Chapitre 27 : comme des gamins

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« -Je m'occupe de Lazerkoff.

-Qu'est que tu veux dire ?

-Je m'occupe d'avoir le badge. »

Une immense gratitude m'envahit à tel point que je ne sais quoi lui répondre. Je me contente de le regarder fixement, reconnaissante.

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Je recule d'au moins quelques mètres. Milton vient de m'envoyer un middle kick parfait. Je me replace correctement et lui envoie en réponse un crochet du droit qui touche sa cible. Il lance un uppercut, que j'évite avec maladresse et j'en profite pour lui mettre à mon tour un low kick, qui le fait tomber à genou. On se sourit mutuellement, heureux comme deux gamins qui jouent à la bagarre. Sauf que nous, nous ne jouons pas. Je lui tends ma main, qu'il saisit, et l'aide à se relever. Nous nous remettons en position mais sommes interrompus par un bruit strident. Milton et moi nous retournons et voyons que c'est un des instructeurs qui nous demande de nous rassembler. Il nous donne quelques consignes relatives à la journée de demain et nous congédie.

Ramassant mes affaires, je suis Milton dans les couloirs afin de nous rendre au dortoir. Sur le chemin, nous croisons Niklas Buhl, un danois complètement abruti et égocentrique qui ne peut s'empêcher de donner son avis sur tout, quand bien on ne lui a rien demandé. Cependant, il reste plutôt apprécié parmi les recrues : sa gueule d'ange doit y faire pour beaucoup. Je discerne en passant à côté de lui son sourire en coin et me prépare en conséquence à une confrontation. Il ose poser son bras sur mes épaules. Rectification : je me prépare à envoyer un coup de poing magistral en plein dans son joli minois. Alors que je m'apprête à agir, il me coupe dans mon action :

« -Zaraaaaa, Milton, comment vont les meilleurs élèves de la promo ? » s'exclame Niklas sur un ton mi-moqueur mi-dédaigneux.

« -Tu veux quoi ? » je lui demande directement, ne souhaitant pas prolonger ma conservation.

« -Mais rien de méchant mes amis ! Je me demandais juste, comment vous pouvez être aussi haut dans le classement des recrues, et être aussi nuls dans les épreuves ? Peut-être que tu pourras me répondre, Zara ? L'instructeur, Ashton, c'est ton pote, et plus si affinité ? C'est pour ça que t'es dans le top, avoue ! » il dit, et je boue. Je m'apprête à le trucider. Rien à foutre qu'on soit devant tout le monde. Rien à foutre des psychologues qui disent que je suis instable et que c'est dangereux. Je suis putain d'instable et je les emmerde.

Mais avant que j'intervienne, Milton me devance. Il attrape Niklas par le col et le plaque contre le mur derrière lui. Broggs, que je n'avais pas vu arriver, se place juste au côté de Milton. La vache, on a tous un problème avec la violence dans mon groupe. C'est pas moi qui peux leur en tenir rigueur.

« Ecoute, mec, je sais pas quel est ton problème. Je crois que t'es juste complétement con. Mais tu sais quoi ? Je m'en fou. Ce que je sais moi, c'est que si tu manques une nouvelle fois de respect à quelqu'un de mon groupe, à mes amis, je t'éclate ta jolie petite tronche, formation ou pas. Que ce soit Zara, Broggs, ou Eliott, ils valent tous largement mieux que toi. ». Milton s'écarte et laisse apparaître le visage haineux de Niklas. Malgré la honte qu'il vient de subir, celui-ci ne se démord pas et répond :

« -Isaac ? C'est qui lui ? Tu veux dire celui qui a fui comme un lâche ? «

Et là, Broggs se retourne et lui envoie immédiatement un mythique coup de poing en pleine face. Magnifique. Ses yeux sont noirs de colère. Mais j'ai fini par apprendre à le connaître, et je perçois dans son regard une pointe de tristesse émanante à l'idée que son frère de cœur l'ait trahi. Broggs répond néanmoins calmement :

« T'es pathétique. Ne reparle jamais de cette façon d'Isaac. Et ne sous-entend plus jamais que Zara couche avec un mec pour être mieux classé que toi. Tout le monde est mieux classé que toi, pas besoin de coucher avec un mec pour ça ».

Des petits rires fusent dans le couloir de la part de ceux qui étaient restés pour observer le spectacle. Moi-même, un sourire insolent s'intalle sur mes lèvres à l'idée de voir que nous avons réussi à devenir un groupe soudé. Milton a toujours été le pilier de sa famille, alors ici il nous protège comme jadis il protégeait sa mère et sa petite sœur. Sa réaction plutôt virulente ne me surprend pas vraiment. Celle de Broggs non plus, au final. Je sais qu'il est impulsif même si je ne pas d'où il tient ce trait de caractère.

« Allez, mes petits bagarreurs préférés. On va chercher Eliott et je vous emmène manger à l'extérieur pour fêter la raclée que vous venez de mettre à cet idiot. » je dis avec un grand sourire.

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C'est ains que nous nous retrouverons à Clifton, la banlieue la plus proche de Solaris. Assis sur les canapés en cuir rouge d'un fast food typique américain pour notre soirée libre de la semaine, nous sommes en train de dévaliser la carte du menu. Nos commandes arrivent et elles recouvrent entièrement la table. Nous rigolons à cette vue. On doit avoir l'air d'autant plus ridicule qu'on s'est habillé de la même façon, sans faire exprès : un gros sweat et jogging noir. La seule différence, c'est le chignon défait que je porte sur le haut de mon crâne. Je coince la paille de mon milkshake à la vanille entre mes lèvres et écoute Milton raconter qu'il a couché avec Victoria cette semaine... Fantastique.

« - Alooors elle est comment du coup ? Parce que c'est vrai qu'elle est sacrément bonne, mais sacrément conne aussi ! » s'exclame Broggs tout en prenant une bouchée de son cheeseburger. Tiens, ses propos me rappellent quelque chose ...

« -Bah en fait, c'était bizarre. Au début, elle a ...

-Non, stop. STOP. Je veux pas en entendre plus. Trop d'images répugnantes dans mon cerveau, là » je dis en faisant mine de vomir, sous le rire des garçons.

« -Mon petit chat, tu veux qu'on t'explique comment on fait des bébés ? » s'exclame Milton tout en me pinçant les joues. Je grogne de mécontentement et l'envoie un petit coup dans le ventre.

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Nous nous engouffrons dans la nuit en sortant du fast food et nous chamaillons comme des gamins. Mon milkshake encore à la main, je saute sur le dos de Broggs et il se met à courir avec moi sur lui. Je rigole et manque de lui renverser le contenu de ma boisson dessus. Milton attrape Eliott par le cou et lui passe sa main énergiquement dans ses cheveux. Nous finissons par arriver dans un parc et nous installons par terre. La pleine lune nous éclaire pendant qu'Eliott finit sa glace et que je sirote la fin de mon milkshake. Les garçons se mettent à parler de leur vie d'avant.

« Les banlieues me manquent. » explique Eliott. Nous sommes surpris de le voir manifester ses sentiments. Eliott est un éternel introverti.

« Moi, pas du tout. Je veux dire, Kenza, ma petite sœur, et ma mère me manquent. Là où j'habitais, à Pasco, c'était dur. Il fallait toujours se méfier dans les rues. J'avais pas particulièrement peur parce que je sais me défendre, mais c'est pas la même chose pour ma famille. » réplique Milton. Broggs poursuit :

« J'ai grandi à Monroe. C'était pas simple non plus. J'ai pas connu mes parents. Je sais pas s'ils m'ont abandonné ou s'ils sont morts. J'ai été dans une sorte de foyer. C'est là que j'ai rencontré Isaac ». Il sourit tristement. « On a détesté nos années là-bas. Alors quand on a eu 12 ans, on s'est barré. On a rejoint une sorte de gang de rue et on s'est débrouillé jusqu'à ce qu'on vienne nous chercher pour cette opération Araignée. ». J'avais entendu parler de Monroe comme de l'enfer sur terre, entre gangs, drogue et meurtres, donc les propos de Broggs ne m'étonnent pas vraiment.

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