II. 4

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J'arrive à l'étage avec nos deux sacs. Derrière moi, Soleïane se débat avec ses béquilles dans les escaliers.

- J'ai les mains en feux, se plaint-elle en arrivant devant les chambres et inspectant ses paumes cramoisies.

Mon bras et mon épaule droite me brûlent. D'ailleurs, je suis sûre qu'ils crachent des flammes. Je ne peux pas utiliser mon bras gauche à cause de ma blessure et mon poignet droit est toujours immobilisé dans l'attelle. Bref, il n'y en a pas une pour rattraper l'autre, mais c'est moi qui me trimbale les deux sacs alors que je porte une minerve. ALORS MERCI, OUI, MOI CA VA.

Je respire.

- Tes mains vont s'y faire ne t'inquiète pas, lui dis-je en connaissance de cause.

J'avais presque eu de la corne aux mains, une fois, à force de me balader partout en béquilles : un mois, c'est long et je ne tiens jamais en place.

Mon dos commençant à en pâtir sévèrement, je jette les sacs sur le lit de la première chambre venue. Je m'étale dans le lit, emportée par le poids de mon paquetage. Je m'écrase face contre le matelas, me broyant le nez dans les coutures. J'émets une plainte étouffée, harassée par la douleur.

- Ah, tu prends cette chambre ? s'étonne ma sœur. Moi je crois que je vais prendre la chambre coquelicot, celle en face.

- J'arrive... grognai-je, la commissure des lèvres compressée entre les draps.

Je me relève mais, sincèrement, j'aurai pu m'endormir sur le coup, sans manger ni respirer, pour toute la vie. Je me redresse et fait tomber l'un des sacs au sol, que je pousse de mon pied pour le faire avancer. Je ne peux plus le porter.

À ce vacarme, Soleïane sort la tête de sa nouvelle chambre. Je vois ses cheveux cuivrés dégringoler sur le fond beige et rouge du papier peint, offrant un doux dégradé avec les murs en bois brun du couloir. Elle s'approche de moi par petites avancées, comme un balancier, en soupirant d'exaspération.

- Il faut le dire quand tu as mal.

- J'ai tout le temps mal.

C'est sorti tout seul. Mais je peux lui dire, à elle. Je lui déjà dis, elle ne me juge pas. Je reste au milieu du couloir, les bras lourds. Elle se tient en équilibre sur un pied puis fait avancer le sac en le poussant de ses béquilles, avant de sautiller pour le rattraper.

Je la suis jusqu'à son lit.

- Ça a l'air confortable ! Je crois qu'on va bien dormir ce soir, dit-elle joyeusement en testant de ses fesses le confort dudit matelas.

À ses mots, je m'y affale. Après les courtes nuits de l'hôpital et le canapé qui m'a tordue le dos chez Madeleine et Jean, je crois que je ne vais pas résister longtemps à l'appel de Morphée dans ce déluge de tendresse.

Je ferme les yeux pour les reposer un peu. Je suis alors d'une oreille de plus en plus lointaine les mouvements de Soleïane qui ouvrent le sac puis lorsqu'elle sautille à droite à gauche pour déballer ses maigres affaires, essayant de s'approprier un peu ce nouvel espace en parsemant sa personnalité sur les étagères.

Lorsque je m'éveille, Soleïane essaie maladroitement de se coucher à côté de moi, en m'assommant de son plâtre.

- Oups, désolée.

Je me relève, la tête dans du coton, les yeux mi-clos et les cils encore collés.

- Tu ne veux pas plutôt qu'on mette nos jambes contre le mur ? suggère-t-elle.

Enfants des Astres-Livre I : Nomen OmenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant