mais je me retiens sans trop savoir pourquoi. Il me demande cela comme si j'étais une enfant qu'on venait d'amener à Disneyland, mais il se trompe sur mon compte.
- Je pourrais reconnaître les terres anglaises parmis cent cinquante pays.
Oui, nous sommes en Angleterre. Je reconnaîtrais le vent sec et piquant en un instant. Je n'oublierais jamais ce pays qui m'a vu naître et grandir, ce pays que j'ai aimé autant que ma vie même si beaucoup de mauvais souvenirs y sont liés. Je pourrais reconnaître les paysages les yeux fermés. Pour qui est-ce qu'il me prend ?
- Tu est forte en devinettes, dit-il.
En regardant par la fenêtre, il m'est pourtant impossible de reconnaître la route que nous empruntons. Ce n'est certainement pas Londres puisqu'il y a assez peu de trafic, et je n'ai aucune idée de l'endroit où nous allons : le Nord, le Sud ? Peut-être l'Est ? Cette situation est rageante et je rumine ma colère qui ne redescend pas. Je me demande si quelqu'un va remarquer ma disparition. Je n'ai pas d'amis puisque je déménageais tout le temps, les seules personnes probables qui remarqueront que j'ai été enlevée sont peut-être mes clients qui s'apercevront que je ne viens plus donner de cours.
- Je te conseille de dormir, parce que tu ne va pas faire de nuit complète avant très longtemps.
Mes mâchoires se bloquent, encore une fois. Je ferme les yeux, la tête contre la vitre, et inspire profondément. Même si je sais pertinemment que nous sommes en Angleterre, j'ai l'impression d'avoir pris un aller simple pour l'enfer et tout ça ne me plait, vraiment pas. Malgré cette assurance que j'affiche, malgré cette insolence qui déborde de moi parce que je me le suis promise, j'ai peur. Malgré le fait que je ne vais pas me laisser faire, au fond, une partie de moi est paralysée par l'effroi que je ressens à l'idée de revoir la Bête, Victoria, le sang, les corps, toute l'organisation entière. Sous mes paupières closes j'essaie de me dire que rien ne va m'arriver, que de toute façon je n'ai ni peur de souffrir ni peur de mourir, et que je trouverais un moyen pour m'en sortir, mais je retiens mes larmes. Je m'étais pourtant promis que je ne retournerais jamais ici, que je ne remonterais jamais dans cet avion, que je n'aurais plus jamais à faire affaire avec eux. Je m'étais promis, et pourtant, il a conspiré à faire échouer cette promesse. Une de plus. La combientième, en réalité ? Combien de promesses n'ai-je pas tenu, par choix, par dépit, par oubli ? Combien de fois ai-je bafoué ma propre parole ? Combien de fois ai-je couru pour échapper à l'organisation pour au final me retrouver dans cette voiture à destination de l'enfer sur Terre ? Mes ongles s'enfoncent dans les paumes de mes mains, nerveusement. Je repense à Marco, à sa tête incrédule quand il m'a vue. Je repense à ce kidnapping que j'ai vécu à Atlanta il y a quelques heures de cela. Je repense à ce que Andrea m'a dit sur Di Casiraghi, qu'il avait changé, qu'il n'était pas sûr que je le reconnaisse. Je me demande bien ce que ça veut dire... Est-ce qu'il est plus humain maintenant ? Ou plus psychopathe ? Est-ce que les choses ont changé dans l'organisation, ou pas du tout ? A quel point a t-il changé ? Dans quel sens du terme ? Je n'ai aucune idée de ce dans quoi que je vais mettre les pieds et ce manque de contrôle est absolument rageant. La dernière fois je m'étais préparée durant des mois, je savais tout, j'avais étudié et appris, j'avais des armes, j'avais un plan : aujourd'hui, je n'ai rien. J'ai été enlevée alors que j'étais déjà en fuite, je n'ai même pas d'affaires de rechange et je ne suis absolument pas prête à revoir Di Casiraghi, peu m'importe si il a changé. Aujourd'hui, je suis sourde et aveugle dans une cage au lions trop étroite.
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ULTRAVIOLENCE • T2
RomantizmIl a laissé sa marque sur elle. La traque ne fait que commencer, et il ne s'arrêtera pas avant d'arriver à son but. Ce qui les lie est bien plus profond que ce qu'ils croient. Ce qui les réunira sera bien plus puissant qu'une simple chasse.