Chapitre 1 : Vendu

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J'ai beau essayer de résister, mes faibles muscles sont dérisoires face aux deux forces de la nature qui m'entraînent à travers une dizaine de couloirs noirs laqués sur lesquels se reflètent les pâles lumières. Et ce décor est loin de m'aider à me détendre. D'autant que je sais bien pourquoi je suis là. Mais ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi moi, et pas mon frère Daniel ? Après tout, c'est mon aîné qui a des dettes... Bien que ses créanciers soient encore moins fréquentables que je ne le pensais. D'un autre côté, depuis quelques semaines, il est introuvable, même pour mes parents et moi. Mais si jusque là, ces hommes, ces mafieux, se sont ''contenté'' de débarquer chez nous à n'importe quel heure du jour ou de la nuit, pour le trouver, et que je commençais à avoir de plus en plus peur pour mes parents et moi, je ne pensais pas en me levant ce matin que le jour fatidique était déjà arrivé.

Ils continuent de me porter à travers les interminables couloirs. Tourne-t-on en rond pour me faire perdre mes repères ou l'endroit est-il si labyrinthique ? Nous croisons bon nombre d'hommes, qui, à l'instar de mes geôliers, sont tous vêtus des mêmes costumes noirs brochés d'un pin's en métal doré représentant deux triangles juxtaposés quoique s'imbriquant l'un dans l'autre, l'un pointant vers le haut, l'autre vers le bas... J'avais déjà vu ce symbole à de nombreuses reprises dans la ville, mais je n'avais jamais compris qu'il était l'emblème de la mafia locale. Mais ce qui m'inquiète bien plus, ce sont plutôt les battes de base-ball et autres barres de fer, que tous arborent. Un frisson me parcourt en pensant que c'est le sort qui m'attend, et j'ai du mal à garder le peu de sang-froid que j'ai réussi à réunir depuis qu'ils m'ont attrapé juste avant que j'atteigne l'université.

Enfin arrivés devant une double porte ébène portant le même insigne et gardée par deux nouveaux colosses, mes ''porteurs'' poussent l'un des battants, et nous pénétrons dans une grande salle sur les murs de laquelle différents plans, dont plusieurs de la ville et d'autres que je ne comprends pas, se disputent l'espace. Mais je n'ai pas le temps d'y porter davantage d'attention : mes colosses personnels me font contourner la grande table de bois massif qui trône au centre de la pièce, ignorant les nombreux sièges de velours rouge et noir. Et plus nous approchons du bout de la table et de ses quatre occupants, plus mon cœur bat à la chamade et tambourine à mes oreilles, et plus mes mains se font moites, mes membres tremblants... Ils m'arrêtent à quelques pas des quatre hommes, leurs grosses mains pesant sur mes épaules, comme pour m'empêcher de m'enfuir. Pensent-ils que je suis assez stupide pour leur donner une raison de plus de me faire du mal ? Et puis, avec tous ces couloirs identiques et remplis de gros bras armés, quelle chance aurais-je ?


_ Nous avons ramené le garçon, comme vous nous l'avez demandé, Monsieur Rewo.

Rewo. J'ai déjà entendu ce nom. A la radio. Et dans la bouche de Daniel ! Et, chez ce dernier, pas sur un ton amical, mais plutôt sur un ton craintif.

_ Merci. Vous pouvez disposer. » répond une voix si grave que mes tremblements s'accentuent.

Je comprends mieux le ton qu'employait mon frère quand il s'adressait à lui. Sa voix a un côté froid, dénué d'émotion, qui me glace le sang. De ce que j'en devine, des quatre hommes qui me font face, il est celui qui est assis en bout de table, dans l'obscurité.

Mes cerbères me lâchent, et je manque d'en perdre l'équilibre, me rattrapant de justesse à un siège devant moi, malgré mes mains attachées. Ils saluent leur patron, et se retirent, refermant la porte ébène derrière eux.

Tremblant, je garde les yeux baissés pour essayer de retrouver un semblant de sang-froid et de contenance. Autour de moi, j'entends des pas se rapprocher, me contourner. Je frissonne de sentir des regards sur moi, sur mon corps à la finesse accentué par mon pull marine over size, porté par-dessus un jeans noir délavé moulant, troué aux genoux, et mes vieilles converses.

L'amant du parrain [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant