II.9 🥧

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L'infirmière-vétérinaire me fait asseoir sur le rebord de la baignoire. Je ne tiens plus, me laissant glisser lentement contre la céramique jusqu'à toucher sol. Comme ça, je ne pourrais pas tomber plus bas.

Ma tête se remet à faire des siennes. Instinctivement, je porte la main à ma tempe, mais Suzanne me la rabaisse, faisant des claquements secs de sa langue.

— Tut, tut, tut. Laisse-moi faire.

Soleïane est accoudée dans un coin de la pièce, m'écrasant de son regard cinglant. Je baisse la tête, comprenant le message. La prochaine fois, j'ai tout intérêt à l'écouter.

Suzanne m'attrape par le menton et le relève. Mon visage est au niveau du sien. Accroupie, elle m'inspecte d'un air sévère.

— Et dire qu'on vient de te retirer ces points de suture, soupire-t-elle à la vue de mon arcade sanglante. Quelques strips devraient suffire. Soleïane, apporte-moi du coton et du désinfectant, tu veux ?

Ma sœur s'exécute sans broncher, parcourant les tiroirs et les placards. Suzanne nettoie le reste de mon visage éraflé par la forêt.

— Des nausées ?

— Non.

— Tu as perdu beaucoup de sang ?

— Quoi ?

Elle finit d'appliquer la suture adhésive au-dessus de mon sourcil, me provoquant une grimace.

— Dans la forêt, reprend-elle, tu as perdu beaucoup de sang ?

Suzanne se met à inspecter mes mains sales.

— Par exemple sur les arbres, les feuilles ?

— Ma capuche couvrait ma blessure, je crois.

— Bien.

Je lève les yeux vers Soleïane, qui semble, elle aussi, relever l'étrangeté de sa question. Elle paraît soudain moins tendue à mon égard. Elle s'approche et dépose une main affectueuse sur mon épaule.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Il me faut quelques secondes pour rassembler mes pensées, fuyant sous la culpabilité. Suzanne, qui nettoyait mon genou égratigné, relève la tête.

— Tu ne te souviens pas ?

Je secoue la tête : j'ai un trou.

— J'ai marché jusqu'à un grand arbre, immense, et ensuite... Le garçon était là, j'étais allongée par terre. J'ai dû tomber. Il m'a dit qu'il fallait qu'on s'en aille. Puis on a couru jusqu'ici.

Soleïane, assise à côté de moi, me regarde fixement. Elle sait qu'il y a autre chose et essaye de me sonder. Le pire, c'est que Suzanne a le même regard, m'obligeant à faire part d'une réflexion que je regrette aussitôt.

— Je crois avoir vu un loup.

— Avoir vu quoi ? s'étonne mon infirmière, les sourcils froncés. Tu ne penses pas, plutôt, que c'est parce tu veux absolument qu'il s'agisse de cela, que tu crois en avoir vu un ?

Son accusation me coupe le souffle. Les larmes montent aux bords de mes yeux. Je voudrais crier que je ne suis pas une menteuse, mais ma bouche refuse de s'ouvrir, car Suzanne a raison. Je ne sais pas ce que j'ai vu. Les souvenirs de mes cauchemars se confondent avec ceux de la réalité. Ils ne cessent de se superposer. Je croyais que les hallucinations étaient seulement un effet secondaire des antidouleurs.

Prise d'une vague de panique, je me lève, prête à fuir, quand Achille fait irruption dans la salle de bain.

— Tu vas bien ? Est-ce qu'il t'a fait du mal ?

Enfants des Astres-Livre I : Nomen OmenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant