De retour à la base, les mots de la jeune résistante tournent dans ma tête. Je ne sais pas si je dois la croire. Marchant seule dans le couloir à travers la noirceur de la nuit, je me sens observée encore une fois. Je me retourne précipitamment, et au même moment un bras attrape mon poignet. Par réflexe, certainement grâce à la préparation physique, je dégage mon poignet violemment de mon autre main puis en profite pour faire une clé de bras à mon adversaire. Je serre du plus fort que je peux tout en le plaquant sur le mur près de moi. Sous mes doigts, je sens glisser la froideur du cuir, et en déduit qu'il porte une veste faite de cette matière. Mais l'homme profite de mon inattention pour retourner la situation.
Il m'attrape et m'emmène dans un débarras éclairé d'une lumière artificielle grésillant. Mon agresseur n'est autre que Ashton, les traits tirés, me regardant avec une certaine colère dans son regard. Pour la première fois depuis mon arrivée à Solaris, je me rends compte à quel point il est beau. De sa grande taille, il me scrute avec ses yeux noirs, profonds et sombres. Sa mâchoire carré contraste avec la finesse de ses autres traits, dont l'ensemble est souligné par une chevelure brune désordonnée. Oui, il est même très beau.
Je me sens d'un coup intimidé face au jeune homme qui se tient devant moi. Non pas en raison de son apparence, mais surtout parce qu'il vient de me surprendre à déambuler dans le couloir pendant les heures de couvre-feu. Son regard fixe me fait comprendre qu'il attend des explications et je sais que je vais peiner à les lui donner.
« Je suis vraiment stressée en ce moment avec la préparation. Je n'arrivais pas à dormir alors je suis sortie près du couloir de la chambre pour m'aérer l'esprit » dis-je. Je fais exprès de prendre une voix aigüe en parlant, tout en gigotant dans tous les sens. J'essaie de me la jouer stupide, genre cruche décérébrée, pour ne pas qu'il se doute quelque chose.
Il hausse un sourcil et ancre son regard dans le mien. Je ne dis mot, hypnotisée par la profondeur qui s'en dégage. Sentant qu'il n'est pas convaincu, j'enchaîne :
« C'est vraiment relaxant de marcher en pleine nuit, n'est-ce pas ? Je suis sûre que ça a dû t'arriver. ». Il continue à ne piper aucun mot. Une sensation de malaise s'insinue en moi, alors que je reprends : « Bon, je suis fatiguée ! Le couloir est long tout de même. Je retourne me coucher. ». Je pousse un soupir de soulagement dans ma tête et avance vers la porte.
« Arrête-toi. » tonne une voix grave dans la pièce.
Surprise et en même temps effrayée, je me retourne lentement.
« Tu mens. »
Cette courte phrase me coupe le souffle et je sens la panique couler dans mes veines.
« Ce soir, tu es sortie. Je t'ai vu passer par le grillage.
- Certes. Je sais que ce n'est pas autorisé, mais j'étouffe ici et les rues de Solaris sont magnifiques.
- Effectivement, elles le sont, mais tu sembles préférer la banlieue de Greycott ».
Mes yeux sortent de leurs orbites. La panique devient angoisse quand je me rends compte des conséquences qu'il y aurait si Ashton me dénonçait. Le regard suppliant, je tente de formuler une réponse crédible.
« Je ne dirai rien » reprend-t-il face à mon mutisme et mon corps se détend immédiatement « à une condition. Répond à ma question : est-ce la première fois que tu sors sans autorisation ? »
Il attend que je lui dise la vérité. Mais la vérité est que j'ai plusieurs fois enfreint consciemment le strict règlement. Néanmoins, cette question ne me paraît pas innocente : j'ai la sensation qu'il en connait déjà la réponse et veut savoir si je vais continuer à lui mentir.
« Oui je suis déjà sortie de Solaris.
- Combien de fois ?
- Deux fois. Pas plus.
- Pourquoi ?
- J'aime Solaris. C'est une belle ville, mais je ne m'y sens pas à ma place. Les banlieues dans lesquels j'ai grandi me manquent ».
Je joue la carte de l'honnêteté à 100%. Ma sincérité semble lui convenir, puisqu'il hoche la tête.
« - Je comprends ce que tu veux dire. Ils sont tous fous ici.
-Carrément » dis-je dans un rire.
Après un échange de quelques minutes, la promesse que je ne recommencerai plus et un retour au dortoir discret, je suis de nouveau plongée dans mon lit. Je suis trop fatiguée pour réfléchir et m'enfonce dans un sommeil lourd en peu de temps.
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L'alarme sonne à 6h comme chaque matin depuis maintenant presque un mois. Isaac et Broggs grognent, comme chaque matin depuis un mois. Eliott se prépare rapidement dans le silence, comme chaque matin depuis un mois. Et Milton ne se réveille pas, comme chaque matin depuis un mois.
Une nouvelle journée de cours théoriques s'ouvre. Cette fois-ci, ce n'est pas Wade qui est notre enseignant, mais une vieille dame rondelette à la voix suraiguë, hurlant comme une sirène stridente au moindre chuchotement.
Mais l'après-midi s'avère bien plus excitant. Nous passons à des tests pratiques. L'objectif est de nous rendre compte de l'effet de l'apesanteur sur nos corps. Pour l'instant, le seul environnement qui présente les mêmes conditions que l'espace, c'est les eaux profondes. On flotte dans l'eau tout comme on flotte dans l'espace. Et c'est pour cette raison que je me retrouve habillée d'une combinaison de plongée, de lunettes, d'un tuba, en train de gigoter dans tous les sens afin de revêtir mes palmes. Puisque c'est la première fois que je m'adonne à cette activité -comme toutes les recrues-, je suis assignée à un instructeur chargé de m'expliquer les bases.
Concentrée sur les vagues qui déferlent à l'horizon, le corps appuyé contre la coque d'un bateau pneumatique, l'air marin me rend pensive. J'entends les garçons de mon équipe rire et converser entre eux dans mon dos. L'embarcation s'arrête en pleine mer, sans que l'on puisse discerner les côtes à l'horizon. Me retournant pour entendre les indications qui vont suivre, un homme en combinaison s'approche de moi. Il doit être mon instructeur. Plus il avance, plus je discerne sa silhouette. C'est Ashton.
Je suis rassurée de savoir que c'est lui qui veille sur moi. Je le connais peu, mais une force invisible me pousse à avoir confiance en lui. Je me lève pour me diriger vers lui, les lunettes de plongée relevée sur le haut de ma tête. Je dois avoir l'air belle, dis donc.
« -Prête, Mlle Roseburry ?
-Plus prête que jamais, Ashton. »
En lui répondant, je me rends compte que je ne connais même pas son nom de famille. Je m'apprête à lui demander, mais suis coupée par l'instructeur en chef qui déclare que c'est le moment d'y aller. Quelques personnes passent, puis c'est à moi de faire le grand saut. Je m'assois sur le rebord du bateau, le dos à la mer. Ashton s'installe à côté moi. Il prend ma main, pour être sure qu'on ne soit pas séparé une fois dans l'eau. Un dernier regard vers lui, une grande respiration, et une force me pousse vers l'arrière.
Nous tombons dans les profondeurs de l'océan, ensemble, dans une eau pourtant éclairée par le soleil tapant d'un milieu l'après-midi.
C'est calme. Si silencieux, si paisible. Ma tête remue dans tous les sens, pour contempler l'endroit. On nous avait prévenu que les fonds marins étaient détruits et les océans pauvres en êtres vivants. C'est bien le cas, mais la beauté de l'endroit reste saisissante. Un mouvement de bras de Ashton me sort de mes rêveries. Il me fait signe de battre des jambes pour avancer. Je me sens lourde, et surtout lente. Malgré mes mouvements rapides, je peine à me déplacer. Ashton nage bien plus rapidement que moi, semblant être dans son élément. Il prend un virage à droite et je tente de le suivre en vain. Mon corps semble refuser de suivre ma volonté, l'eau nous entourant me contraignant dans mes déplacements. Il revient alors vers moi, me prend la main et me tire vers lui. A travers les lunettes de plongées, mes yeux s'encrent dans les siens.
La clarté de l'eau, les quelques poissons rares nageant autour de nous, le calme et la beauté de l'endroit ainsi que son regard noir et profond dans le mien : mon cerveau mon cœur me crie que je n'ai jamais été aussi apaisée de ma vie.
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2095
Khoa học viễn tưởng2095 sur Terre. Ou du moins ce qu'il en reste. Le changement climatique et ses conséquences ont placé la planète au bord du précipice, celle-ci prête à tomber vers un vide duquel elle ne sortira plus jamais. Selon les estimations scientifiq...