I. 12

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Je ne comprends rien, mais alors rien du tout, à ce qu'il m'arrive. C'est du brouillard ; cette histoire, c'est du brouillard !

Je m'évanouis toutes les cinq minutes, presque incapable de suivre une conversation. J'ai aussi tellement de questions : sur l'homme qui m'a sauvé, sur ce qu'a dit Georges à propos de Sol et moi, sur ce qu'il s'est passé avec Jérémy, sur l'état de santé de ma sœur.

Lorsque je prends conscience que j'émerge de mon sommeil, j'entrouvre à peine les yeux que je ramène déjà mes mains sur mon visage, en expirant le trop plein d'air coincé dans mes poumons. Je suis au bord de la crise de nerfs : dans quelle galère sommes-nous !

- Laisse couler ma grande, tout ça va finir par s'arranger.

Le souffle coupé j'ôte les mains de mon visage et observe celui qui est installé sur le siège en face de moi. Victor. Ce fauteuil en aura vu passer des personnes posées sur sa mousse cousue ! Un véritable défilé.

J'écarte les bras pour accueillir le nouvel arrivant avec les yeux brillants et mes jambes qui s'agitent sous le drap, comme une enfant qui solliciterait sa mère pour qu'elle vienne la sortir du lit. J'étouffe quelques sanglots bruyants lorsque Victor me serre dans ses bras. Je cale ma tête dans le creux de son épaule.

Pour Sol, Jérémy et moi, il fait office de cousin, en quelque sorte, car Thérèse a une sœur, Madeleine... Avait une sœur.

De trois ans sa cadette, Madeleine est mariée et a un enfant : Victor, la vingtaine, du même âge que Jérémy, dont il est d'ailleurs le meilleur ami depuis que Thérèse est sa tutrice.

Était sa tutrice. Bon sang comme c'est difficile.

Jérémy et lui ont à peu près la même taille : un bon mètre soixante-quinze. Victor a des cheveux blond clair coupés très, très courts, qui donnent à penser qu'il est chauve.

Je l'apprécie autant que Jérémy. Ces deux-là étaient inséparables avant que Jérémy ne soit avec Annaëlle et même encore aujourd'hui, ils restent très proches.

- Ne t'inquiète pas pour Jérémy, me rassure-t-il en coiffant négligemment ma touffe rousse. Il a juste filé un œil au beurre noir à ce policier qui était devant la porte. Il refusait de le laisser te voir et Jérem' était déjà assez remonté parce que normalement, Mme Christine aurait dû être avec toi. Bref, Maurice fait le nécessaire pour qu'il soit relâché de sa garde à vue pour l'enterrement.

Je le remercie d'un sourire pour ces explications. Victor me tapote le dos en s'amusant de ma mine dépitée : c'est sa manière à lui de me manifester du réconfort.

Même si aucun lien de sang ne nous réunit - Victor, Jérémy, Sol et moi - nous nous aimons comme des membres de la même famille. Je lui suis reconnaissant pour un paquet de choses qui seraient trop longues et trop complexes à spécifier.

Avec moi, il a tendance à adopter la figure du grand frère et, même s'il reste particulièrement humble, Victor est quand même beaucoup plus décomplexé que Jérémy dans ce rôle-là ! Bien qu'en tant que fils unique il ait du mal à doser le lien fraternel et préfère se faire discret, il se prend assurément moins au sérieux.

D'ailleurs, on lui reproche parfois un peu son manque de maturité ; c'est un adulte qui sait encore rêver et rigoler. Son attitude, sa présence, me font toujours du bien ; avec lui, il n'y a jamais de prise de tête : la vie semble si simple de son point de vue que je pourrais parfois croire que c'est moi qui invente des problèmes.

Enfants des Astres-Livre I : Nomen OmenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant