II.5 (b)

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Deux coups francs sur la porte en bois me ramènent les pieds sur terre. Je serre contre moi les pans de ma serviette que j'enroule tant bien que mal autour de ma poitrine.

— O...oui ? bafouillai-je.

La porte s'entrouvre légèrement, assez pour que Suzanne, apparemment revenue de son intervention avec le troupeau, puisse passer sa tête. Etonnamment, elle ne me regarde pas, elle regarde le mur le plus proche, à l'opposé et, depuis son cou contorsionné, me demande :

— Luna, c'est Suzanne, je peux rentrer ?

— Oui, bien sûr ! l'invitai-je en ignorant le fait qu'elle était déjà à moitié à l'intérieur.

Sa tête disparaît brièvement avant de revenir complètement, faisant pénétrer à sa suite une grosse trousse de toilette et une pile de linge.

— Tes affaires sont enfin sèches !

Elle referme rapidement la porte derrière elle puis pose sur une chaise mes habits passés par le lave-linge pendant la nuit. Elle déballe le contenu de la mallette, remplissant des tiroirs entiers de nécessaires à pharmacie, m'expliquant que cela facilitera les soins qu'elle doit nous prodiguer.

Debout sur le tapis de bain, de l'eau dégoulinant de mes jambes, je l'observe silencieusement.

— Alors, tu veux que je commence par quoi ? dit-elle en relevant enfin la tête.

La question me surprend. Son attention me touche. Suzanne pose ses yeux sur ma jambe brûlée. Elle fronce les sourcils.

— Oh là, on va s'occuper de ça d'abord, qu'est-ce que tu en dis ? Ça a dû te faire sacrément mal sous la douche ! La peau est si fragile, elle n'est pas encore totalement refaite.

Me demandant de m'asseoir sur le rebord de la baignoire, Suzanne vide les tiroirs qu'elle vient tout juste d'organiser. Entre deux applications de pommade, elle allume une vieille radio, petite et couverte d'une fine pellicule de poussière, posée sur l'un des rebords de fenêtre. Au départ, je crois que c'est pour combler le silence entre nous mais, peu à peu, elle se laisse aller à chantonner tout en croisant la bande médicale sur mon bras.

Je ne la quitte pas des yeux, admirant la dextérité de ses gestes et la légèreté de son humeur.

— Comment vont tes côtes ?

— C'est toujours un peu bleu.

— Tu veux un patch ? J'ai vu qu'on vous en avait prescrit.

J'acquiesce. Peu pudique entre ses mains de médecin, je passe un bras autour de ma poitrine et fait descendre la serviette sur mes hanches. Lorsque Suzanne place le patch froid sur mes côtes, je sursaute. Face au miroir, je la vois s'assurer qu'il est bien placé.

— Il faudra l'enlever avant de dormir. En attendant, tu penses pourvoir tenir pour une virée shopping ?

Je lui souris.

* * *

Quelques heures plus tard, je me fais bercer par la voiture des Chemtov qui ronronne sur les routes en lacet. Suzanne et Achille nous emmènent en promenade à travers la campagne vosgienne, jusqu'à une ville nommée Gérardmer (à prononcer Jérarmé, ou rien).

La ville est vraisemblablement le centre d'effervescence du tourisme local, animant les rues pour le peu de touristes estivaux qui osent s'aventurer en ces terres de pins et de Vosgiens. Nous nous rendons au centre-ville où se concentrent boutiques de vêtements, de souvenirs et me même de cuisine sur une même allée, qui mène tout droit vers un manège, diffusant une musique de foire au milieu du rond-point.

Enfants des Astres-Livre I : Nomen OmenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant