Chapitre 22 : Etre astronaute n'est pas toujours facile

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Ce papier me laisse perplexe. La salle du Trésor est une pièce extrêmement surveillé du Gouvernement, où sont entreposés les richesses du pays : celles historiques, et celles actuelles issues des nombreux impôts que les citoyens payent. Personne ne peut y entrer, à part Gary Adamson -maintenant qu'il est mort, ce soit être Zacharias Palo qui a hérité de ce privilège- et les quelques personnes qui sont directement autorisées par des conseillers spéciaux. Les rouages des mon cerveau tourne à plein régime afin de trouver un moyen d'y entrer, mais force est de constater que la tâche s'avère bien plus ardue que prévue. Les premiers rayons d'un soleil matinale glacial se répercute contre mes lèvres gercées et mes yeux fatigués de cette nuit torturée. 

Mes jambes s'actionnent pour me porter jusque dans les dortoirs avant que les garçons ou les instructeurs - en particulier Ashton- ne remarquent mon absence. Le bruit d'une pluie forte qui s'abat sur les murs en tôle du dortoir me relaxe et me berce pendant que je m'habille d'une tenue de sport.  Aujourd'hui, nous testons pour la première fois le mythique entraînement de la centrifugeuse. Les garçons finissent par se réveiller et se préparer dans un vacarme indescriptible à tel point qu'il pourrait réveiller Solaris tout entier. Ils sont en retard, comme d'habitude, et s'étonnent que ce ne soit pas mon cas. Nous partons dans la bonne humeur et suivons Lazerkoff, accompagnés de tous les recrues. Nous arrivons dans une immense salle noire dont le plafond est entièrement vitré, donnant vue sur un ciel gris et pluvieux. Mais le plus impressionnant reste la centrifugeuse placée en milieu, celle-ci étant équipée d'un bras mécanique d'au moins 20m de longueur. 

Impressionnée, je finis par sentir un regard posé sur moi qui me dérange. Je rencontre les yeux qui me fixent et comprends qu'il s'agit de ceux d'Ashton. La colère reprends possession alors que je tourne la tête vivement pour expliquant les explications d'un homme aux cheveux grisonnant, la bedaine mise en valeur par une combinaison bleue, concernant l'exercice d'aujourd'hui. Pendant qu'il parle, je me rends compte que je me suis peut-être emportée trop rapidement à son encontre. Certes, je n'aime pas recevoir des ordres et certes je gère mal mes émotions, mais ma réaction a largement été exacerbée par la fatigue, le stress, la contrariété induite par la formation. Alors que les recrues se mettent en rang pour entrer dans la machine, je prends la décision d'aller voir Ashton une fois que j'en serais sortie afin de lui présenter mes excuses. 

Je tourne la tête pour voir que mon partenaire sera Broggs. Je suis heureuse d'attendre avec lui, car sa joie de vivre constante, son optimisme presque nais et sa confiance à toute épreuve sont communicantes. Voyant que mes yeux sont posés sur lui, Broggs me fait un grand sourire et je réponds de la même façon. Les tours s'enchainent et vomir semble être la conséquence inévitable de ce manège de cauchemar. C'est enfin à moi. Je rentre et m'assois sur une banquette en métal froid. C'est Ashton qui m'attache vigoureusement en me plaquant contre le dossier de la capsule. Y voyant l'opportunité d'arranger nos relations, poussée par l'angoisse qui prend possession de moi, j'attrape sa main alors qu'il allait sortir, et la presse légèrement, comme pour lui dire que je suis désolée. Il me regarde intriguée, et je prends conscience que ce geste peut porté à confusion. Je baisse les yeux, honteuse, mais il attrape mon menton délicatement, le redresse et me fait un clin d'œil joueur accompagné d'un rictus moqueur, qui m'arrache automatiquement un petit sourire. Après ce court instant, il sort de la cabine, me laissant seule. 

Je replace correctement mes cheveux et prends une grande respiration. Le bras mécanique commence à tourner tout doucement et la boule dans mon estomac s'agrandit. La vitesse accélère rapidement. Au début, tout va bien : c'est inconfortable mais supportable. Puis celui qui pilote la centrifugeuse hurle "4G". C'est à ce stade que tout devient vraiment dur. Lorsqu'on me demande si tout va bien, je peine à parler. Je sens mon corps s'écraser contre la paroi et j'ai la sensation que mon cœur remonte pour battre fortement dans ma gorge. Puis le moniteur crie à nouveau pour annoncer "5G". Je sens que je tourne de l'œil, je ne parviens plus à bouger ni à parler. Ma seule pensée est "Faite que tout d'arrête rapidement". Mais je tiens bon et enfin je sens la vitesse du bras ralentir progressivement. C'est littéralement le pire exercice que nous avons fait depuis le début de l'arrivée à la base. Enfin, la capsule se stoppe et je prends quelques longues minutes à reprendre mes esprits. Une instructive vient me décrocher et m'attrape brusquement par les épaules pour me sortir de là. Son manque de délicatesse m'irrite mais la fatigue m'empêche de lui dire ce que je pense. J'arrive sur la terre ferme. Je suis déçue de voir qu'Ashton n'a pas pris la peine d'arrêter sa conversation -qui a l'air si passionnante- avec la fille à côté de lui pour venir me chercher. Non en fait, je m'en fous.

Pas le temps de réfléchir plus, je pars en courant vers la poubelle pour vomir tout le contenu de mon estomac. Après ça, tout va mieux. Je suis contente de moi. Certaines recrues viennent me voir pour me féliciter, parce que selon eux, je suis bien débrouillée. Je souris faiblement, encore un peu sonnée. Milton, Isaac, Broggs et Ethan viennent me voir en courant et me félicitent. De ce que je comprends, je suis l'une des seule à avoir réussie à tenir plusieurs minutes en 5G -même si pour partir sur Mars, nous devrons être capable de supporter jusqu'à 9G. 

Les pieds écartés, les mains sur les genoux et la tête tournées vers le bas, je reprends mon souffre. Voyant une ombre sur le sol, je me redresse doucement pour découvrir Lazerkoff, toujours habillé et tiré à quatre épingles, avec son chignon stricte dont pas une seule mèche ne dépasse. Elle me demande de m'aller à l'infirmerie avec les autre recrues déjà passées, mais je lui réponds que je sens bien et que je peux rester dans la salle. Elle hoche la tête et ce qu'elle porte autour de son cou fait tilt chez moi : une carte blanche reliée à un collier, sur lequel est inscrit "conseiller spéciale".    

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