I. 2

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- Thérèse ?

Je l'appelle plusieurs fois mais elle ne répond pas. Inquiète, j'avance doucement dans le hall d'entrée et essaie de percevoir le moindre bruit suspect. Je gravis l'escalier.

Soudain, après avoir entendu un grognement de douleur en provenance de la cuisine au bout du couloir, j'entends Thérèse hurler :

- Va appeler Hemerit !

- La ferme ! la menace un homme.

J'entends le bruit d'une gifle puis Thérèse crier de douleur et de rage. Étant donné que Soleïane est déjà en train d'appeler la police, je cours vers la cuisine.

À l'intérieur, Georges se tient au-dessus de Thérèse qui est tombée assise par terre, surement sous le coup de la gifle. Il lève sa main, prêt à la frapper une seconde fois. L'autre est ensanglantée et je remarque de profondes traces de dents. Thérèse a dû lutter pour pouvoir crier et me prévenir.

Ici, l'odeur est beaucoup plus importante et, en voyant le sol trempé, ainsi qu'un bidon sur le sol, je comprends. Il a aspergé la maison d'essence. Avant qu'il n'abatte sa main sur Thérèse, je me jette sur lui.

- Lâche-la !

Grossière erreur. Il fait 1 mètre 87, soit trente centimètres de plus que moi et au moins autant de kilogrammes. Il se retourne. Ses yeux sont rouges, injectés de sang. Même avec la forte odeur d'essence, je sens dans son haleine qu'il dépasserait haut la main la limite d'alcoolémie autorisée au volant. Avant que je n'aie pu faire quoi que ce soit, il me balance son poing dans la figure. Je suis renvoyée à l'entrée de la cuisine. Je m'étale par terre et évite de justesse une flaque d'essence.

À moitié sonnée, j'assiste impuissante à la scène qui se déroule sous mes yeux : Georges attrape Thérèse, terrorisée, par le col de son t-shirt et approche son visage cramoisi du sien. Son expression est déformée par la colère.

- Alors comme ça, on a vite remplacé son cher mari ?

- C'est toi qui es parti le premier, avec ta garce !

Elle marque son dégout d'un crachat qu'elle lui lance au visage. J'essaie de me relever mais ma tête me lance et la pièce tourne autour de moi. Une douleur me serre le crâne et en portant une main à mon front, je remarque que je saigne de l'arcade sourcilière. Intérieurement, j'insulte ce pauvre type des pires injures possibles. Et dire que j'ai vécu dans la même maison que lui pendant près de quatre ans ! Je ne l'appréciais pas, voire le détestais profondément, il se prenait pour un surhomme qui avait tous les droits. La bonne blague. Ce type ne mérite même pas de faire partie de l'humanité. Je m'appliquais à l'éviter autant que je le pouvais.

Accompagné de flou, je vois Georges secouer Thérèse qui le supplie d'arrêter, de la laisser tranquille. Ses supplications tombent dans l'oreille d'un sourd, d'un sourd qui ne veut pas entendre.

- Tu n'as pas le droit de me faire ça, pas à moi ! crie-t-il comme s'il s'estimait un droit de propriété sur Thérèse.

Il lui donne une gifle. Puis une autre. Sa lèvre s'ouvre et du sang éclabousse son menton.

- Stop ! je m'écrie, mais il ne m'écoute pas non plus.

Il faut pourtant que je l'arrête.

- Tu n'aurais pas dû faire ça ! Tu m'entends ? Jamais !

Il resserre sa prise sur le col de Thérèse en y agrippant ses deux mains et je la vois se laisser ballotter malgré elle, n'ayant plus la force de résister. Elle ne maintient même plus sa tête. Si elle reste encore debout, c'est seulement parce qu'il la tient fermement. Puis, en puisant dans ses dernières forces, elle s'oblige à garder les yeux ouverts et articule lentement pour bien se faire comprendre et entendre.

Enfants des Astres-Livre I : Nomen OmenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant