Chapitre 7 : Chaleurs et Mort

8.6K 766 359
                                    

Je pose ma boîte de cachets sur ma table de nuit en soupirant, et regarde la petite tablette de plastique et aluminium en dépasser à peine, alors que je jette celle que je viens d'achever. La deuxième depuis mon arrivée, il y a à peu près un mois et demi. Il ne me reste qu'une plaquette, soit dix comprimés. Si je continue à ce rythme d'un tous les deux jours, je tiendrais encore près de trois semaines. Un mois, si je passe à un tous les trois jours. Mais ça me semble assez peu prudent.

D'un autre côté, ai-je vraiment le choix ? Je me doute que, de son côté, Monsieur Rewo doit compter les jours qui me séparent de mes chaleurs. Il doit avoir compris depuis longtemps que je fais durer mes suppresseurs. Et quand je n'en aurai plus, mes chaleurs arriveront et il me...

Je serre les dents, ferme les yeux et respire à fond pour ne pas sombrer dans la panique, l'angoisse et le désespoir. De toute façon, ça ne servirait à rien. Et puis, il sera bien assez tôt dans trois semaines pour m'inquiéter de ça. Si, depuis que je suis là, je n'ai pas trouvé d'autre solution, peut-être en trouverai-je une d'ici là. Même si je n'ai que peu d'espoir à ce sujet.


Je regarde ma chambre. Malgré mes protestations, le mobilier s'est enrichi de semaines en semaines, et je dispose à présent d'une très belle table de travail avec un très confortable siège, lesquels ont remplacé mon petit bureau et la chaise d'entrée de gamme qui y était assorti, mais aussi tout un ensemble de salon, avec un canapé, deux fauteuils et une table basse. Et, des échos que j'en ai eus, je ne devrais pas tarder à avoir aussi une méridienne. Monsieur Rewo s'est aussi appliqué à remplir ma bibliothèque, celle qu'il m'avait octroyée pour mes livres... D'ailleurs, ceux que j'ai ramené de chez mes parents, en grande majorité des romans de poche et autres livres d'étude, font assez pâle figure à côté de ce que j'ai découvert être des éditions originales de grandes œuvres. Et ces aménagements font eux honneur à ces illustres chefs-d'œuvre, puisque tous sont d'excellente facture, des antiquités restaurées avec soin. Le tout donne à cette pièce une allure qui me plait beaucoup, je dois l'avouer. Et puis, l'odeur de la cire, la patine du bois, les velours épais et doux des assises et dossiers... Tout cela me donne souvent l'impression d'être dans un cocon. Même si je ne suis pas dupe et que j'ai conscience que tout cela ne serre qu'à m'amadouer.

Alors, ne pouvant refuser les cadeaux sous peine de bloquer l'entièreté du couloir avec, et de prendre le risque de vexer mon patron, je les ai tous fait installer dans un coin de la pièce, et n'en fais pas le moindre usage. Même si j'avoue m'être laissé tenter par la lecture de l'un ou l'autre des livres qu'il m'a offert.

******

Trois cachets. C'est tout ce qu'il me reste. Et je n'ai pas trouvé de solution.


Je voulais demander son aide à Colas, mais j'ai perdu confiance en lui. Il m'a trahi. Ça ne pouvait venir que de lui. A part ceux qui me livrent les meubles et qui n'ont pas l'oreille de Monsieur Rewo, le Béta est le seul à avoir pénétré dans ma chambre et à en avoir vu l'agencement. Ou plutôt l'absence d'agencement, puisque remiser des meubles dans un coin ne peut être qualifié d'agencement.

Or, mon patron m'a fait part de son mécontentement à ce sujet. Il n'a pas levé la main sur moi, mais sa colère était flagrante. Je n'ai pas cillé et lui ai rappelé lui avoir fait part de mon refus d'obtenir quoi que ce soit de lui, ce qui est loin de lui avoir plu. Colas, lui, n'a pas nié son implication dans cette affaire. Je suis donc seul.


C'était il y a quatre cachets. A ce moment là, j'espérais encore pouvoir trouver une solution. Mais tout espoir est vain, je le comprends à présent. Je comprends aussi pourquoi Monsieur Rewo ne s'est pas fatigué à me violer. Il n'a qu'à attendre que je sois à court de suppresseurs pour que je vienne mendier qu'il me prenne. Et, d'ici la fin de la semaine, sa patience sera récompensée.

L'amant du parrain [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant