Je ne me souviens plus combien de temps j'ai pleuré exactement. Mais j'ai l'impression d'être restée agenouillée sur le sol pendant une éternité. Si Alice n'avait pas débarquée, ses tasses fumantes de café dans les mains, je pense que j'y serais encore. Aucune infirmières et aucun médecins n'auraient eu les mots justes pour m'aider à me relever. Mais elle l'a fait, Alice m'a considérablement aidé, et je ne sais toujours pas comment elle a fait. Tout ce dont je me souviens, c'est ce qu'elle m'a dit. "Ça va aller." Elle n'arrêtait pas de répéter "ça va aller". Mais ce que j'ai surtout retenu, c'est ce qu'elle m'a dit ensuite. "Tu dois lui dire. Peu importe ce qu'il s'est passé, peu importe ce qu'il va se passer lorsqu'il l'apprendra, cette nouvelle lui appartient aussi." Il n'y avait pas de meilleure façon de me le dire. Et personne n'aurait fait mieux. Malheureusement, mon père avait raison. Je suis toute seule. Et ça depuis que j'ai quitté l'hôpital. Je ne savais même pas où aller. Chez ma mère qui m'a collé une gifle ? Chez mon père que j'ai blessé si profondément qu'il m'a laissé en plan dans une chambre d'hôpital ? Ou bien chez Emily qui m'en veut d'être tombée amoureuse de Tom ?
Et puis d'ailleurs, je n'ai même plus de voiture. Toutes mes affaires sont chez mon père et je n'ai nul part où aller. Tout ce qu'il me reste c'est le fond de mes poches. Quinze euros, mes papiers d'identité, mon téléphone et mon trousseau de clés. Depuis que j'ai mis les pieds en dehors de l'hôpital, je n'ai pas arrêté de penser à ce trousseau de clés. Plus particulièrement à l'une d'entre elles, celle qui ouvre une porte à Kingston. Sans mon collier, cette clé est tout ce qu'il me reste de Tom. Du moins si je ne compte pas... enfin vous avez compris. Cette clé me fait sans cesse penser à cette porte que je ne franchirais plus. À cette maison qui était la mienne. À cet homme que j'aime malgré tout. C'est comme-ci cette clé permettait de déverrouiller un futur auquel je n'ai plus accès. Elle n'est plus qu'un vestige d'une vie que je regrettes déjà. D'un amour dont je suis en manque, comme une putain de toxico. Bordel ce que le manque est terrible. J'ai l'impression qu'on m'a arrachée de l'endroit où j'étais la plus heureuse sur Terre pour me balancer dans une benne à ordure, comme un vulgaire déchet. Je me sens affreusement perdue. Pas du tout à ma place. Je suis fatiguée, affamée et désespérément seule.
... : - Ma'am, we're here.
Et je supposes que c'est la solitude qui m'a poussée à monter dans un avion pour une dizaine d'heures de vol. Et dans ce taxi dont la chauffeuse vient de s'arrêter au milieu d'une rue pavillonnaire où je me sens encore moins à ma place.
- Merci. Have a lovely day.
Elle me lance un regard froncé dans le rétroviseur intérieur, et c'est certainement parce que je viens de parler Français et utilisé une expression typiquement British dans la même phrase, tout ça pour lui dire de passer une bonne journée alors qu'il fait actuellement nuit. Je crois que la fatigue me fait perdre la tête. Mais ça n'empêche pas la chauffeuse de prendre son pourboire, et de me laisser sur le trottoir comme l'âme perdue que je suis. Les étoiles brillent déjà, comme pour m'indiquer le chemin à suivre, mais étonnamment il fait chaud. Après tout, on est en Juillet.
Le taxi s'en va, et je suis forcée de sortir mon téléphone pour retrouver l'adresse qu'Harry m'a envoyé. Il a été super lui aussi, malgré que je l'ai appelé il y a une heure à peine pour lui dire que j'avais atterris à Atlanta, à neuf heures du soir. Il ne m'a pas demandé pourquoi je suis là, et c'est certainement parce que la réponse est évidente. Il m'a juste donné l'adresse où je suis censée trouver son frère, et m'a promis de ne pas lui dire que j'étais là. Dieu seul sait comment il pourrait réagir, et je ne peux pas me permettre de le laisser m'éviter. Pas alors que je viens de passer treize heures dans un avion sans pouvoir fermer l'oeil. Pas alors que je dois lui parler. C'est tellement plus important que toute la douleur que je peux ressentir. Je suis obligée de passer au dessus de ça, aussi difficile soit-il. Et croyez-moi, c'était difficile d'atterrir ici. Ces treize heures en avion ont été épouvantables. Je n'ai pas cessé de me dire que je faisais une erreur. Que je n'aurais jamais dû monter dans cet avion. Notre dernière conversation a tournée en boucle dans ma tête. Il m'a dit qu'il ne s'excuserait pas. Que c'était à mon tour de m'excuser, à mon tour de revenir en pleurant. Et honnêtement, ça me fou sacrément la trouille. Je ne sais pas du tout comment il va réagir. J'en ai aucune idée. C'est comme-ci je ne le connaissais plus. Comme-ci je m'apprêtais à me jeter dans la gueule du loup en espérant ne pas me faire dévorer. Mais même l'espoir ne suffit plus.
Je jette un oeil autour de moi où absolument toutes les maisons se ressemblent. Elles sont si énormes que je ne sais même pas laquelle est la bonne. Heureusement qu'Harry m'a indiqué le numéro. Le problème c'est que les numéros ne se suivent pas du tout et que le taxi ne m'a pas déposée devant la bonne maison. Je parcours vingt mètres à peine que la maison que je recherche se dresse de l'autre côté de la rue. 1329. L'allée est tellement grande qu'elle est bétonnée et divisée en deux, un mini rond-point en son centre. J'en reviens pas que ces maisons soient aussi énormes. À Paris, une maison comme celle là peut accueillir facilement trois familles. Je baisse les yeux vers mon téléphone pour pianoter un message prévenant Harry que je suis arrivée. Je descend du trottoir, prête à traverser, lorsque les phares d'une voiture me stoppe. Un énorme 4x4 s'avance dans la rue, et ralentit juste avant la maison que je convoite pour s'arrêter de l'autre côté de la rue. Il s'est garé devant l'allée du 1329, mais ne s'y engage pas. Le moteur tourne encore.
Je traverse la rue, à trente mètres à peine pour enfin apercevoir deux silhouettes à bord. Mon regard tombe d'abord sur le conducteur, et mes pieds s'arrêtent net, au même titre que mon coeur. Comme-ci je venais de marcher dans des sables mouvants. Si je bouge, ils vont m'engloutir. Et à mesure que mon regard observe le visage qui fait face au volant, j'ai l'impression que mon coeur se fait aspirer dans ces sables mouvants invisibles. C'est Zendaya, c'est elle qui est au volant de cette voiture. Et je ne met qu'une demi-seconde pour poser les yeux sur le passager, sachant pertinemment de qui il s'agit. Merde... il est là. Et j'ai l'impression que tout mon corps refuse de le voir tellement la pression au creux de mes veines est forte. De là où je suis j'aperçois ses boucles onduler sur son front à mesure qu'il garde la tête baissée, semblant fuir le regard de Zendaya, et le souvenir de la douceur de ses cheveux auburn vient me frapper avec la même force qu'une brise de vent frais un soir d'été. Ça y est, je suis devenue comme eux. Comme les fans qui attendent dans l'ombre sans pouvoir l'approcher. Je ne fais plus partie de sa vie.
C'est le vibreur de mon téléphone qui me sort de mes pensées. Machinalement, mon regard tombe dessus, et c'est un message d'Harry.
"Tom's not at home but I'm coming to get you."
Tom n'est pas dans cette maison ? Alors je ne suis pas en train d'halluciner, c'est bien lui. Je relève les yeux vers le British dans la voiture qui a relevé la tête lui aussi, mais son regard n'est pas posé sur moi. Il est posé sur elle. Et ça me fait mal. Son visage a l'air relativement fermé, et je suis quand même soulagée qu'il n'est pas l'air heureux sans moi. Il a plutôt l'air contrarié. Et c'est sûrement pour ça que cette pétasse pose les mains sur lui. Ou du moins l'une de ses mains, précisément sur sa joue. Putain pourquoi est-ce qu'elle se sent obligée de le toucher comme ça ? Ça fait ressortir tout ce qu'il y a de pire en moi. Mais c'était sans compter sur Tom qui attrape sa main dans la sienne, me forçant à me remémorer la douceur de ses doigts. Pourquoi est-ce qu'il fait ça ? Pourquoi est-ce qu'il la regarde comme il me regardait moi ?
Mes jambes avancent toutes seules vers la voiture, animées par une colère qui me fais déjà trembler de la tête aux pieds. Je n'étais plus qu'à quelques mètres de ma cible, pas même dix, que Tom s'est penché vers elle, vers cette femme qui n'est pas moi. Et, comme-ci mon cerveau avait anticipé ce qui s'apprêtait à se passer, mes jambes s'arrêtent dans leur lancée, me donnant la douloureuse impression d'avoir heurté un mur. Et croyez-moi, heurter un mur, même à cent-cinquante kilomètres heures aurait été moins douloureux.
Lorsque leur lèvres se touchent, les miennes s'entrouvrent, prêtes à hurler à la mort. Ma respiration c'est totalement bloquée, et je suis prise à la gorge au souvenir de la sensation de ses baisers sur mes propres lèvres. Aucun son ne s'échappe de ma bouche, seulement l'expiration de mon dernier souffle. Mes poumons, à présent vidés de tout l'air qui me permet de vivre, refusent de se remplirent à nouveau et c'est tellement douloureux. Même pire encore que la simple conception qu'on a de la douleur. C'est oppressant à mort. Comme-ci je me retrouvais prisonnière de mon propre corps, exactement comme lorsque Benjamin m'a violé. Je ne peux pas bouger, je ne peux même plus respirer, et je peux sentir toute la vie qu'il y a en moi s'envoler en un claquement de doigt. J'ai même l'impression de sentir des mains enroulées autour de mon cou, serrant de plus en plus fort à mesure que leur lèvres restent collées entre elles. Et j'ai la douloureuse sensation que ça dure une éternité. Une éternité sans souffle pour moi, mais qui se termine dans un sourire mutuel pour eux deux. Un sourire qui ne fait qu'augmenter la pression autour de ma gorge, me laissant à deux doigts de tomber à genoux.
Ce sont ses yeux posés sur moi qui me redonnent une violente d'ose d'oxygène, m'infligeant une décharge électrique dans tout le corps. Ses yeux bruns sont à la fois mon supplice et ma liberté. Et bordel ce que j'aurais aimé les croiser en d'autres circonstances. Accompagnés d'un sourire par exemple, ou d'une bonne dose d'amour. Mais c'est loin d'être le cas. Il ne sourit pas. Et il n'y a aucun amour dans son regard, bien au contraire. Il est terrifié de me voir, comme-ci je n'étais plus qu'une manifestation fantomatique de sa vie passée avec moi. Et au vu de l'expression terrorisée de son visage, ça a l'air difficile à encaisser. Je dirais même que c'est douloureux. Mais ce n'est certainement rien de comparable à la douleur que je ressens en ce moment même. Je peux presque voir mon coeur en morceaux agoniser aux creux de ses mains. Je dis ça parce que je ne le sens plus battre dans ma poitrine. Comme-ci on venait de me l'arracher, laissant un trou béant, une place vide au milieu de ma cage thoracique. Cette fois j'ai l'impression d'être réellement devenue un fantôme. Un spectre sans vie, sans âme. Dépourvu de toute existence à cause d'un malheureux baisé. Un baisé qui ne m'était pas destiné mais dont j'ai ressentis toutes les sensations comme des putains de coups de hachoir à viande me cisaillant le coeur.
- Elena ?
Pourquoi est-ce que le son de sa voix à cet effet là sur moi ? Quoi qu'il arrive, il a toujours l'effet d'une décharge électrique, comme un coup de taser qu'on m'infligerait à l'arrière de la nuque. Ça me réveille instantanément. Et ça me blesse aussi. Il est descendu de la voiture, et c'est le bruit de la portière qui me fait prendre conscience que ce n'est pas un rêve. Il est bien là, à quelques mètres seulement de moi.
- What are you doing here ?
Son visage... son visage m'a tellement manqué. Il est tellement beau que j'en oublierais presque que ses yeux bruns posés sur moi me dévisagent avec une incompréhension douloureuse. Avec agacement. Il ne s'attendait pas à me voir là, et ça le dérange. Moi, je le dérange ?
- How did you get here ?
Waouh... alors il est contrarié que j'ai réussis à trouvé la maison où il passe toutes ses nuits maintenant. J'aurais tellement aimé qu'il soit un minimum soulagé de me voir belle et bien vivante. Mais on dirait bien que c'est le cadet de ses soucis.
- I gave her the adress.
Le regard de Tom part sur sa droite pour tomber sur Harry qui vient de descendre l'allée. Moi je n'ai pas la force de le quitter des yeux. Je sais qu'Harry nous a rejoint, mais Tom prend toute mon attention.
- What ?
Son regard froncé prend une tournure énervé, et je sais que c'est à cause de moi. Il en veut à son frère, et c'est à cause de moi. Je vais vraiment foutre le bordel dans sa vie jusqu'au bout on dirait.
- But why the fuck did you do that ?
- Because you have to talk with her.
La mâchoire de Tom se serre dans la seconde, et il repose immédiatement les yeux sur moi, comme pour m'accuser de quelque chose.
- So now you're using my family too ?
Son ton est dur, tranchant, et sa phrase résonne dans ma tête comme l'écho d'une pierre qui viendrait de heurter mon crâne. Sa famille. Il vient de dire "sa famille", comme-ci je n'en faisais plus partie. Et son regard est tellement hargneux que je n'arrive plus à le reconnaître. On dirait qu'il est entrain de jouer, et que je suis la caméra. Pourtant ce sont bien les mêmes yeux qui m'ont regardés avec amour pendant une année entière, mais ce n'est plus le même homme qui se cache derrière. On dirait une sombre version de l'homme que j'aime.
- She doesn't use anyone, stop saying stupid things.
Tom me libère de la pression de son regard et pourtant l'expression colérique de son visage s'intensifie.
- So now you're on her side ?
- I'm not on anyone's side, I just can't let you treat her like this.
Cette fois mon regard accepte d'accorder un peu d'attention à Harry. Je n'aurais jamais pensé qu'il allait me défendre. Pas alors que son frère a dû lui dire que je n'étais qu'une profiteuse.
- Treat her like what ? She deserves all the shit that happens to her ! She's been fucking using me since the first day, Harry ! We can't trust her.
Cette dernière phrase, comparée au reste, il ne l'a pas criée. Il l'a juste laissée sortir entre ses dents comme un sifflement meurtrier. Comme-ci il essayait désespérément de convaincre son frère. Il essai de le convaincre que je suis la méchante de l'histoire. Mais pourquoi est-ce qu'il fait ça ?
La portière conducteur claque brusquement, attirant toute l'attention sur Zendaya. Putain mais c'est ça ! C'est elle qui lui a dit toutes ces conneries sur moi, c'est sûr maintenant.
- C'est toi, pas vrai ?
Ma bouche a parlée toute seule, et les yeux noirs de cette pétasse me tombent dessus. Elle croise les bras sur sa poitrine avec un regard tellement méprisant que j'en ai mal au coeur.
- I don't understand French, sorry.
Son "désolé" n'avait rien de culpabilisé. Il n'était là que pour me faire comprendre que je passe pour une idiote à parler français. Et ça ne fait que m'énerver davantage, tellement que j'en oublie Tom et Harry pour me rapprocher d'elle, un doigt accusateur pointé sur sa tronche de mannequin.
- That's you. You're the one who told him all that shit about me, right ?
Je m'arrête à deux mètres à peine d'elle, sachant pertinemment que si j'avance un peu plus je vais finir par lui éclater la gueule.
- You convinced him not to trust me.
Un rire mesquin s'échappe de ses lèvres, tandis qu'elle ne me quitte pas des yeux. Elle essai de faire pression sur moi, de me faire péter les plombs, je le vois dans son regard. Elle n'attend que ça que je perde le contrôle.
- He never needed me to doubt you. Stop blaming me, you're the only one responsible for what's happening to you right now.
Putain mais en quoi c'est de ma faute ?
- You really thought this was gonna work ? Tom, then Timothée, and then another guy, and another, and another. Aren't you strong enough to live on your own, or not brave enough to earn your own money ?
Mon coeur s'arrête dans la seconde, elle sait parfaitement où appuyer pour me faire mal. Et elle a raison sur un point, je ne suis pas assez forte. Pas suffisamment pour empêcher mes larmes de monter. Pour empêcher mes lèvres de trembler. La colère est entrain de me submerger et j'en ai complètement oublié la raison qui m'a poussée à venir ici. Il faut que je parle à Tom, pas à cette pétasse. Peu importe qu'il vienne de l'embrasser sous mes yeux, il faut absolument que je lui dise. Et avant que la douleur ne m'empêche de parler.
Je repose les yeux sur lui, mes paupières débordant déjà de larmes. Aller, il faut que je lui dise. Même si son visage est fermé. Même si son regard est plus noir que le ciel étoilé au dessus de nos têtes. Il faut que je lui dise. Pour une fois dans ma putain de vie il faut que je sois courageuse. Aller... dit lui.
- Why did you come here ?
Putain mais pourquoi il m'a interrompue ? Pourquoi il a fallut qu'il me pose cette question, à ce moment précis ?
- And what the fuck happened to your face ?
Cette dernière question stoppe immédiatement mes larmes. Elle me gonfle le coeur d'espoir. Est-ce que tout compte fait il s'inquiéterait pour moi ? J'ai cru déceler une lueur d'inquiétude dans son regard, elle n'a durée que quelques secondes, mais elle était bien là. Il n'y a pas d'inquiétude sans amour, pas vrai ? Ou du moins, pas sans un minimum d'intérêt pour la personne. Je suis parfaitement consciente que j'essaie de me rassurer toute seule alors qu'il se peut qu'il en ai clairement rien à foutre des coupures sur mon visage. Mais il faut que je me raccroche à quelque chose, n'importe quoi.
- I... I got hit by a car.
Son regard se fronce instantanément, comme-ci son cerveau n'avait pas eu le temps d'empêcher cette réaction chimique que l'inquiétude lui cause et qui force son corps à s'avancer vers moi. D'un pas seulement, avant qu'il ne reprenne le contrôle, mais d'un pas quand même.
- Again ? Really ?
Tom me délaisse totalement du regard, coupé dans son élan par Miss America.
- How many chances do we have of having two car crashes in the same year already ?
Son regard suspicieux me fait ravaler tout espoir. Cette fois c'est sûr, c'est elle qui a mit le doute dans la tête de Tom. D'autant plus qu'elle ment pour parvenir à ses fins, la dernière fois que j'ai dis à Tom que j'avais eu un accident de voiture c'était pour justifier ma cicatrice, et c'était il y a bien plus d'un an, ça ne fait donc pas deux accidents dans la même année. Mais elle a l'air très douée pour semer le doute.
- I'm gonna start thinking that she's cursed for having so many car crashes in such a short time. And it happens to her every time Tom finally opens his eyes on her. You don't find that a little too premeditated ?
Ses yeux noirs vacillent de Tom à moi, et lorsque je croise les yeux de mon bien-aimé, j'aperçois immédiatement l'impact qu'elle a sur lui. Et pour cause, il a reculé. D'un seul pas, mais c'est déjà de trop. Et l'inquiétude qui habitait son regard il y a encore quelques secondes a totalement disparue, laissant place à de la méfiance. Et c'est tellement plus douloureux que de le voir embrasser quelqu'un d'autre.
- So you prefer to trust her than me now ?
Ma colère parle à travers mes lèvres sans me demander la moindre permission. Sa mâchoire se serre et son menton se redresse légèrement. Il est contrarié. On dirait qu'il se sent attaqué.
- Is it because she sucks on you everytime I turn my back ?
Je vois sa tête prendre du recul, comme-ci je venais de lui coller une gifle. Et son regard semble tellement horrifié que je me demande si c'est parce qu'il a honte que son frère entende ça, ou parce qu'il a honte que je sois au courant.
- You're the only whore here, fucking bitch !
Je jette un oeil à Miss America qui perd enfin son self-control. Et je suis déçue que Tom ne la réprimande pas pour m'insulter ainsi.
- So now I'm a whore ?
Mon regard tombe sur Tom dont la mâchoire serrée confirme qu'il essai tant bien que mal de garder son calme. Et, à mesure que je garde les yeux ancrés dans les siens, c'est mon sang-froid qui menace de se barrer en courant. Comment peut-il la laisser m'insulter de cette façon ? Comment ose-t-il me regarder dans les yeux sans lever le petit doigt pour me défendre ? Comment est-ce qu'il a pu vriller à ce point en si peu de temps ?
- OK, can we summarize the situation for Harry here, just to let him know all the shit you two think of me ?
Mon regard vacille de Tom à Zendaya qui perd son sang-froid plus vite que le British. Pour ma part, le mien a foutu le camp, c'est officiel.
- There's nothing to summarize ! You're a liar, a manipulator and fortunatly I was here to warn Tom of what you were really doing with him.
Et bah dîtes moi, la liste s'allonge on dirait. Une salope, une menteuse, une pute, une profiteuse et maintenant une manipulatrice ? Sans oublier le pire de tous, un parasite.
- Waouh ! So I'm the bad guy and you're the hero ?
Je jette un oeil à Tom qui a clairement perdu des couleurs, et beaucoup si j'arrive à le remarquer sous le ciel étoilé.
- Can you remind her of all the shit I went through for you ? Just to make her understand that I'm not as weak as I look.
Touché ! Il ne supporte pas ce petit rappel et baisse la tête. Il n'arrive plus à soutenir mon regard, et ça veut forcément dire quelque chose. Est-ce qu'il culpabiliserait enfin ?
- Well if you're talking about your fake rape, you don't have to use it to pretend to be strong, because you're not !
Mon regard tombe lourdement sur elle, et toute la confiance en moi que j'avais retrouvée ces dernières minutes à mit les voiles. C'est comme-ci on venait de m'arracher mes vêtements, me mettant à nue devant Harry et cette... cette... je n'ai même plus de mots pour la décrire. Comment est-ce qu'elle est au courant ? Ne me dîtes pas que...
Je tourne la tête vers Tom dont les yeux sont si brillants qu'ils transpirent la culpabilité. Non... non, c'est pas possible. Il n'a pas pu lui dire. Il n'a pas pu me trahir là dessus.
- Even that came at the right time, don't you think ?
Mon regard refuse de quitter Tom, pas même alors que cette femme, qui devrait comprendre toute la douleur que j'ai pu ressentir, est entrain d'insinuer que je me suis faite violer au bon moment. Depuis quand est-ce qu'il y a un moment idéal pour se faire violer ? Depuis quand le viol est devenu une opportunité à saisir ? Alors d'abord il y a eu mon père qui m'a décrit ça comme une leçon à retenir, et puis maintenant elle qui m'accuse d'avoir tout inventé. Même pire, de l'avoir fait exprès. Et putain... putain il a fallu que Tom lui en parle. Pourquoi est-ce qu'il m'a trahit là dessus ? Même sa mère ne semblait pas au courant, alors pourquoi elle ? Pourquoi lui en parler à elle ? Et putain pourquoi est-ce qu'il ne dit rien là ? Pourquoi est-ce qu'il se force à rester silencieux bordel ? Elle est entrain de m'accuser d'avoir mentit sur mon viol et lui il ne dit rien.
Le silence est tellement froid que j'en oublie complètement qu'on est au mois de Juillet. J'en oublie même que je ne suis plus en France mais à des kilomètres de mon pays. Prête à me retrouver seule à nouveau.
- So you were the first to doubt me ?
Je ravale mes larmes, espérant ne pas les laisser sortir, mais je sais que c'est impossible. Comment il a pu douter de moi en premier ? Je pensais tellement... j'espérais tellement que ce soit à cause d'elle, que ses doutes viennent de quelqu'un d'autre. Mais il n'a eu besoin de personne pour douter de moi, et c'est ça qui est le plus douloureux. Ma tête acquiesce sans que je ne saches pourquoi, parce que de toutes évidences, je n'accepte rien de tout ça. Jamais je n'accepterais qu'il est douté de moi en premier, à tel point qu'il a parlé de ce qu'il s'est passé avec Benjamin a sa meilleure amie comme d'une vulgaire mise en scène pour le garder près de moi.
- Can I ask you one last question before I leave your life forever ?
Ses sourcils se fronces à peine que j'entame déjà le largage de la bombe en désignant Zendaya d'un doigt tremblant.
- Do you fuck her because she's famous or because she's skinny ?
Deux choses que je ne suis absolument pas. J'ai tout juste le temps de voir son regard vriller comme-ci il était entrain de tomber à la renverse qu'une main s'abat sur mon visage, heurtant ma joue avec la même puissance que les mots que je viens de prononcer. Et je ne m'y attendais tellement pas que j'ai basculé sur le côté en m'accrochant à ce que j'avais sous la main. Une poigne forte m'attrape les épaules, et je reconnaîtrais cette poigne même si mon corps entier avait été dépourvu de toutes sensations. Malgré la veste sur mes épaules qui m'empêche de sentir sa peau, je sais que c'est lui. Je sais que c'est Tom.
- What the fuck is wrong with you ?
Cette question je la connais, elle a résonnée pendant tellement longtemps dans ma tête que j'en ai carrément perdu le sommeil et la notion du temps, mais cette fois elle ne m'est pas destinée. Son regard est tourné vers mon agresseur. Vers Zendaya qui vient de me coller la plus grosse gifle de toute ma vie. Elle n'est pas aussi douloureuse que si elle était venue des mains de Benjamin, mais elle fait mal. Terriblement mal à mon égo. Plus encore que celle de ma mère.
- You didn't hear what she just said ?
- It didn't give you the right to fucking hit her !
Il hurle sur elle tellement plus fort qu'il ne l'a fait sur moi qu'elle se tait sur le champ. Et les yeux bruns les plus beaux du monde me retombent dessus. Cette fois, d'aussi près et après ce qu'il vient de se passer, l'inquiétude est clairement présente, et il n'a plus l'air d'essayer de la cacher. Je ne vais pas mentir sur le fait que ça fait du bien. Pendant quelques secondes cette inquiétude apaise l'angoisse qui m'oppresse depuis des jours. Mais ça ne dure pas, et dès lors que ses mains quittent mes bras pour atterrirent sur mes joues, l'angoisse revient. J'ai à peine le temps de sentir la chaleur de ses doigts se propager sur mes pommettes que je me replie sur moi-même au souvenir de ses mêmes doigts posés sur le visage de Zendaya un peu plus tôt. Et je ne met qu'une seconde pour m'écarter de lui.
- Non, ne me touche pas.
Son regard se fronce, et l'inquiétude est rejoint par l'incompréhension. Moi même j'ai du mal à comprendre ce qui m'arrive. Ça fait des jours que j'attends ça. Des jours que je rêves de pouvoir sentir ses mains posées sur moi, ses yeux bruns plongés dans les miens. Mais lorsque je regarde le rose de ses lèvres, je le revois embrasser Zendaya. Et je ne peux pas... je ne peux pas passer au dessus de ça. C'est trop dur.
- What ? But...
- Don't fucking lay your hands on me again.
Cette fois l'incompréhension de son regard s'est évaporée comme un tas de cendres sur lequel je viendrais de souffler. Et c'est la douleur qui a prit sa place. Ça lui fait mal, et ce n'est qu'un juste revers de la médaille. Je jette un oeil à Zendaya qui n'a pas bougée, et mes pieds commencent à reculer d'eux-mêmes. Mon regard croise celui désemparé d'Harry, et fini par celui de Tom, presque anéanti. Je dis presque parce qu'il l'aurait été complètement si il avait su pourquoi je suis venue ici. Il parait juste aussi perdu que moi, et malgré tout l'amour que je peux ressentir pour lui, je prend plaisir à le voir souffrir au même titre que moi. C'est horrible, je sais, mais ça me soulage de voir qu'il fini par avoir mal lui aussi. Que finalement, il a encore suffisamment de coeur pour ressentir la douleur. Je devrais lui dire pourquoi je suis venue. Je ne suis pas sûr qu'il mérite de le savoir, mais je devrais lui dire. Malheureusement, je n'arrive pas à m'y résoudre. Ma fierté est trop forte, et elle m'empêche de lui dire. Je n'aurais jamais dû venir ici. C'était une putain d'erreur à ajouter à la longue liste de mes dernières.
- We're done now.
Je recule encore, et même si la distance me fait mal, je finis par tourner les talons et m'en vais d'un pas rapide. J'ai presque envie de me mettre à courir, mais il ne mérite pas que je fuis en courant. Enfin, je regrettes de ne pas l'avoir fait lorsqu'il me barre la route de tout son corps.
- No, you can't run away again.
Son regard est davantage paniqué que déterminé et c'est étrange de voir la tournure qu'à prit la situation. Pourquoi est-ce qu'il a peur que je partes après tout ce qu'il vient de se passer ?
- Again ? Because you think I ran away when I left Kingston ?
Sa mâchoire se serre avec cette habitude qu'il a prit de détourner légèrement le menton vers la gauche, comme-ci il n'arrivait plus à me regarder en face. Mon doigt accusateur refait surface et il est pointé sur son joli visage.
- You made me leave ! I never ran away from you, you always asked me to leave ! And now that I want to leave on my own you're trying to hold me back ? But why ?
Son regard tombe quelques secondes sur ma poitrine avec un air coupable. Enfin il a l'air de s'en vouloir.
- Why the fuck you want me to stay, Tom ?
Il plante ses prunelles autrefois gourmandes dans les miennes, mais elles sont noircies par la culpabilité et la rancoeur. Il s'en veut et il m'en veut.
- You fucking kissed Zendaya in front of me ! How dare you ask me to stay ?
Sa mâchoire se serre dans la seconde et la rancoeur a prit le dessus sur la culpabilité plus vite que je ne le pensais. Il ose même lever un doigt accusateur sur moi maintenant.
- You did it first ! With Timothée, then with this other guy in London ! And now that I'm doing it when we're not even together anymore, you're mad at me ? Really ?
Il a crié ce dernier mot comme-ci il n'avait pas pu s'en empêcher. Et tout ce que je retiens c'est qu'il m'a brisé le coeur une fois de plus. Comme-ci il arrivait toujours à trouver quelque chose à briser en moi. Et moi qui croyait que je n'étais plus qu'une coquille vide incassable, il a réussi à me faire mal, encore. Non pas parce qu'il n'a toujours pas compris que je n'ai jamais embrassé personne de mon plein grès depuis que j'ai gouté à ses lèvres, mais parce qu'il vient de m'annoncer officiellement qu'on est plus ensemble. Il vient de me hurler que ce qu'il a fait avec Zendaya n'a rien de réprimandable parce qu'on est plus ensemble. Comment... comment j'ai fais pour ne pas m'en rendre compte ? Pourquoi je n'ai pas compris dès la première dispute que c'était déjà terminé ?
- You... you never told me it was over between us. Not with clear words.
Il se mord nerveusement la lèvre et baisse les yeux vers ses mains. Alors ça y est... c'est officiel. C'est fini.
- Well... for the record, I've never kissed anyone since I fell in love with you. Not with my consent.
Il relève enfin la tête, mais la couleur de ses yeux n'a plus rien d'apaisant. Au contraire. Son regard posé sur moi à l'effet d'un putain d'ouragan dans tout mon corps. Et ça parce que je suis entrain de réaliser que... je ne reverrais plus ses jolis yeux en me réveillant chaque matins. Ils ne seront plus qu'un lointain souvenir. Et mes larmes ne résistent pas à l'envie de faire le grand plongeon pour inonder mon visage déjà bien amoché.
- Timothée kissed me the exact same way Benjamin raped me. And this guy in London... he didn't even touch my lips.
Je secoue la tête, incapable de me résigner. Je n'arrive pas à croire que je suis entrain de lui parler pour la dernière fois. Je ne peux pas croire que ça se termine comme ça.
- I love you so much...
Ma voix craque, et j'aperçois malgré tout ses lèvres trembler légèrement. Il n'est pas si insensible qu'il veut le faire paraître, mais j'ai bien compris que c'était trop tard. Que pour lui c'est déjà terminé.
- I loved you so much... it broke me into so many pieces that no one on this fucking planet is capable of fixing it. Nobody can fix me.
Son regard tombe à nouveau sur ses mains tremblantes, mais il reste silencieux. Pourquoi est-ce qu'il ne dit rien ? Pourquoi est-ce qu'il laisse notre histoire se terminer de la sorte ? Comment est-ce qu'il peut se résigner à tourner la page ? Je n'ai pas compté autant que je l'espérais. Ça a l'air tellement facile pour lui. Tellement facile de me dire adieu qu'on dirait presque qu'il s'y est préparé depuis des mois. Est-ce qu'il se peut qu'il ne m'aime plus ? Et ça depuis des mois ? Putain mais comment j'aurais pu passer à côté de ça ?
- You know what ?
Il met plusieurs longues secondes avant de relever la tête, comme-ci il n'avait pas le courage d'écouter la suite, comme-ci il aurait préféré que je me taise et que je tourne les talons. C'est douloureux la façon dont il me regarde. La façon qu'il a de retenir ses larmes. De ne rien dire. J'aimerais tellement qu'il hurle à nouveau. Qu'il pleure, qu'il s'effondre à genoux en m'implorant de rester. Mais il faut croire que j'en attend trop de lui. J'ai la violente impression qu'il se comporte comme Benjamin. À croire que c'est moi qui l'a rendu comme ça. Aussi froid. Aussi inhumain. Une part de l'homme que j'aime est toujours là, et je la vois dans le tremblement de ses mains. Dans sa mâchoire serrée. Dans la brillance de ses yeux pleins de larmes qu'il ne laissera pas couler. J'ai cependant du mal à le reconnaître. J'ai l'impression qu'il n'a plus rien à voir avec la version idéalisée que j'avais de lui. Ce n'est plus qu'un homme, sans cette sensibilité et cette douceur qui faisait de lui un être parfait à aimer.
Je suis tellement absorbée par ses yeux ternes et froids que j'en ai oublié qu'il attendait la suite de mon monologue.
- If I am a parasite to you... then you are my cancer.
Et quel cancer ! En une année seulement il a atteint tous mes organes. Ça a commencé par le coeur, puis les poumons et c'est vite monté au cerveau pour finir par se propager dans tout mon corps. Je me suis perdue au coeur de ma propre existence pour lui. Tout ça pour finir par mourir seule, emplie de regrets. Et j'en ai tellement des regrets. Je regrettes de ne pas avoir pu devenir sa femme comme il le voulait tant avant. Je regrettes de ne pas avoir été à ses côtés suffisamment pour qu'il ne doute jamais de moi. Et je regrettes tellement de ne pas pouvoir fonder une famille avec lui, comme on se l'était promis.
Et au fond de ses yeux, je vois s'éteindre tout l'amour qu'il a pu ressentir pour moi. Toutes les braises que j'avais laissé dans ses yeux viennent de s'éteindrent comme-ci j'avais littéralement craché dessus, et pendant une seconde, une longue seconde, il paraît presque mort. Inerte.
- I can't heal from you.
Cette dernière phrase semble le réanimer comme un électrochoc. Et c'est cette expression de fin du monde dans ses yeux qui me donne le courage de partir. Je passe près de lui et entâme la remontée de la rue, priant secrètement le ciel pour qu'il me courre après. Pour qu'il me rattrape, qu'il me serre dans ses bras et me murmure qu'il est désolé. Qu'il me chuchote à l'oreille que tout va bien se passer maintenant, comme une promesse. Il aurait même pu me secouer violemment de toutes ses forces pour me retenir, ça m'aurait suffit aussi. Mais il n'en est rien. Je n'ai pas compté mes pas, et je n'ose même pas me retourner pour voir si il me suit ou non. Je ne supporterais pas de le voir loin de moi sans qu'il n'est fait un seul pas dans ma direction.
- Why did you come ?
Mes pas se stoppent sur le champ, s'accrochant à cette question pour ne plus avoir à s'éloigner de lui. Le ton de sa voix est dur, et je le prend personnellement comme une agression. Finalement, j'aurais préféré qu'il ne dise rien et qu'il me laisse partir. Parce qu'au moins je n'aurais pas été obligée de lui dire la véritable raison de ma venue ici. Je n'arrive même pas à lui faire face, je ne peux pas me résoudre à croiser à nouveau son regard. Pas maintenant qu'il ne reflète plus aucune once d'amour.
- Remember that last day at the golf course ? The day the hospital called me.
Je garde le dos tourné, mais c'est plus fort que moi, je jette un oeil par dessus pour épaule pour voir qu'il n'a pas bougé d'un pas. Je devine à son silence qu'il ne me croit pas.
- I was sure you wouldn't believe me. I should never have come here.
Je reprend l'ascension de cette rue, d'un pas plus rapide, comme-ci inconsciemment je savais qu'il viendrait me rejoindre. Qu'il viendrait me hurler dessus. Alors je me dépêche comme je peux pour remonter le plus de mètres possible et mettre de la distance entre nous. Mais, même après une dizaine de mètres parcourus, il lui suffit de taper un sprint jusqu'à moi pour me rejoindre en quelques secondes seulement. Et son corps me barre la route, comme un mur qui se dresserait devant moi et ma nouvelle vie de mère célibataire.
Sa mâchoire est tellement serrée que j'aperçois chaque centimètres de son ossature en détails. Ses yeux sont devenus noirs et ont perdu ce teint brun qui les rendaient aussi doux qu'un ourson en guimauve. Il reste planté devant moi pendant de longues secondes, silencieux comme une porte de prison. Mais son regard ne me lâche pas, analysant chaque centimètres carrés de mon visage. Il essai de voir si je mens ou non. Et j'ai presque envie de pouffer de rire, je le ferais si mes larmes n'étaient pas entrain de m'étouffer de chagrin. Le voir douter de moi à ce point, les yeux dans les yeux, ça fait atrocement mal.
- Are you....
Il serre un peu plus les dents, et je vois bien au fond de son regard qu'il a du mal à laisser sortir ses mots. Et je ne peux que comprendre, moi-même j'ai du mal à le dire, je ne réalise toujours pas.
- Are you pregnant ?
Waouh... il n'a presque pas ouvert la bouche pour me poser cette question. Il avait vraiment peur de me la poser on dirait, et c'est certainement parce qu'il a affreusement peur de la réponse. Et j'avoue que je n'arrive pas à laisser les mots sortir moi non-plus. Je me contente d'hocher la tête, parce que c'est la seule chose que mon corps accepte de faire. Mes pieds refusent de bouger, mes larmes refusent de couler et ma bouche refuse de s'ouvrir. Je suis totalement paralysée, et je suis sûr que c'est ce putain de karma qui me bloque devant lui. Qui me force à soutenir son regard meurtrier.
Ce qui est surprenant, c'est que je ne vois aucun changement au fond de ses yeux. Aucune lueur de colère, ou même de surprise. Il se contente de me fixer en silence, et c'est pire que tout finalement. Parce que je n'arrive pas à savoir si il me croit ou non. Si il me dévisage parce qu'il prend conscience qu'il va être père, ou seulement parce qu'il me prend pour une menteuse. Et honnêtement, ce silence est trop pour moi. Je reprend le contrôle de mon corps et passe près de lui sans un mot, de toute façon je n'ai absolument rien à rajouter. Je suis venue jusqu'ici pour lui dire, maintenant qu'il sait je peux partir.
Du moins c'était sans compter sur sa main qui accroche mon coude comme une poignée de porte dans laquelle je viendrais de me heurter. Cette porte ouverte par laquelle je voulais m'enfuir et qui finis par me retenir.
- No.
Je pose les yeux sur lui au moment où sa poigne se serre davantage sur mon bras et qu'il m'attire à lui avec une force qu'il n'a jamais utilisé avec moi. Une force qui me fait trébucher, une force qui ne demande pas mon consentement.
- You can't leave me like this.
Il a enfin réussi à ouvrir la bouche, arrêtant de murmurer entre ses dents. Et ses yeux noirs ont retrouvés un semblant d'humanité, une toute petite lueur qui les animes à nouveau. Mais est-ce une lueur d'incertitude ? Ou de peur ?
- If this baby is really mine, then you have no right to leave like this.
Une décharge électrique vient secouer tous mes organes un par un, comme un putain de coup de défibrillateur sensé faire repartir mon coeur déjà réduit en poussière. Est-ce qu'il vient de dire... il a insinué que ce bébé n'est pas de lui ? Putain mais comment... comment est-ce qu'il peut oser penser une chose pareille ? Cette fois c'est pire que d'embrasser n'importe quelle pouffiasse sur cette planète. Cette fois c'est un réel coup de poignard. Une réel preuve de la méfiance qu'il a envers moi.
- If this baby is really yours ?
Sa poigne se desserre légèrement, comme-ci il prenait enfin conscience de ce qu'il vient de me dire. Et c'est suffisant pour que je m'extirpe de son emprise, le coeur réanimé par un besoin violent de hurler sur cet homme qui me voit comme une manipulatrice.
- So you really think I'm a liar ? A manipulator ? What else ? A whore ? ls that how you see me now ?
Des larmes s'échappent de mes yeux en essayant maladroitement de refroidir mes joues enflammés par la colère. Mais rien ne pourrait calmer la rage que je ressens en ce moment même. Pas même une citerne de trois-cent litres d'eau. Après tout, on ne peut pas arrêter une tornade, pas vrai ? Il faut la laisser tout détruire sur son passage et s'éteindre d'elle-même. Et là je crois bien que je suis au sommet de cette tornade, je n'ai jamais ressentis une telle colère de toute ma vie. Pas même envers Benjamin. C'est tellement intense, et tellement prenant que j'en arrive à attraper Tom par le col de son pull, de mes deux mains tremblantes mais avec suffisamment de force pour l'attirer à moi une dernière fois. Juste le temps de sentir la chaleur de son corps une dernière fois, de voir ses yeux bruns d'aussi près une dernière fois. De sentir son souffle brûlant se déposer sur mes lèvres. Mais je n'ai aucunement l'intension de l'embrasser ou de le serrer dans mes bras, bien au contraire. Si je pouvais, si j'avais suffisamment le courage je lui aurait éclaté le nez sans aucun remords. Mais je peux pas me résoudre à abîmer son joli visage, pas même alors qu'il me prend une menteuse. Les larmes qui noies mes yeux m'empêche d'apprécier pleinement la vue de son visage d'aussi près, mais ça ne m'empêchera pas de lui dire ce que j'ai sur le coeur.
- I’m really sorry to tell you that this baby is yours, Tom.
Ma mâchoire se serre, et ça parce que je me retiens de toutes mes forces pour ne pas m'effondrer en larmes dans ses bras.
- But I'm not sorry to tell you that you will never see him in your fucking life. You will never know his name, not even if it's a boy or a girl.
Je parviens avec toutes les peines du monde à relâcher son pull, et mes doigts sont tellement crispés que ça fait mal de les desserrer. Je prend de la distance, un pas seulement, mais un pas symbolique.
- Looks like you're the one who will cry now.
J'ai tout juste le temps de le voir froncer les sourcils que je traverse la rue d'un pas décidé pour changer de trottoir. Et à peine le pied posé de l'autre côté, les larmes me submerge. Mais je ne peux pas les laisser m'arrêter dans ma fuite. Il faut que je parte. Il faut que je parte putain !
Mes jambes obéissent enfin et se mettent à courir. C'est douloureux parce que je n'ai jamais eu l'habitude de courir. La dernière fois que je l'ai fait, c'était pour échapper à Timothée en plein Paris. Et maintenant c'est pour échapper à Tom, en plein milieu d'Atlanta. Mais la finalité reste la même. J'ai besoin d'être seule. Du moins, je n'en ai pas besoin, je n'ai juste pas le choix. Je ne peux pas rester avec lui. Pas même alors qu'il hurle depuis l'autre côté de la rue.
- Elena, don't fucking do this !
Je le vois du coin de l'oeil courir sur le trottoir opposé au mien, et j'ai tout juste le temps de tourner au coin de la rue qu'il traverse la route. Bordel il faut que je sois plus rapide ! Il faut que je courre plus vite putain !
Je donne tout ce que j'ai, absolument tout, oubliant la douleur qui se propage dans mes jambes, oubliant le feu qui emprisonne mes poumons et m'empêche de respirer correctement. Je crois bien, je suis même sûr, que je n'ai jamais courue aussi vite de toute ma vie. Et au milieu d'une ville que je ne connais pas c'est tellement plus difficile. Il n'y a que des maisons autour de moi, et personne pour me venir en aide. Je suis bien trop éloignée du centre ville pour trouver un taxi dans lequel sauter à pieds joints. Je n'arriverais pas à le semer. Il court bien plus vite que moi et je sens que mes jambes ralentissent déjà. J'en peux plus. Il faut que je me cache.
Je jette un oeil par dessus mon épaule pour le voir bifurquer au coin de la rue dans laquelle je viens de m'engager. Je tourne au hasard dans l'allée d'une maison sur ma gauche, et me jette littéralement au sol pour me cacher derrière une haie de buissons. Je ne sais pas si ça fera l'affaire, mais il fallait que je m'arrête. Je n'arrive même pas à reprendre mon souffle. Ma respiration est si forte que je n'entend plus que ça et les battements bien trop rapides de mon coeur. Je suis tellement au bout de ma vie que je me laisse tomber contre les branches inconfortables de ce buisson qui me rentrent dans le dos comme des flèches lancées par Hawkeye lui-même.
Bordel... je pris tous les Dieux possibles pour qu'il ne me retrouve pas. Il ne faut pas qu'il me retrouve. Je n'ai plus la force de l'affronter.
- Elena, fuck !
Merde, il est là. Je colle mes jambes contre mon torse en m'enfonçant dans ce buisson qui me lacère littéralement le dos.
- Please, come back here !
Mes larmes me submerge à nouveau et je sens tout mon corps se mettre à trembler. Mes bras, mes jambes, je ne contrôle plus rien. Pourvu qu'il n'entende pas mes sanglots. S'il vous plaît, faites qu'il ne m'entende pas.
- ELENA !
Son cri déchire le silence de la nuit, rendant cette rue calme nettement plus effrayante. Je ne l'ai jamais entendu hurler mon prénom aussi fort. Et c'est terrifiant. Mon prénom prononcé par son accent à toujours eu un effet de dingue sur moi, et ça m'a fait tomber amoureuse de lui en un battement de cils. Mais là... l'entendre hurler mon prénom au milieu de la nuit, ça n'a plus rien d'attirant. C'est comme-ci, quelqu'un d'autre avait hurlé à travers ses lèvres. Quelqu'un qui me voudrait du mal.
Je reste immobile derrière mon buisson, tremblante de peur, les poumons toujours en feu, et la tête tellement lourde que j'ai l'impression qu'elle va tomber de mes épaules d'une minute à l'autre pour rouler jusqu'à ses pieds. Cette fois je pourrais officiellement dire qu'il m'a fait perdre la tête. Putain mais qu'est-ce qu'il vient de se passer exactement ? Comment la situation a pu m'échapper à ce point ? Au point où je me retrouve seule au milieu d'une ville que je ne connais pas, recroquevillée sur moi-même derrière un buisson à entendre Tom hurler mon prénom comme un psychopathe qui voudrait m'éventrer. Comment j'ai fais pour en arriver là ? Qu'est-ce que je suis sensée faire maintenant ?
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Unexpected 2 [FR/EN]
Fanfiction"- Elena, don't fucking do this !" Et nous y revoilà, encore une fois mon prénom accentué à la Britannique me retourne l'estomac. Mais cette fois ce n'est pas à cause de son accent, mais à cause de la raison pour laquelle il me court après en hurla...