14.

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- Bordel de merde.

- Mais qu'est-ce qu'il lui a pris ? 

- J'en sais rien. 

- C'est n'importe quoi. 

- Elle va mourir ? 

- Mais non, elle va pas mourir. 

Les voix indistinctes virevoltent près de mes oreilles sans que j'arrive à les comprendre totalement. Qui est là ? De qui parlent-ils ? La seule chose que je perçois c'est la douleur à mon mollet, qui est lancinante. 

- Il avait pris ses médicaments ? 

- Tu sais que ses crises s'empirent quand il est stressé. 

- Il lui a tiré dessus !

- Je sais. Tu crois qu'il va la tuer la prochaine fois ?

- J'en sais rien. 

Les mots se font de plus en plus précis autour de moi, tournant dans ma tête, et je reprends d'un coup pleinement conscience de ce qu'il s'est passé. Di Casiraghi m'a pointé une arme dessus et a appuyé sur la détente. Il m'a tiré dessus. Il m'a blessé. Sûrement à la jambe, au vu de la souffrance que je ressens à cet endroit...

- Mon dieu, quand elle va se réveiller... 

- Je suis déjà réveillée, je maugrée doucement. 

Par je-ne-sais quelle force, je trouve la motivation d'ouvrir les yeux même si je me sens aussi fatiguée que le jour où il m'avait pendu par des chevilles dans le hangar, à Palerme. Est-ce que j'ai aussi frôlé la mort, aujourd'hui, comme il y a deux ans et demi ? Je suis dans ma chambre, celle du manoir, ce qui est déjà bon signe : si c'était vraiment grave, je serais à l'hôpital, non ? Près de la fenêtre se trouve Andrea, qui fait tourner dans ses mains une arme à feu comme si il s'apprêtait à commettre un meurtre, et pas très loin de lui, il y a Ross Aderholt et Victoria. C'est elle qui s'aperçoit la première que j'ai les yeux ouverts et se précipite vers moi en me demandant si j'ai mal quelque part, comment je me sens, si je me souviens de quelque chose. Je la dévisage, de marbre. Si elle croît que j'ai oublié la double trahison qu'elle m'a fait avec Aderholt, elle se trompe sur toute la ligne et elle va pouvoir aller pleurer si ça lui chante, parce que trois ans après, l'amertume de cette soirée-là est toujours présente. 

- Sors, j'articule. Toi, et l'autre fils de pute. 

Immédiatement, un éclat cesse de briller dans ses yeux et son sourire bienveillant s'efface en quelques secondes - je l'ai blessé. Bien fait pour elle. Victoria fait quelques pas en arrière, murmure quelques mots à Ross, et ils quittent la chambre en refermant la porte derrière eux : j'ai un soupir de soulagement imperceptible. Là, je vais déjà mieux. 

- Pourquoi ils sont là ? je demande à Andrea. 

- Victoria vient régulièrement interroger Corelli et c'est aussi une des meilleures partenaires économiques du patron. C'est son amie, aussi.

Je serre les dents lorsque je me redresse dans le lit. J'ai la vague impression d'avoir été assommée ou bien d'avoir dormi plusieurs jours d'affilée au vu de l'immense fatigue que je ressens. En face de moi l'homme range son arme dans sa ceinture et croise les bras. Il a l'air un peu plus enclin à la discussion aujourd'hui que la dernière fois que je l'ai vu ( et j'ai l'impression que ça fait un siècle ). 

- Et quand je suis rentré et que j'ai vu les médecins, l'état du deuxième étage... Il était normal que j'apelle Aderholt.

Sa première phrase m'indique que ce que je pensais avoir vécu était bien réel : oui, Di Casiraghi m'a bien tiré dessus, oui, c'est bien mon sang qui a refait la peinture au murs, oui, tout ceci est en effet arrivé. Ça me rassure quand même un peu de savoir qu'il y a eu des médecins, qu'ils m'ont sûrement soigné, mais je demande à voir l'état de mon mollet parce qu'au vu de la douleur qui me lance à chaque instant, ça ne doit honnêtement pas être très glorieux.

ULTRAVIOLENCE • T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant