I. 7

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Dans ma courte vie, je me suis déjà fait un tas de contusions, ecchymoses, coupures, égratignures, éraflures, entailles et plaies en tous genres sans compter mes foulures et entorses récurrentes mais jamais, oh non jamais encore je n'avais éprouvé un si grand malaise à la vue d'une plaie.

Je suis plutôt du genre à regarder le plasma sanguin, sortant de l'intérieur de mon coude, éclabousser le tube de la seringue lors d'une prise de sang, fascinée par l'effet d'aspiration et de la vitesse de déversement. Bien que cela ne soit pas du tout agréable, je me suis habituée à voir du sang s'échapper par les interstices sanglants qui apparaissent sans cesse et que mon corps endure souvent.

C'est pourquoi je ne peux pas m'empêcher de regarder, pour voir à quel point c'est grave.

Juste avant que je ne m'évanouisse, l'infirmière avait commencé à dérouler tout doucement le bandage autour de mon bras. Chaque tour qu'elle défaisait avait augmenté l'étendu de la tâche ensanglantée de même que la rapidité de mon pouls, jusqu'à ce que je sente la morsure du tissu imbibé de sang se décoller de ma peau écorchée. Maille par maille.

Mon corps s'était mis à suer par tous les pores de sa peau. J'avais eu trop chaud et mes mains moites ne parvenaient plus à s'agripper aux draps. L'oxygène m'avait manqué et mon corps ne n'avait plus réussi à réguler ma tension qui avait baissé en chute libre. Finalement, ma tête était devenue trop lourde, mes yeux avaient roulé dans leurs orbites et j'avais tourné de l'œil.

Apprenant de mes erreurs, je me retiens désormais de jeter à nouveau un coup d'œil. Pourtant je sais que la blessure apparaît rouge, dégoulinante, visqueuse, sombre mais surtout sanguinolente.

Mme Christine, ne supportant pas non plus de voir l'infirmière soigner et mettre à jour toutes mes meurtrissures, s'échappe de la pièce, prétextant devoir s'alimenter en café.

Comme pour contrer la précédente réflexion détestable de l'assistante sociale aux cheveux de plastiques, l'infirmière chuchote :

- Tu as été courageuse dans cette maison.

Et pourtant ça n'a pas suffi. Thérèse est morte et Soleïane est terriblement blessée.

Je prends une profonde inspiration pour me calmer. L'air qui arrive d'un coup dans mes poumons fait soulever ma poitrine. Ce mouvement provoque un tiraillement au niveau de mes côtes, un autre à mes épaules mais il permet de décoincer certaines vertèbres de ma colonne vertébrale en plusieurs craquements de délivrance.

Par-dessus l'épaule de l'infirmière qui me soigne, une vitre m'offre la vue sur l'extérieur. L'heure est avancée, car le soleil s'est déjà couché et je peux à peine deviner ce qui se trouve de l'autre côté, au dehors.

J'aperçois néanmoins quelqu'un. C'est une personne avec des cheveux roux, longs, bien que totalement décoiffés et ébouriffés.

La lumière de la pièce me fait vaguement distinguer son corps et son visage, couverts de petites plaies. Je remarque également une ecchymose sur sa joue un peu ronde tandis que, sur son front, quelques points de sutures bordent le dessus de son sourcil gauche.

Elle a une expression hagarde et ses yeux renvoient l'image d'une âme désemparée. Son regard, étonnamment profond malgré son état physique déplorable, fixe la vitre comme si elle voulait y découper la porte qui lui permettrait de s'évader d'un cauchemar.

Je n'aime pas tellement l'image que je renvoie...

Soudain, j'entends ma sœur reprendre conscience. Elle émerge d'un rêve tourmenté et ne se doute pas qu'elle plonge tout droit dans un cauchemar.

- Luna ? gémit-elle.

Je me redresse, prête à bondir sur mes pieds alors que l'infirmière n'a pas fini de me reposer le bandage.

Enfants des Astres-Livre I : Nomen OmenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant