II.8 (b) 🚓

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Le talus m'ouvre ses bras. Je perds brièvement conscience en touchant le sol, jusqu'à ce que le choc répété de la chute me fasse ouvrir les yeux.

Je gémis de douleur, recroquevillée autour de la souche qui a arrêté ma course. L'odeur de terre humide me donne un coup de fouet. Je me traîne dans l'humus et parviens à me redresser sur un coude.

Mes amies les taches sombres dansent devant mes yeux. Je grimace en endurant le vertige, cherchant à m'adosser contre la souche. Au-dessus de moi, des arbres, des branches, des feuilles... des cheveux noirs, des yeux verts.

Je sursaute et tente de me relever, tandis que ma tête se met à tourner violemment. Je me sens à nouveau partir.

— Eh, doucement.

Sa voix est douce, saupoudrée d'une pointe d'inquiétude.

Le garçon a l'air à peine plus vieux que moi. Sa peau blanche est légèrement dorée par le soleil d'un bon début d'été. Il a des cheveux noirs en bataille à cause des brindilles qui s'y sont mêlées, il est grand, il est beau, il a un air mystérieux ; alors, tout de suite, ça le rend insupportable. Je ne peux manquer le dessin de ses bras, de ses épaules carrées, ou de m'imaginer les abdos qu'il doit y avoir sous ce tissu imprégné de résine qui lui sert de t-shirt.

Il m'incite à me lever en tirant sur ma manche. Je chancèle en cherchant mes appuis : mes jambes, affaiblies par la course, sont vidées de leur énergie. Il ne lâche pas mon gilet.

Je le dévisage, mais il fuit mon regard et s'éloigne brusquement de plusieurs pas. Trop tard, j'ai eu le temps de croiser ses yeux de chien... battu. Je les connais, je les ai déjà vus. Ils me rappellent...

— Le loup ! m'étranglé-je en me retournant de tous côtés.

Je n'observe aucun mouvement à la ronde. Soudain, je me souviens de mes cauchemars : l'animal était-il même réel ? Je porte une main à mon crâne sous la migraine qui m'assaille. Est-ce que je deviens folle ?

— Tu t'es cogné la tête ?

Il a les mains fourrées dans les poches de son jean, les épaules crispées. Je retire les doigts de mes cheveux et il ose enfin croiser mon regard. Le sien se durcit en suivant mes mouvements. Je baisse les yeux sur ma main : elle est tachée de sang. Je me mets à trembler comme une feuille.

Le garçon m'agrippe le poignet, le retirant de ma vue.

— Il faut que tu partes d'ici.

Il rabat ma capuche sur la blessure, puis m'entraîne brusquement dans son sillage. Sa marche rapide m'oblige à trottiner derrière lui. Il me tient si fermement que sa prise brûle mes tendons. Je venais enfin de me débarrasser de cette maudite attelle... !

— Eh ! Attends ! Non, mais moins vite ! Oh !

Le garçon ignore mes plaintes. Il paraît réfléchir à toute vitesse en analysant les alentours.

— Tu m'emmènes où ?

Son silence et son ascendant sur moi me font paniquer. Je le sais, pourtant, que rencontrer un inconnu dans la forêt est la pire chose qui puisse arriver à une fille. Je déglutis, bouleversée.

La sueur l'oblige à remonter sa main sur mon bras de temps en temps. Je patiente, jusqu'à ce que l'occasion se présente à nouveau, puis je me dégage violemment.

Dans la même seconde, je me jette sur le premier bâton venu et le brandis entre nous deux.

Yeux-Verts se retourne aussitôt et, lorsqu'il s'apprête, de nouveau, à me voler mon poignet, je fais un pas en arrière. Il s'immobilise, les deux mains en évidence.

Enfants des Astres-Livre I : Nomen OmenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant