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Chapitre 26 : Une question de confiance

Nous sortons par une grande porte vitrée, la porte d'accès à la base. Nous marchons dans les rues de Solaris, mon poignet toujours emprisonné dans sa main. Je ne dis rien, tout comme lui, mais savoure les rayons du soleil qui s'écrasent sur mon visage. Enfin, nous arrivons devant une sorte de hangar industriel. La façade délabrée suggère que l'endroit n'est plus habité, mais lorsque nous pénétrons à l'intérieur, je découvre avec surprise un appartement propre et joliment décoré. Je cherche le regard d'Ashton, lui demandant silencieusement où nous sommes. Il ne répond pas et quitte la pièce. J'observe le grand salon, qui s'ouvre sur une cuisine aménagée et spacieuse. Deux canapés en cuir rouge trônent au milieu de la pièce, juste devant une imposante télévision. Alors que je contemple l'endroit, Ashton revient avec une bouteille d'eau et deux verres, ainsi qu'une petite radio, dans les mains. Je comprends alors qu'il m'a amené chez lui, mais lui demande pour en être sûr. Il confirme et nous sert deux verres d'eau, puis allume la radio. Enfin, il s'exprime :

« -Maintenant, tu vas m'expliquer en détail tout ce qui s'est passé depuis ton arrivée. »

Devrais-je lui faire confiance ? Il fait parti des instructeurs, après tout, et pourrait très bien être de mèche avec eux et avec le Gouvernement, plus généralement. Cependant, je sais que je dois me faire des alliés ici. Ashton est influent dans la formation et pourrait se révéler être d'une aide précieuse. Mon regard se perd sur la radio qui diffuse une vieille musique de rock. La voix métallique couvre les bruits et me fait penser à la première discussion que j'avais eu avec les garçons. J'avais ouvert le robinet du lavabo de la salle de bain, afin que notre conversation soit couverte au cas où des micros avaient été disposés dans notre dortoir. Se pourrait-il qu'Ashton fasse la même chose ici ? Dans ce cas-là, cela signifierait qu'il est digne de confiance... Me voyant certainement regarder la radio, il ajoute : « Pour que notre conversation privée reste privée ». Cette dernière phrase élimine mes doutes. Quand bien même Ashton est avec eux, je n'ai pas le choix : si je veux avancer dans mes recherches, je dois tout lui raconter car il connaît bien mieux Solaris que moi.

« - Je n'ai pas été à Greycott uniquement parce que les banlieues me manquaient. C'est aussi et surtout car on m'a demandé de faire des recherches sur Laurel Keenwale. Tu te souviens, le soir de la fête ? ». Il hoche la tête. « J'ai vu une femme se faire ... assassiner. Cette femme, c'était Keenwale. Le réseau de Résistance de Greycott m'a aidé à le découvrir. » Ok, là, si Ashton est un espion, je suis morte. « Plus tard, un homme m'a attendu dans la chambre de mon dortoir. Je ne sais pas ce qu'il voulait, mais j'ai réussi à m'échapper. Depuis, Isaac a disparu. Aucune nouvelle de lui. C'est comme s'il avait disparu, tout comme Laurel Keenwale a disparu. ».

Ashton me fixe quelques secondes. Il doit me prendre pour une folle. Après ces instants qui me paraissent durer des heures, il ajoute :

« Qui est celui qui t'a demandé de faire des recherches sur Keenwale ? »

Je saisis mon verre d'eau, le fais tourner dans mes doigts puis en bois une gorgée.

« -Je ne sais pas. Ce que je sais, en revanche, c'est qu'il m'a donné plusieurs indications, plusieurs missions à remplir. A chaque fois, elles m'amenaient à des réponses ou à de nouvelles questions. Laurel Keenwale, Gary Adamson, ... et maintenant, je dois entrer dans la salle des Trésors.

-La salle des Trésors ? Mais seuls les membres haut placés et autorisés par un badge spécial peuvent y entrer.

-Je sais. Mais Lazerkoff en a un. »

Il se tait à nouveau, prend son verre et le boit d'une traite.

« -J'ai toujours su qu'il y avait quelque chose de pas nette ici. Donc j'ai fait des recherches de mon côté. En gros, Zacharias Palo est un pourri, un corrompu, qui a déjà reçu des tonnes de pots de vin pour rendre des services à des gens influents : des politiques, des hommes d'affaires ou carrément des criminels ...

-Concernant Greycott, j'y suis retournée après l'attaque chimique. L'une des membres de la Résistance m'a juré qu'ils n'étaient pas les auteurs de cette opération. Je la crois. Ils n'avaient aucun intérêt à faire ça. Leur base était secrète, leur réseau important. De plus, la plupart des membres de ce réseau vivait à Greycott, ainsi que leurs familles, alors pourquoi auraient-ils balancer une arme chimique ? Elle a désigné le Gouvernement comme responsable. Si Palo est vraiment un pourri, comme tu le dis, ne serait-ce pas possible ? Tâcher de sang la réputation de la Résistance, pour en diminuer leur popularité ?

-Je crois que c'est possible. ».

Un blanc s'installe. Je crois que nous sommes tous les deux perdus dans nos pensées. Souhaitant poursuivre notre conversation, j'enchaîne :

« -Tu as toujours vécu à Solaris ?

-Non, à l'origine je viens des banlieues, de Clifton plus précisément. Quand ma mère est morte, j'ai essayé de m'en sortir tout seul. J'avais pas le choix de toute façon. J'ai trouvé un travail pourri à Solaris. Puis un jour, Lazerkoff m'a trouvé. Je sais pas pourquoi mais elle m'a proposé de travailler comme agent de sécurité. C'était il y a 3 ans. Et il y a un an, j'ai été réaffecté en tant qu'instructeur de la formation.

-Je suis désolée pour ta mère. Donc ça veut dire que tu as connu la première sélection de recrue ? Peut-être que tu as connu ma sœur, alors ? Elle s'appelle – s'appelait – Sofia.

- J'étais pas encore instructeur principal. C'est après le crash que je le suis devenu, car mon supérieur est mort dans la fusée avec les premières recrues. Je les ai jamais vraiment côtoyé. J'ai parlé à ta sœur quelques fois, par rapport à des techniques de combat. Elle était cool.

- Cool ? C'est bien la première fois qu'on dit ça au sujet de ma sœur. » . C'est vrai quoi, souvent on disait qu'elle était intelligente, gentille ou belle, mais jamais juste « cool ».

« -Si tu veux que je sois tout à fait honnête, elle était un peu trop miss parfaite pour moi. Mais elle était gentille quand même, et motivée. Elle m'avait parlé de toi, tu sais ?

-Ah bon ? Qu'avait-elle dit ?

- Elle m'a parlé de sa géniale petite sœur, tête brûlée, inconsciente mais intelligente. Zara. Qui ne se laisse pas faire, protectrice envers ces proches et attachée à ce en quoi elle croit. La description était plutôt correcte, maintenant que je te connais ».

Ces paroles m'émeuvent plus qu'elles ne le devraient. Jamais nous ne parlions de nos sentiments avec Sofia. Cette touchante description me fait me rendre compte encore plus durement qu'elle me manque énormément. Je lâche un petit sourire mi-figue mi-raisin face à cette révélation. Il approche, me prend dans ses bras et mon cœur s'apaise immédiatement, du moins il saigne moins fort. 

« Et ton père, Ashton ? » je lui demande, ne sachant pas s'il va me répondre. Me serrant toujours contre lui, il réplique :

« Il nous a abandonné ma mère et moi, quand il a appris qu'elle était enceinte. Je l'ai retrouvé, étant adulte. Mais on s'en fout. C'est pas quelqu'un de bien. ».

Alors, lui comme moi, il n'a plus personne ? Voilà peut-être ce que nous sommes : deux âmes perdues se retrouvant, grâce à leurs cœurs qui découvrent le chemin menant l'un vers l'autre.