EPILOGUE

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Voici un an que je foulais cette même piste avec Shamrock. Mais aujourd'hui, c'était avec Demoiselle que je me présentais. Je reconnaissais les visages des jurys, ceux qui avaient eu connaissance de la vente de tous mes chevaux, de mon départ des concours. Certains me saluèrent lorsqu'ils me virent préparer Demoiselle avant la détente.

Je concourais cette année sur l'épreuve à un mètre vingt, il s'agissait de mon premier concours avec Demy, et j'étais plus que confiante.

La détente fut excellente, quoiqu'un peu stressante au début pour ma jument pour qui tout cela était nouveau. Elle avait fait deux concours avec Nora qui s'étaient soldés par deux échecs : un abandon et une chute. Aujourd'hui il n'était pas question de cela. Demoiselle avait été entrainée tout le printemps.

Dans le public je pouvais voir mes parents, ma mère le visage stressée et mon père plein d'espoir, et fier de voir de quelle manière je n'avais pas abandonné ma passion. Lucille et Louis étaient là également. Edouard s'était proposé comme groom et Andrew avait pris le statut d'entraineur.

Le candidat précédent venait d'engager ses premiers sauts, je rentrais alors sur la piste, sous la banderole aux légendaires couleurs Longines. Je voyais la piste beaucoup plus grande aujourd'hui que ce que je voyais l'année dernière. Cette fois-ci, même le mur ne m'effrayait pas. Demoiselle avait témoigné toute se générosité aux entrainements, ne refusant l'obstacle que lorsque moi-même, je ne m'y engageais pas sincèrement. Demy était du genre "j'y vais avec toi ou je n'y vais pas."

Mon père me fit un signe d'encouragement tandis que ma mère lui fit signe d'arrêter de me déconcentrer. Je voyais Edouard tenter de trouver la place idéale pour les photos. Ce dernier avait choisi la tenue que nous allions porter aujourd'hui. Demoiselle était très sobre, un tapis noir au liseré brillant et des protections assorties. Un simple bonnet noir, s'intégrant parfaitement à son filet de la même couleur. Le tout se fondait parfaitement sur sa robe baie. Elle était curieuse, les oreilles en avant, les yeux grands ouverts. De mon côté, j'avais opté pour l'originalité avec une veste vert sapin au col noir, un pantalon blanc, des bottes noires et un casque noir brillant. Etant au début dubitative sur cette tenue j'avais finalement accepté et m'en réjouissais en voyant que le vainqueur de l'épreuve précédente portait lui aussi une veste verte...

Je mis Demoiselle au galop, la faisant évoluer en cercle autour des obstacles les plus complexes. Une fois la cloche déclenchée et moi plus sereine, je me plaçais face au premier obstacle. Demy allongea ses foulées en gardant l'équilibre et s'élança avec aisance au-dessus du vertical. Les quatre premiers obstacles furent ainsi passés, avec calme et académisme. Sentant ma jument prête à me suivre dans mes idées farfelues, nous passâmes un double oxer puis pris une option, très osée qui revenait à faire presque un demi-tour. Demoiselle changea de pied et repris des foulées régulières, elle fit sa volte avec une grande précision et releva le nez à l'approche du mur. L'impulsion était idéale, les foulées correctement calculées et nous franchîmes ensemble, dans la plus simple harmonie, ce mur qui m'avait paru si effrayant l'année précédente. Demoiselle rua de joie à la réception, mais ne perdit pas de vue le triple qui se profilait. Un. Deux foulées. Deux. Une foulée. Trois. J'avais sentis le postérieur droit de Demy toucher la barre, je ne voulais pas savoir si celle-ci était tombée. J'entendis le public faire du bruit et se tut lorsque j'approchais mes deux derniers obstacles.

"Bon 4 points pour moi...tant pis, on donne tout sur la fin !" pensais-je.

Je franchis le petit oxer isolé avant de m'élancer avec Demy sur la piste droite qui menait au dernier saut, un vertical avec bidet, juste en face de la sortie. Simple à première vue, il était sans doute le plus redoutable. Depuis le début de la compétition, de nombreux chevaux l'avaient refusé. Demoiselle était lancée dans un galop équilibré, les oreilles à l'avant, l'encolure redressée, parfaitement rassemblée.

"Allez, allez...." lui chuchotai-je.

Celle-ci sembla m'écouter, plaqua ses oreilles en arrière, se rassemblant d'avantage, elle semblait prise d'une rage soudaine. Je pris ma place à l'abord de l'obstacle et Demy s'envola, littéralement, et largement au-dessus de la hauteur demandée. Une fois après la fin du chrono, la musique du sans-faute s'enclencha. N'y croyant pas je regardais le grand tableau des résultats pour vérifier, avant de réaliser l'ampleur de ce que nous venions d'accomplir toutes les deux, ensemble.

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