C'était une blague. Forcément. J'essayais de calmer les tremblements qui saisissaient mon corps. Impossible que je le fasse : j'avais enfin accepté l'idée que j'allais mourir sur Terre et j'étais en paix avec ça. De plus, je n'avais clairement pas les capacités pour réaliser un voyage spatial.
Le rictus de cette femme s'amplifiait face à mon mutisme, tandis que les rouages de mon cerveau tournaient à plein régime. C'était impossible que le Gouvernement en soit réduit à cela. Adamson ne l'aurait jamais autorisé. Il préférerait que tout le monde crève sur terre, plutôt que d'admettre qu'il avait failli à sa mission, et de lancer une nouvelle expédition. Ils mentaient. C'était sûre. Et s'ils n'étaient pas de vrais gardes ? Je les avais laissé rentrer chez moi très facilement, et au vu de la dangerosité des rues, il n'était pas improbable que ces gens soient des criminels venus piller ma maison puis me tuer.
Lorsqu'un de ces « gardes » approcha sa main de l'arme attachée à sa ceinture, je paniquais et me rendis bien vite comte que mon arme et moi ne feront pas le poids face à un groupe de soldats armés et entrainés. Je n'étais pas prête à mourir dans ces conditions, pas abattu par un criminel et encore moins sans avoir fait mes adieux à mon monde. C'est ainsi que, sans réellement réfléchir à mes actes, je m'enfuie vers l'extérieur, cherchant à m'éloigner au maximum d'eux. Je passais l'encadrement de la porte à toute vitesse, et me dirigeai vers les ruelles. Très vite, je fus poursuivie par ceux qui était entré chez moi il y a quelques minutes.
Je sautai difficilement au-dessus d'une barrière qui bloquait la rue en courant. J'étais loin d'être forte en sport, notamment en course et je sentis très vite que je ralentissais, mes membres d'engourdissant, tandis que l'escorte se rapprochait dangereusement. Malchanceuse comme toujours, je trébuchai et m'étalai par terre, avec un manque de grâce évident. Quoique l'élégance n'était pas ma priorité, j'aurais préféré mourir avec classe. Un des hommes m'attrapa brusquement par les cheveux et sortit son arme. Je sentais la fin proche et j'avais peur. Vraiment peur. Au dernier moment, il la retourna et me frappa en plein visage avec la crosse. Une puissante douleur me saisit tandis que je m'écroulai par terre et qu'un écran noir s'installa devant mes yeux.
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Mes yeux papillonnaient doucement tandis que des rayons de lumières venaient m'éblouir. Le souvenir des derniers évènements me revint en mémoire et je me redressai d'un coup. J'avais un mal de crâne atroce et un gémissement de douleur sortit de ma bouche. J'ouvrai enfin les yeux et me rendis compte que j'étais dans une pièce entièrement blanche, avec une grande baie vitrée ouvrant la vue sur d'immenses buildings. Je reconnus Solaris. Ils ne mentaient donc pas, je venais vraiment d'être embarqué dans une mission suicide. Je continuais l'examen de la pièce où je me situais, mais fut coupé dans ma contemplation par une porte qui s'ouvrit.
Une dame en blouse blanche, que je supposais être une infirmière, se posa devant moi avec dans ses mains des vêtements pliés. Sans un mot, elle me fit signe de me lever et m'ausculta rapidement. Elle sortit tout aussi rapidement, laissant la tenue sur le lit. Je m'habillais donc avec un bas de treillis militaire et un haut à longue manche noir ainsi que des bottes noires montantes. Je m'attachai les cheveux et regardais mon reflet dans un miroir disposé plus loin. Le pantalon était bien trop large et trop long. Mais ce qui était le plus visible était mon cocard sur mon œil gauche, conséquence du coup porté par un aimable soldat avant qu'il me KIDNAPPE. J'avais vraiment une vie de merde.
Je voulais trouver une issue pour sortir de cet endroit et retourner à Snake's Canyon, alors je sortis de la pièce et au même moment, un jeune garçon un peu plus jeune que moi sortit également. Il se dirigea vers moi et je pus mieux l'observer au fur-et-à-mesure qu'il se rapprochait. D'une apparence frêle, une grande mèche brune couvrant la moitié de son visage, il semblait lui aussi n'avoir aucune envie d'être là.
Avant qu'il ne me rejoigne, une porte s'ouvrit automatiquement au fond du couloir sur ma gauche, et par instinct, je me dirigeai vers elle. S'ouvrant sur une énième pièce blanche, un grand écran habillait le mur du fond, sur lequel on reconnaissait Zacarias Palo, un conseiller peu connu de Gary Adamson. Il s'exprimait en direct à la télévision, et devant tous les citoyens. Dans la salle, une dizaine d'adolescents vêtus d'une tenue similaire à la mienne étaient pendus à ses lèvres. Suivant la masse, je me mis à l'écouter.
« Notre génération a le devoir de trouver un refuge, et les générations qui suivent auront, quant-à-elles, la lourde tâche de perpétuer la vie humaine. Dans cette optique, nous ne pouvons abandonner l'espoir de découvrir un Eden pour l'Homme. Et c'est pour cela que nous déclenchons dès maintenant l'Opération Araignée. Plus tôt dans la journée, nous avons sélectionné un membre de la famille des regrettés de l'Elite, afin de constituer un nouvel équipage, leur incombant la responsabilité de poursuivre la mission. ».
La chaîne d'information retransmettait également en direct les réactions de la population aux annonces de Palo. De nombreuses personnes s'étaient amassées devant les écrans géants des villes, et celles-ci semblaient accueillir la nouvelle de manière fataliste. Aucun cri, aucun bruit, aucun mouvement : personne n'y croyait, personne ne croyait en nous. Cela dit, moi n'ont plus je ne croyais pas en nous. Mais c'est la suite du discours qui me choqua.
« Nous sommes une nation d'espoir, mais nous sommes aussi une nation en deuil. Chaque citoyen s'est peut-être demandé, à juste titre, pourquoi le Gouvernement ne s'est pas exprimé dès l'explosion de la fusée. Ce jour-là, nous venions de perdre un élément central de notre beau pays. Celui qui nous guidait à travers tous les combats, les défis et les enjeux. Voulant prendre part à cette expédition risquée, voulant donner l'exemple, notre honorable Président, Gary Adamson, fait également partie des victimes de ce terrible accident. Je ...».
Ce salopard avait tenté de sauver sa peau en se réservant une place dans la fusée. Il aurait été sauvé, et la majorité de l'Humanité allait crever ici-bas. Mais il est mort carbonisé, et je ne peux m'empêcher de penser que ce n'est que justice. Gary Adamson est mort. Le Président est mort. Le Gouvernement est mort.
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2095
Ciencia Ficción2095 sur Terre. Ou du moins ce qu'il en reste. Le changement climatique et ses conséquences ont placé la planète au bord du précipice, celle-ci prête à tomber vers un vide duquel elle ne sortira plus jamais. Selon les estimations scientifiq...