II. 12 b ⌚

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Aussitôt que j'appuie sur les pédales de mon vélo, mes sens prennent le large. Mon cercle de perception s'élargit, englobant à la fois mon corps tendu par l'effort et fouetté par le vent de la vitesse, le vélo dont j'entends la chaîne cliqueter régulièrement, mais aussi l'environnement qui m'envahit.

Nous remontons la route vers la forêt. De son corps musclé, Chris prend de l'allure en gravissant la légère côte en danseuse, debout sur ses pédales, le vélo un peu trop petit pour lui. David, comme moi, lève de temps en temps les yeux vers la verdure qui borde notre route, tout en respirant l'air teinté de sève, qui s'insinue plus fortement dans nos poumons par la force de notre élan. Je le vois, les doigts crispés sur les poignées de son guidon, passer les vitesses, tout en s'accrochant à son vélo pour rattraper son frère devant nous.

Derrière eux, je ne vois que leur dos, leurs muscles mouvant sous leurs t-shirts, doucement agités par la brise fraîche au couvert des arbres. Je les suis sans avoir à me soucier de la direction à prendre, anticipant les virages par les déplacements de Chris. Je profite de la balade pour laisser mon regard se promener sur la cime des arbres, effleurer les pelouses, rouler sur les cailloux, glisser sur le bitume.

Nous sortons de la voie forestière en n'ayant croisé que quelques voitures, des habitants, maîtrisant la sinuosité de la route en lacet comme les habitués qu'ils sont. Nous débouchons sur un espace clair de plaine, puis nous nous enfonçons dans l'épaisseur d'un village simplement constitué de chalets agglomérés. Après une ligne droite qui ne dure que quelques minutes, nous sortons du village. J'insiste sur les pédales pour ne pas trop perdre de distance avec les garçons, alors que j'essaie de mémoriser la constitution des paysages nouveaux qui s'offrent à moi. En cette période de vacances, la région est assez dépeuplée et nous ne faisons qu'éviter les voitures sur les bords des trottoirs. Après un temps à travers la brousse domestiquée par quelques panneaux de signalisation et les bandes blanches estompées, nous entrons dans un nouveau village, plus grand cette fois-ci. Nous passons devant un supermarché, des pharmacies, des boulangeries. Avant de tourner à un embranchement, nous nous arrêtons à un feu rouge.

Ici, la vie est un peu plus agitée. Le village sert de carrefour conduisant vers une autoroute, si bien que les garçons préfèrent rouler sur le large trottoir. Ils avancent un peu plus lentement et je peux alors remonter jusqu'à eux. Dans un balai entre les piétons, les bancs et les voitures arrêtées sur le bas-côté, je me retrouve entre eux, David à la tête de notre équipée et Chris à l'arrière. Cependant, il a l'air pressé et demande plusieurs fois à David d'avancer plus vite.

Son frère doit ralentir pour laisser la voie à une poussette au moment où Chris nous demande soudain de nous arrêter. Je vois alors David poser le pied à terre ; je le dépasse à basse allure ; tourne la tête pour jeter un œil aux garçons, voir ce qui a arrêté Chris et savoir s'ils continuent à ma suite. Se faisant, mon guidon penche légèrement dans la direction de mon buste. Mon épaule heurte quelque chose. Je me redresse trop tard, mon visage s'écrase contre une taule blanche. Le choc fait plus de bruit que de douleur, mais me fait basculer de la selle. Titubant pour reprendre l'équilibre, je constate que ma roue avant est coincée contre un gros pneu, celui de la camionnette, arrêtée le long de la route, dont je viens visiblement de me prendre le rétroviseur latéral noir dans l'épaule. Il s'est rabattu dans un clac pendant que le caoutchouc de mon pneu laissait une trace noire sur la carrosserie brûlant sous le soleil.

Je soulève l'avant de mon vélo pour me décoincer. David arrive à ma hauteur en un grincement de frein.

— Ça va ? me demande-t-il.

J'acquiesce, encore troublée de ne pas avoir vu que j'étais aussi proche du véhicule. Il m'aide à repositionner mon vélo :

— Il faut qu'on b...

Enfants des Astres-Livre I : Nomen OmenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant