CHAPITRE 26 | Expatriation.

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Il était temps que je parte. La nouvelle de mon expatriation avait jeté un froid sur le haras et semblait avoir réveillé quelques tensions familiales entre Edouard et ses parents. La fin de la saison de concours qui se profilait rendait Léon en état de stress permanent et au milieu de tout ça, les interminables préparatifs administratifs de mon départ n'arrangeaient rien. 

C'est un samedi matin qu'Edouard m'accompagna à la gare, laissant derrière moi les mauvais souvenirs de l'été. Lucille m'avait préparé un merveilleux petit déjeuner de départ tandis que Louis, étant en concours avec son équipe et n'ayant pas pu me saluer, me fit don par l'intermédiaire de sa femme d'un sublime tapis de selle, remporté lors d'un prestigieux concours de dressage en Angleterre, alors qu'il avait raflé la première place, devant Zara Phillips. Ce cadeau avait, au-delà de son prestige, une valeur symbolique inestimable. Le train partait à 10h56 direction Gard du Nord et me transportait par la suite jusqu'à Genève. De là, Andrew venait me cherchait pour trois heures de route jusqu'à Grindelwald. 

Edouard me serra dans ses bras sur le quai de la gare, les larmes étaient proches, les miennes aussi. Je pris mes valises et me jetai dans le train. Je n'avais donné aucune date de retour, je ne l'avais pas même insinué. C'était sans doute mieux ainsi ? Pas de promesses, pas de stress. Je le saluai par la fenêtre, il me fit un signe, sorti un mouchoir et le secoua, comme dans un vieux film. Je ne pu m'empêcher d'esquisser un sourire, ce qui ne fit qu'accentuer les larmes qui bordaient mes paupières. Heureusement le train s'ébranla et prit rapidement sa vitesse de croisière. 

Arrivée à Paris, je dû trainer derrière moi l'équivalent d'une armoire de deux mois d'été, plus des affaires d'équitation, dont un casque dans son sac quelque peu encombrant, le tapis de selle du concours d'Hickstead sous le bras. Je cru un instant avoir égaré mon téléphone, je le retrouvai glissé dans une paire de chaussures qui trainait dans un des deux gros sacs de courses que je trainais, rempli de vêtements en tout genre, du crop top à la robe de soirée en passant par un pantalon d'équitation. Mes vestes de concours tenaient sur des cintres, emballées. Elles étaient attachées à la poignée de ma valise, laissant seulement de la place à ma main pour me permettre de l'attraper quand il fallait gravir un escalier me menant au quai du train pour Genève, à l'exact opposé du quai où j'étais arrivée. Que de joie. Poussée de toute part par des gens pressés, ou d'autres aussi chargés que moi, je finis par écraser les pieds de quelques personnes, au détriment de la politesse je ne m'excusais même pas. De toute façon, pour ma défense, ils ne m'auraient pas entendu. J'étouffais, la hanse de mon sac à main me sciait littéralement l'épaule. Cette dernière menaçait par ailleurs de s'arracher à chaque fois que ma valise cognait brusquement contre un objet non-identifié, souvent des pieds, sur le quai. Lorsque j'aperçus mon train, ce fut l'apothéose. Je me jetais à l'intérieur, mis mes affaires dans la case prévue à cet effet et cherchais ma place. Une fois installée je constatais que la place en face de moi était vide. Les sièges à ma gauche étaient occupés par une petite famille dont la fille me fit penser à Mélusine. La mère me sourit et je fis de même en retour. Elle posa longuement ses yeux sur mon tapis, calé sur mes genoux (décidément je ne le quittais plus !) et retourna à la surveillance de ses enfants. 

Je me sentis tel un objet de curiosité l'équivalent de quelques secondes et constatai suite à cela que la personne face à moi était une femme d'une quarantaine d'années, en tailleur de luxe, attaché case collé à sa cuisse, parlant discrètement au téléphone d'un accent anglais quelque peu français. Elle raccrocha et me salua d'un signe vif de la tête. Le train démarra, mais cette fois-ci personne ne me saluait sur le quai de la gare. Quelques instants après je détournai le regard pour revenir à ma business woman. Elle avait aussi posé ses yeux sur mon tapis de dressage et me demanda d'une voix très discrète :

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