Chapitre 21 : Melancholia

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Le soleil levant m'éblouit. Plus précisément, il me crame la rétine. Je papillonne des yeux et mon regard s'ouvre sur une colline verdoyante. Toute la lumière environnante semble se diriger vers ce petit coin de paradis pour l'éclairer. Sans prendre garde à ceux qui m'entourent, mes jambes s'actionnent pour m'approcher. Végétation luxuriante, les couleurs des fleurs flamboient presque tant elles sont vives. J'en saisis une dans ma main. A la fois rouge sang, elle est tachetée de petits cœurs jaune vibrants semblable à des soleils irradient. Cette pigmentation exotique contraste avec la blancheur de mes doigts, congelés par la fraîcheur de cette matinée.

 Continuant ma marche, je continue à avancer, parcourant les champs de fleurs. Un coup de vent dans mon dos me fait me retourner immédiatement, mais je ne trouve pas la cause de ce mouvement d'air. Je ne me pose pas de questions. Je poursuis ma route, mes pieds nus posés sur l'herbe humide. A ma gauche se dresse un cabanon vétuste, dont le bois vieilli reflète des teintes vertes. J'entre à l'intérieur. Posé au milieu se trouve un cadre, abritant une photo et je reconnais immédiatement la personne représentée dessus. Des cheveux bruns ondulés courts, un collier ras de cou noir : il s'agit bien là de Oléïla, une amie de Snake's Canyon, que je n'ai pas vu depuis des mois. C'est une des rare photos d'elle que je vois sans Cassiopée, sa fille, dans ses bras. Celle-ci n'est même pas sur l'image. Je prends le cadre dans mes mains tout doucement, mais je fronce les sourcils lorsque je me rends compte que le verre de celui-ci se fissure devant mes yeux. Surprise, je le lâche tandis qu'il se brise en rencontrant le sol. Je sors rapidement de cette pièce qui me semble tout à coup étouffante, pour retrouver la nature apaisante. Mais ce que je trouve en sortant est bien loin d'être ce que je pensais retrouver. Un ciel gris, les fleurs mortes et le vent souffle, l'atmosphère m'angoisse désormais. Poussée par un instinct incontrôlable, mon objectif est d'atteindre le pic du sommet et de voir ce qui s'y cache.

J'entends un cri de douleur au loin, qui se confond avec le tonnerre qui s'est mis à gronder. Je cours vers la source de celui-ci pour y découvrir un corps étalé lourdement sur le sol. Laissé sur le dos, ses os décrivant une position indescriptible, son visage n'est pas discernable. Je le retourne et crie d'effroi lorsque son identité se révèle à moi. Un trou béant au milieu de sa poitrine laisse du sang s'échapper en abondance, ses os sont brisés et les hématomes sont bleu fluo. Ses yeux sont vitreux, miroir de la vie qui s'est enfui de son corps. Il regarde fixement un point au loin. Lorsqu'un puissant coup de tonnerre éclate, le corps sans âme se redresse à l'instar d'un homme qui aurait reçu un électrochoc, et hurle « TA FAUTE ! » puis claque contre le sol pour se rendormir à jamais. Je me remets à courir, fuyant cette vision d'horreur : Kyle, tué sauvagement il y bien un an et demi lors des insurrections après l'explosion de l'Elite.

Je regarde la pointe de la hauteur, alors que l'orage gronde. Le souffle court, mon esprit repasse en boucle les images terrifiantes que je viens de voir. Ma faute. Ma faute. Ma faute. Devant moi, mes parents apparaissent. Mon père d'un côté, entouré des soldats qui l'ont exécuté alors que je n'avais que 10 ans, ma mère de l'autre, sa bouche remplie du sang qu'elle crachait lorsqu'elle était encore parmi nous, son corps victime d'une maladie incurable. Les deux me fixent, puis mon père s'effondre lorsqu'une balle lui éclate le crâne et ma mère s'étouffe de son propre sang. Morts. Morts. Morts. Encore. Eux aussi. Tous. Morts.

J'avance, je cours, je pleure. Des voix hurlent autour de moi. A moins qu'elles ne soient dans ma tête ? Elles se mêlent aux tonnerres.

TA FAUTE. TA FAUTE. TA FAUTE.

MORTS. TOUS. MORTS. TOUS. SEULE. SEULE.

COUPABLE

COUPABLE

COUPABLE

Sofia devant moi. Robe blanche. Ensanglantée. Brûlée.

« Tu as pris ma place. Tu aurais dû mourir. Pas moi. Ta faute. Coupable. »

Elle s'approche, elle s'approche ! ELLE S'APPROCHE ! SAUVEZ-MOI !

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Mon souffle ne ralentit pas. Plongée dans le noir, les cheveux collés sur mon front par la sueur, j'essaie de me remettre du cauchemar que je viens de faire, en vain. Je peux plus. Je peux plus. J'ai tout perdu. Je les ai tous perdus. J'aurais dû mourir avec eux. Tout serait plus simple. Incapable de me calmer, je mets ma couverture sur les mes épaules puis me dirige vers la porte. J'attrape en passant l'arme de fortune que j'ai fabriquée pour me défendre après mon agression. Celle-ci est modestement composé d'un morceau de plastique que j'ai aiguisé grâce aux couteaux de la salle d'entrainements. Ces derniers sont ultra-surveillés par les instructeurs : il est donc impossible d'en voler un, d'où la fabrication de cet ustensile. Je m'engouffre une nouvelle fois dans ce dédale de couloir sombre. Je m'enfonce par la même occasion dans mes pensées les plus sombres, desquels je ne parviens à m'extirper, me noyant dedans. J'ai tout perdu. Tous ceux que j'ai chéri et aimé, sont morts. Eux méritaient bien plus que moi de survivre.

Chacun d'eux étaient un petit soleil. Elles étaient le genre de personne, qui, d'un sourire, éclairait le monde d'une lumière éclatante. Une lumière qui depuis des siècles, guidait les hommes. Ce genre de personne dont vous ne connaissez pas l'existence à la base, mais une fois que vous les rencontrez, jamais vous ne pouvez vous en séparer. S'ils disparaissent, vous disparaissez avec eux. Vous vous éteignez en même temps qu'eux.

Le froid me mord lorsque je rencontre l'extérieur. Le ciel est noir, sans étoile. Au loin, je discerne la fusée en pleine construction. On nous a annoncé cette après-midi qu'elle serait prête dans quelques semaines, puis qu'elle serait testée les jours d'après. C'est la seule lumière de la nuit : les machines qui s'activent nuit et jour sur ce bijou technologique.

Un bruit me sort de ma contemplation. Un corps apparaît sur le côté. Vêtu entièrement de noir, le visage camouflé, ses traits sont indiscernables. Je ne parviens même pas à dire si c'est un homme ou une femme. Je penche tout de même pour un homme. Sans son, l'inconnu pose un papier semblable aux indices que j'ai reçu depuis que je suis à la base. Il s'en va comme un ninja, et je suis tellement surprise que je mets quelques secondes à réagir. J'attrape ce papier et court vers la direction que le mystérieux personnage a prise. Mais déjà il est trop loin, déjà il s'est envolé. Je déplie le billet pour le lire, et ce que je vois me laisse perplexe :

SALLE DES TRESORS 

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