II. 11 ♟

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Je fuis à toutes jambes dans le couloir. La voix aboie derrière moi. Je l'ignore et m'engouffre dans la première pièce. Soulagée, je me laisse tomber contre la porte fermée.

— Alors, tu l'as ? chuchote Soleïane.

J'opine, à bout de souffle.

Je me décolle du mur et lui lance le livre que j'avais coincé sous mon bras. Elle le réceptionne entre ses mains, avant de rejeter la tête en arrière dans une expiration libératrice.

— Ah... ! Merci ! Je n'avais pas du tout envie de redescendre.

D'un saut, je la rejoins sur son lit. Nous nous cachons des garçons. Leur habitude de se bagarrer me sort par les yeux, tout comme Achille et Suzanne, qui nous demandent de l'aide dans la maison toutes les cinq minutes. Je me suis d'ailleurs échappée de justesse lorsque Suzanne s'apprêtait à me donner une nouvelle corvée.

Je décapuchonne mon stylo et commence enfin la grille de sudoku, arrachée d'un magazine qui traînait, qui saura me calmer.

Deux coups sur la porte font apparaître David, ordinateur en main.

— C'est vous qui avez changé le mot passe du Wi-Fi ? demande-t-il.

Je relève la tête. Son intonation n'était pas très claire et je ne sais s'il s'agit d'une accusation ou de simple curiosité. Soleïane, assise à son bureau, les jambes en l'air, repose Dracula.

— Je ne sais même pas où est la box, lui rétorque-t-elle.

J'interviens :

— Dans le bureau. Et si quelqu'un l'a changé, c'est sans doute Achille ou Suzanne qui désespèrent de vous faire descendre dans la cuisine parce qu'ils vous ont appelé il y a dix minutes pour les aider à faire la vaisselle.

David ne dit rien, mais il fait un pas en avant et s'assied en tailleur sur le sol de la chambre, l'ordinateur sur les genoux. Comme la veille, il est vêtu d'un pantalon noir, mais cette fois-ci il porte un t-shirt portrayant un troll de jeux vidéo.

— 'Fin, de toute façon, ce n'est pas un problème pour moi, je l'ai déjà craqué. C'est plus pour Chris que c'est embêtant.

— Nia nia nia, répond l'intéressé en surgissant du couloir. Ça va, j'ai d'autres choses à faire que de coder toute la journée. Tu me donnes le nouveau mot de passe ?

— Deux secondes, rétorque David absorbé par sa tâche.

— T'as du papier ? demande Chris à ma sœur.

— Ouais.

Elle ouvre un tiroir et sort un bloc de post-it . À la vue de sa jambe plâtrée, Chris fait l'effort de marcher jusqu'à elle pour aller le récupérer. Quand il se retrouve face à moi, je lui tends mon stylo. Il s'arrête et l'accepte, parce qu'il est clair que ça risque d'être difficile d'écrire quoi que ce soit sans.

— Désolé, je ne savais que j'avais autant tiré sur ton poignet.

Je regarde l'attelle. « Tiré », je dirais plutôt broyé, oui ! Il extirpe délicatement l'objet d'entre mes doigts en évitant mon regard, caché derrière ses cheveux noirs en bataille. Je hausse les épaules.

— J'avais déjà mal avant.

— Tu t'es fait quoi ? demande gentiment David, alors que son frère recopie, par-dessus son épaule, le nouveau mot de passe.

— Je suis tombée, dis-je simplement, ne sachant pas s'ils sont au courant de ce qui nous est arrivé.

— Je veux bien un exemplaire aussi, dit Soleïane à l'attention des garçons.

Enfants des Astres-Livre I : Nomen OmenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant