Quand on perd quelqu'un, notre cerveau souffre d'une absence si grande que c'est la première et la dernière chose à laquelle il pense. Vous vous endormez avec cette pensée et vous rêvez d'une vie où rien n'a été perdu, car votre esprit ne peut pas encore assimiler cette perte. L'absence est en fait si présente qu'à votre réveil, votre conscience croit que la personne disparue vous accompagne encore, pendant une courte seconde, à la fin de laquelle vous vous souvenez que cette scène domestique de votre rêve n'était bien qu'illusion.
Ainsi, le souvenir de l'être aimé se disperse avec la brume du sommeil et le cœur se brise sous le coup de cette énième prise de conscience qu'un deuil doit être fait car, non, on ne peut pas revenir en arrière ni se réfugier dans les rêves.
A mon réveil, j'ai les traits tirés vers le bas et les pensées encore récalcitrantes à s'ordonner.
Mes yeux se posent instinctivement sur le fauteuil installé contre le mur, pour voir si l'homme à qui je dois la vie est revenu. Mais à sa place, Jérémy est assis là, l'autre enfant qui avait été accueilli par Thérèse.
Malgré l'obscurité de la pièce, je constate que mon frère d'adoption a les yeux rougis et qu'il me regarde d'un air fatigué, triste. Ses épaules sont courbées sous le poids insupportable du chagrin.
Mon cœur brisé ne se porte pas mieux. En silence, car ma sœur dort en ce milieu de nuit, je tends les bras vers Jérémy.
Il se lève avec lenteur pour venir m'offrir du réconfort.
- Je suis tellement content que vous alliez bien, chuchote-il en massant mon dos d'une main fraternelle.
- Elle me manque... répondis-je.
- Moi aussi.
Je lève un regard affligé vers Jérémy.
Et, même s'il ne connait pas la réponse à la question qui me brûle l'esprit car personne ne peut savoir, je suis obligée de penser à la suite. Alors, d'une voix toujours aussi roque, je demande désespérément et naïvement :
- Qu'est-ce qu'il va... nous arriver... maintenant ?
Jérémy essuie ses joues et sort de sa poche un mouchoir en papier déjà bien utilisé. Voyant qu'il risque de s'en mettre plus sur les doigts qu'autre chose, il en tire un autre de la boîte posée sur la table de nuit et l'utilise pleinement.
J'attends qu'il se mouche, imaginant les pires scénarios possibles : Soleïane et moi devant à nouveau nous faire balader de famille d'accueil en famille d'accueil, sans avoir aucune attache et se retrouver à vivre avec des inconnus, etc. Je ne suis franchement pas très enthousiaste à l'idée de revenir à cette vie, à celle que l'on avait avant de rencontrer Thérèse.
- Je ne sais pas Luna... m'avoue-t-il à regret. J'espère que vous sortirez à temps pour l'enterr... Mais ne vous inquiétez pas, un agent de police attend devant la porte, au cas où Georges reviendrait et il y a ...
A cette révélation mes yeux s'écarquillent de peur.
Je coupe la parole à Jérémy en m'agrippant à son bras avec le peu de force qu'il me reste, complètement terrorisée. Un frisson d'horreur me parcourt à l'idée que Georges pourrait revenir finir le travail.
Jérémy pose sa main sur la mienne.
- Les pompiers n'ont pas retrouvé son corps... explique-t-il. Ou bien ce qu'il doit en rester, étant donné que la cuisine a littéralement explosé et que d'après ce que j'ai compris, il se trouvait dedans, ajoute-t-il sans penser le moins du monde à mâcher ses mots.
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Enfants des Astres-Livre I : Nomen Omen
WerewolfAprès l'incendie criminel qui coûte la vie à leur tutrice, Luna et sa jumelle Soleïane doivent faire face à un traumatisme aux étranges conséquences. A l'hôpital, Luna accumule les songes qui hantent son sommeil ; Soleïane, elle, ne semble pas voulo...