David passe son sac à dos sur les épaules et nous retournons dans le salon où Chris est toujours assis devant la télé, en train de fourrer des câbles dans son propre sac, par-dessus une console noire. Il n'ose lever les yeux vers son frère et je sens à nouveau cette atmosphère lourde, que le rire de David avait dissipée une seconde. Il se détourne fouiller dans l'un des meubles. J'en profite alors pour m'assoir un peu sur le canapé, l'os de ma jambe me lançant toujours. En baissant les yeux, je vois un hématome commençant à poindre.
— On prend celui-là ? demande le cadet en lui présentant la boîte d'un jeu de rôle.
Chris se penche vers lui et pendant quelques minutes ils débattent sur les jeux qu'ils veulent emporter chez les Chemtov, en fonction de la place qu'il reste dans leur sac à dos. J'attends patiemment que leur conversation se fasse à nouveau plus naturelle, après l'évènement qui nous a tous choqués différemment, en passant mon regard sur tous les objets que contient la pièce. Une fois qu'ils en ont fini, Chris retourne à l'évier de la cuisine pour vider le contenu de sa poche de glace improvisée. Quand celui-ci se retourne vers nous en s'arrêtant devant la fenêtre pour installer confortablement son lourd sac sur le dos, David ne peut retenir un hoquet :
— On passe par la forêt, affirme-t-il.
— Quoi ? s'indigne Chris. Mais ça va être beaucoup plus long !
— Oui, eh bien je ne veux pas te voir avec un deuxième œil au beurre noir, insiste le sage petit frère.
— Non, mais... soupire Chris d'exaspération. Tu sais très bien que je suis capable de les maîtriser !
— Deux contre un ? commence à s'énerver David. Sans Luna, on aurait eu du mal à s'en tirer.
À l'instant où il sort cette remarque, je sais que ce n'était pas du tout la chose à dire. L'orgueil de Chris se froisse en un clin d'œil et sa bouche se tord dans un rictus rageur.
— Super, on a l'intello ! Je te rappelle que c'est à cause d'elle qu'on s'est retrouvé coincé avec eux.
Je m'offusque de son reproche débile. Mes épaules se crispent et j'ouvre la bouche pour rétorquer, mais David me devance :
— Ce n'était pas sa faute !
— Elle nous a fait perdre du temps en se prenant cette camionnette !
Chris parle de moi comme si je n'étais pas là. Oh, qu'est-ce que je déteste ça !
— Peut-être que j'aurais pu réagir plus vite, si je savais que t'avais sur le dos des tarés pareil ! lançai-je les dents serrées.
— Peut-être que tu aurais pu éviter cette camionnette ! me rétorque-t-il.
Son regard froid me gifle comme un seau d'eau glacée. L'éviter ? Comment est-ce que j'aurais pu l'éviter ?!
Mes os se glacent. Je me souviens des sensations que j'ai éprouvées hier et ce matin, les chocs inexpliqués à l'épaule, les éclairs blancs. Ma gorge se noue : je n'ai rien à répondre. J'aurais pu l'éviter.
Si j'avais compris, si j'avais fait attention.
J'aurais pu éviter l'incident comme l'incendie.
C'est donc ma faute ? Tout ça, tous les désastres qui m'arrivent, c'est ma faute s'ils se produisent réellement. Je les ai rêvés, je les ai sentis. Et je n'ai rien fait.
Le souffle coupé par cette idée si affreuse parce qu'elle est vraie, des larmes perlent à mes yeux. Des larmes de culpabilité, de haine contre moi-même, contre Chris qui a raison.
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Enfants des Astres-Livre I : Nomen Omen
WilkołakiAprès l'incendie criminel qui coûte la vie à leur tutrice, Luna et sa jumelle Soleïane doivent faire face à un traumatisme aux étranges conséquences. A l'hôpital, Luna accumule les songes qui hantent son sommeil ; Soleïane, elle, ne semble pas voulo...