2 ans plus tard
Kingston Upon the Thames, 9 Octobre 2021 ;
La sonnette de la maison retentie pour la deuxième fois. Bon sang mais pourquoi Tom ne va pas ouvrir ? Je passe la tête par la porte de la chambre pour hurler depuis l'étage.
- Tom, tu peux aller ouvrir s'te plaît ?
Un troisième coup de sonnette m'arrive aux oreilles, m'arrachant à la préparation de ce foutu sac. Bordel mais est-ce qu'il va aller ouvrir cette porte un jour oui ou non ?
- Babe, it's for you !
Non mais c'est pas vrai ! Je vais jamais réussir à finir cette valise à la noix.
- J'arrive !
Je fourre les quelques vêtements que j'hésitais à prendre dans le sac, et laisse la montagne d'autres étalés sur le lit. Mon sac sous le bras, je m'accroche à la rembarde de l'escalier pour descendre les marches une à une avec une lourdeur qui me laisserait une place dans l'enclot des Éléphants au zoo le plus proche. Lorsque j'arrive enfin en bas de ces foutus marches que je ne supporte plus de monter trois fois par jour, mon gentil Tommy s'empresse de m'arracher ce sac qui pèse une tonne.
- Wait babe, let me help you.
Il pose le sac près de la porte d'entrée tandis que je pose enfin les pieds au rez-de-chaussée. Le facteur attend patiemment devant la porte, son manteau orange fluo sur le dos pour parer la pluie et se rendre visible par ce temps gris. L'inscription Royal Mail en rouge et la seule chose qui le différencie des éboueurs de chez nous en France.
- Good morning, Ma'am ! How are you today ?
Sa politesse me surprend à chaque fois. Le pauvre nous apporte des colis presque toutes les semaines. En France, il nous aurait détesté de le faire travailler autant, mais ici on dirait que ça lui plaît.
- Bonjour, Eddy. I'm good, and you ? A lot of work today ?
Je signe sur sa petite tablette avec une habitude qui me dépasse.
- Oh you know... just another rainy day in England. Fortunatly, your smile helps a lot.
J'esquisse un sourire pour le remercier, lorsque Tom passe sa tête par dessus mon épaule.
- Eddy, what did we say about compliments ?
Le facteur se met à rire en rangeant sa tablette dans la sacoche accrochée à son épaule.
- Sorry Sir, order from her Majesty the Queen.
Il incline la tête pour me saluer une dernière fois, avant de nous tourner le dos.
- Bybye the Holland ! Have a lovely day !
Et il nous adresse un dernier signe de la main avant de grimper dans sa voiturette rouge à l'effigie de la couronne Britannique. Ce qu'ils peuvent en faire trop avec leurs Reine, je vous jure ! Je ferme la porte pour me tourner vers l'énorme coli posé sur la table basse du salon.
- I guess it's from your mom again.
Je contourne le canapé qui sépare l'entrée du petit salon en croisant le regard agacé de Tom. Ses jolis cheveux auburn sont parfaitement rangés sur sa tête, et je suis déçu qu'il ne les ait pas laissés bouclés comme je les aimes. Il se laisse tomber dans le fauteuil près de la petite cheminée, et ajuste sa chemise à carreaux bleus qui lui donne un air de Peter Parker.
- Ça a l'air de te déranger.
Il lève les yeux vers moi avec ce regard agacé qui ne l'a pas quitté depuis le début de la journée. Je me force à parler français un maximum avec lui depuis qu'on partage cette maison, mais il y a toujours des phrases qu'il n'arrive pas à décrypter.
- You don't seem to like it.
Je me penche sur la table en ouvrant le coli à l'aide du coupe-papier qui sert à ouvrir la tonne de lettres que Tom reçois, lorsque le silence de ce dernier m'interpelle. Je lève les yeux du carton encore plein à craquer de cadeaux envoyés par ma mère pour le surprendre en train de me reluquer. Je jette un oeil à mon décolleté pour me rendre compte que, penchée comme ça, je lui offre une vue imprenable sur ma poitrine débordant de mon soutien-gorge. Je repose immédiatement les yeux sur lui pour le réprimander avec un regard maternel qui ne me va pas du tout. Son regard croise le mien et le sourire qu'il me lance suffit à laisser passer pour cette fois.
- Of course I like it. I love it !
Je secoue la tête avec un sourire impossible à retenir.
- I'm talking about the package.
Il renverse la tête en arrière sur le dossier du fauteuil avec lassitude.
- It's not that I don't like the packages she sends, it's just that I feel like she doesn't think I can support you.
Il me lance un regard agacé et sa mâchoire se serre dans la seconde.
- Does she know I have a job ? And not a shitty job, I'm a fucking actor, I earn enough money to give you a comfortable life.
Ça y est, il est énervé. À chaque fois qu'il s'agit de ma mère la conversation tourne à l'engueulade.
- That's not why she sent all this, and you know it.
Je repose les yeux sur le carton à l'intérieur du quel ma mère à prit soin de mettre une boite de chocolat en poudre qu'on ne trouve nul part ailleurs qu'en France. Et oui, j'ai vingt-cinq ans dans moins de deux mois mais ça ne m'empêche pas de boire mon chocolat chaud tous les matins. Une vrai gamine, je vous jure ! Entre Tom et son thé, et moi et mon chocolat chaud, la cafetière ne fonctionne pas souvent. J'aperçois au fond du carton, caché sous une tonne de petits vêtements, un coffret d'huiles essentiels et de crème dont elle m'avait parlée lors de notre dernier appel. Elle ne peut pas s'empêcher de m'envoyer tout et n'importe quoi depuis quelques mois, c'est infernal.
- And by the way, I don't need you to have a comfortable life.
Je laisse le carton de côté pour soutenir son regard qui ne me quitte plus.
- I'm not with you because you're a fucking actor, or because you earn a lot of money. I'm with you because I love you dummy, and I hate it when you talk like that.
Un sourire amusé illumine son visage et fait apparaître les rides autour de ses yeux. C'est dingue ce qu'en deux ans il a pu changer physiquement. Il a retrouvé ses jolis cheveux auburn qui ondules lorsqu'il sort de la douche, et il a prit du muscle. Beaucoup de muscle. Tout ça pour le tournage de Spiderman : No Way Home. Ce film n'aura jamais aussi bien porté son nom, c'est moi qui vous le dit.
Il tend une main vers moi, et je ne peux refuser d'y glisser la mienne, le laissant m'attirer à lui avec sa force de super-héros. Je vous avoue quand même que malgré deux années passées avec lui, je déteste toujours autant m'asseoir sur ses genoux. Même si il est incroyablement confortable. Je m'appuis sur son épaule pour ne pas lui infliger tout mon poids d'un seul coup, et le laisse glisser ses mains au creux de mon dos et sur mes cuisses.
- When I talk like what ?
Trop absorbée par ses beaux yeux aussi près de moi, je n'ai pas compris ce qu'il a dit.
- Quoi ?
Il sourit en renversant la tête en arrière.
- You said you hate it when I talk like this, but like what ?
Il laisse sa tête sur le dossier du fauteuil, mais garde les yeux rivés sur moi. Et malheureusement pour lui, sa mâchoire qui semble tout droit taillée dans du marbre retient toute mon attention. Je glisse mon index et mon majeur sur l'angle droit proéminant, et les fait doucement glisser le long du contour qui la dessine. J'adore sa mâchoire, vraiment. Même si aucune barbe ne vient ternir la douceur de sa peau. Je relève les yeux pour croiser son regard, et me met inconsciemment à jouer avec le col de sa chemise. Je ne supporte pas lorsqu'il met une chemise, parce que j'ai envie de lui arracher à chaque fois. Le simple fait qu'elle soit fermée par une multitude de petits boutons me donne envie de tirer dessus et de les faire sauter un par un pour lui retirer cette chemise qui cache inutilement son joli corps. Inutilement, seulement lorsque nous ne sommes que tous les deux, bien entendu. Jamais je ne le laisserait se balader torse nu dans la rue, hors de question !
- Comme un petit con prétentieux.
Ses sourcils se fronces et il relève immédiatement la tête.
- What ?
Je pouffe de rire, amusée qu'il ne comprenne toujours pas ces mots après deux ans passés avec moi. J'accroche le col de sa chemise de mes deux mains et me penche doucement vers lui pour m'arrêter à quelques centimètres de ses douces lèvres. De là où je suis, je sens déjà le souffle chaud de sa respiration caresser ma bouche. J'adore cette sensation. Le sentir respirer contre mes lèvres, c'est vraiment le bonheur de toute une vie.
- Like a little smartass.
Ses lèvres étires un léger sourire et il ne me laisse même pas le temps d'admirer les tâches brunes qui parsèment son nez qu'il me vole un baiser d'un coup de menton calculé.
- Hey !
Je m'écarte volontairement en délaissant le col de sa chemise que je suis en train de froisser, sachant pertinemment qu'il déteste lorsque je prend de la distance.
- Who gave you the right to kiss me, Mister Holland ?
Le sourire qui illumine son visage est si grand qu'il le retient en coinçant sa lèvre entre ses dents.
- The preacher, when he gave you my last name, Mrs Holland.
J'hausse les sourcils avec une surprise exagérée.
- Oh really ? But on the package I received, it says Mrs Martin.
Il s'humidifie nerveusement les lèvres avant de se mordre le coin gauche de la bouche. J'adore lorsqu'il fait ça. Je sens sa main accrocher ma cuisse un peu plus, et l'excitation dans son regard est décelable à des kilomètres.
- Yeah, it's just because your mother hates me, otherwise it would have written Mrs Holland, because that's your last name now.
Et il ponctue sa phrase d'un sourire si grand que ses yeux se font tout petits. Je glisse une main sur la sienne, celle qui est posée sur ma cuisse, et effleure doucement l'anneau doré à son annulaire. Je me souviens de l'instant où je l'ai passée à son doigt comme-ci c'était il y a une heure à peine. Mes yeux étaient tellement noyés par les larmes que j'ai eu du mal à lui passer cette bague au doigt. Et ajouté à ça mes tremblements je peux vous assurer que cette scène était vraiment gênante, ce qui ne l'a pourtant pas empêché de rire. Même ce jour là il a quand même réussi à se moquer de moi.
- Since only two weeks.
Je relève les yeux vers son visage où son regard est froncé avec un semblant de surprise.
- Maybe, but it will be for the rest of your life.
Oh... mon petit coeur de guimauve se gonfle d'amour pour lui. J'observe son visage quelques secondes, juste le temps d'admirer ses prunelles caramel dont je suis tombée amoureuse il y a plus de deux ans maintenant. Et je sens sa main sur ma cuisse s'entrelacer à la mienne.
- So your mother will have no choice to like me, even if I have to wait twenty years for this.
J'esquisse un bref sourire en repensant à ma mère. Qu'est-ce qu'elle a pu me haïr d'être partit vivre en Angleterre. Déjà qu'elle n'appréciait pas Tom, mais alors là ça a été le coup de trop.
- You don't know her, she's capable of hating you for the rest of her life.
Il hausse les épaules et fronce le nez avec cette manière trop mignonne qu'il a de le faire.
- Never mind, as long as you love me.
Et bordel qu'est-ce que je l'aime. On a traversé tellement de merde ces deux dernières années que j'espère que tout ça est enfin derrière nous. Mais j'ai la mauvaise impression que, quoi qu'on fasse, les problèmes nous suivront toujours. Comme-ci l'univers entier était contre nous.
- What are you thinking ?
Je sors de mes pensées en croisant son regard curieux, et éternellement inquiet.
- J'étais juste en train de penser à nous.
Ses doigts dans mon dos remontent doucement jusqu'à mes épaules, et je le sens jouer avec mes cheveux.
- Why ?
J'hausse les épaules en laissant ma main gauche s'amuser avec le col de sa chemise, et mon index rejoint doucement la peau de son cou, glissant le long de la veine qui passe sous sa peau, juste entre sa gorge et sa nuque.
- Do you think we're finally gonna be able to live without any problems now ?
Il délaisse mes cheveux et je sens ses doigts glisser doucement sur ma nuque, tandis que son regard observe mon visage dans un silence angoissant et finit par tomber sur ma bouche. Comme à chaque fois qu'il cherche ses mots. Il pince les lèvres et secoue brièvement la tête, avant de replonger son regard dans le mien.
- I don't think so.
Son pouce se pose délicatement sur l'angle droit de ma mâchoire et je sens un long frisson partir du ma nuque et suivre ma colonne vertébrale. Il caresse ma peau avec une douceur qui apaise immédiatement le ton dramatique de sa réponse.
- But that's not gonna stop us from being happy, because we've been successful so far, right ? It's life, honey... problems come and go, like people... but in the end, all that's left is us. Our love for each other.
Comment il fait ? Franchement, je me demande toujours après deux ans à l'entendre me rassurer, comment il fait ? Comment c'est possible d'aimer autant quelqu'un, d'avoir traversé tant de choses, et d'en vouloir encore ? Je veux dire... on a vraiment eu des hauts et des bas qui nous ont presque tués tous les deux, et pourtant on fonce encore vers l'inconnu, comme-ci il allait être mille fois plus joyeux que ce que la vie nous a offert jusque là. On croit encore que l'amour va survivre à tout ça, mais pourtant ça n'a pas toujours suffit.
Je délaisse le col de sa chemise pour me concentrer sur son visage où mon regard est déjà posé depuis quelques minutes, sans jamais se lasser de l'observer en détails. Mon pouce se pose d'abord sur son sourcil gauche, et en trace la ligne, m'arrachant un sourire. Puis je le laisse glisser le long de son nez, passant sur la petite bosse qui représente les nombreuses fractures qu'il a eu avant même d'entrer dans ma vie. Et finalement il tombe sur ses lèvres, et qu'est-ce que j'aime en dessiner le contour, je pourrais faire ça toute la journée.
- Tout ce qui importe c'est que je t'aime.
Mon regard plonge à nouveau dans le sien, et je suis toujours surprise par l'effet que son regard a sur moi, même après plusieurs années à le croiser, à passer des heures plongée dedans. À chaque fois que je croise ses jolis yeux, j'ai l'impression de retomber amoureuse de lui. Comme-ci je le voyais pour la première fois à nouveau, dans cette chambre d'hôtel à Paris.
- Today I'm happy, because I'm with you. And if that's not the case tomorrow... I would still have enjoyed being with someone as loving as you.
Ses sourcils se fronces une seconde, et je sais qu'il se retient de me demander pourquoi je dis ça. Certainement parce qu'il a déjà la réponse.
- We have had a lot of hard times... but I've always loved you, and I will love you for the rest of my life. I'm sure of that.
J'acquiesce comme pour le convaincre un peu plus de ce que je dis, et le léger sourire qui étire ses lèvres me confirme qu'il me croit. Son pouce caresse l'angle droit de ma mâchoire, et je sens la pression de ses doigts sur ma nuque se faire plus forte, à mesure qu'il m'incite à me pencher vers lui. Je m'arrête avant ses lèvres, appréciant le fait de le faire attendre un peu. Et appréciant davantage ses yeux gourmands plongés dans les miens.
- I'm sorry for what I put you through.
Ça je le sais déjà. Il ne cesse de s'excuser pour tout ce qu'il a fait qui a failli me tuer. Et je le crois lorsqu'il dit qu'il est désolé. Sinon je ne serais définitivement pas là, assise sur ses genoux à parler de notre vie à deux, une bague au doigt et son nom de famille sur mes papiers d'identités. Au milieu de cette maison qui est la mienne aussi maintenant, à Kingston et non à Paris, sous la pluie battante de l'Angleterre.
- I love you.
Il esquisse un léger sourire, mais ne me laisse pas le temps de l'observer plus d'une seconde et le colle sur mes lèvres. Ses baisers n'ont pas changés en revanche. En deux ans, ils sont toujours restés les mêmes. Tellement forts, et doux à la fois. Je ne sais pas de quoi demain sera fait, mais ce que je sais... c'est que je veux qu'il en fasse partie.
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Unexpected 2 [FR/EN]
Fanfiction"- Elena, don't fucking do this !" Et nous y revoilà, encore une fois mon prénom accentué à la Britannique me retourne l'estomac. Mais cette fois ce n'est pas à cause de son accent, mais à cause de la raison pour laquelle il me court après en hurla...