Chapitre 3 : Secret

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Salieri était en train de faire glisser sa plume sur le parchemin, rédigeant une nouvelle mélodie qu'il avait testée un peu plus tôt ce matin, inspirée par ses rêves et la nuit de repos qu'il s'était accordée. La porte de son bureau s'ouvrit alors, et il releva la tête. Qui donc s'invitait sans frapper ? Wolfgang Mozart. Oui, c'était peu surprenant. Le plus jeune lui offrit une courbette exagérée, et comme à chaque fois qu'il voyait les salutations du prodige musical, le maître de la chapelle se demanda s'il était sérieux ou si c'était une façon de parodier les usages de la cour.
- Que voulez vous, Mozart ? Demanda-t-il d'une voix ennuyée.
- Je souhaitais venir converser avec vous, maestro. Nous n'avons pas eu l'occasion de le faire depuis que je travaille au palais. Et vous n'êtes pas venu me souhaiter la bienvenue dans mon bureau...
Il s'était assis en face de son interlocuteur en parlant et avait prononcé la dernière phrase en affichant une moue déçue, ce qui fit rouler des yeux le plus âgé.
- J'avais du travail.
- Oui j'ai vu ça... Susurra l'autrichien d'un air mystérieux. Au point de devoir délaisser toutes ces femmes qui essaient de vous plaire...
Salieri plissa les yeux.
- De quoi parlez-vous ? Qu'avez-vous vu ?
- Oh, ne vous tracassez pas, maestro, vous n'y êtes pour rien. Dès que vous êtes dans les couloirs, elles se jettent sur vous. Mais j'ai pu assister à ces sournoises attaques à votre égard, et je n'ai pas pu m'empêcher de constater avec stupeur, que vous parvenez sans cesse à les repousser. Je suis très impressionné, moi à votre place, je n'y parviendrai pas....
- Et bien vous n'êtes pas moi, lâcha froidement le maître de la chapelle en reprenant sa plume pour écrire.
Le regardant faire, Wolfgang posa ses coudes sur le bureau, plaçant son visage dans ses mains, un air espiègle sur le visage.
- Après tout, dit-il avec légèreté, peut-être que la compagnie des femmes n'est pas ce qui vous intéresse ?
- En effet, je...
Antonio se figea alors, avant de lever son regard vers l'élément perturbateur qui lui souriait avec innocence.
- Mozart, qu'est-ce que vous insinuez ?
- Oh, mais rien, maestro, se défendit le jeune musicien dévoilant ses dents immaculées dans un grand sourire. Je mentionnais seulement, que, peut-être, vous préféreriez la compagnie d'un autre genre de personnes.
Salieri le fixa silencieusement. Son interlocuteur interpréterait sa réaction avec grand intérêt, il le savait. Il afficha donc un air impassible tout en réfléchissant à ce qu'il pourrait dire. Mais, impatient, l'autrichien se leva, contourna la grande table pour venir derrière le siège qu'il occupait, figé, et il laissa ses mains se poser sur ses épaules, avant de glisser lentement sur son torse tout en venant susurrer à son oreille.
- Sachez, monsieur, que si c'était le cas, je n'y verrais aucun problème... Je suis un expert en séduction, vous connaissez ma réputation... Et je n'ai pas toujours fréquenté des dames... Ça fait aussi partie des rumeurs à propos de mon côté, comment disent-ils déjà, aah, débauché... Mais je suppose, qu'avec votre froideur et la distance que vous placez entre vous et les autres, vous n'avez pas eu ce genre d'occasions. Je me ferais un véritable plaisir de vous faire découvrir tout un tas de pratiques que la société interdit, à mon grand regret...
Si le compositeur de la cour n'avait jamais éprouvé de difficulté à repousser les avances de ses prétendantes, il était actuellement incapable de réagir. Il avait pensé que c'était uniquement la musique de Mozart qui lui faisait ressentir ça, depuis qu'il avait assisté à ses répétitions, mais il comprenait maintenant, avec horreur, ce qu'il en était vraiment. Il ne voulait pas que le musicien retire ses mains de son corps, il avait la preuve qu'il n'y avait pas que ses compositions qui lui faisaient de l'effet. Wolfgang, le voyant en pleine introspection, approcha son visage du cou de son aîné et l'embrassa avec une infinie douceur, espérant voir une réaction. Aussitôt, et sans avoir souhaité cela, Antonio pencha la tête, lui offrant un accès plus grand, et le blond haussa les sourcils, surpris.
- Et bien... Souffla-t-il sans s'éloigner, faisant frissonner l'homme. Voilà qui confirme mes suppositions... Intéressant...
Ne souhaitant pas forcer les choses dès leur premier échange à ce sujet, il s'éloigna, prêt à sortir, mais d'un geste vif, Salieri lui saisit le poignet, les yeux brillants de crainte.
- Vous avez l'intention de le dire ? Je jure que je ne savais pas moi même !
Wolfgang lui offrit un grand sourire, prenant sa main dans la sienne.
- Maestro, si personne ne s'étonne d'un tel comportement de ma part au vu de ma réputation, j'ai bien conscience que cette information pourrait vous coûter cher, autant pour votre image que pour votre place à la cour. Soyez assuré qu'il n'est pas dans mon objectif de détruire ce que vous avez dans votre vie. Je ne dirais rien à personne, ne vous inquiétez pas. Et je vous crois, vous avez l'air bien trop surpris de votre propre réaction. Vous me plaisez, sincèrement. Depuis que j'ai vu votre trouble pendant que vous écoutiez ma musique, je ne rêve que de vous avoir, je vous désire, sincèrement et violemment. Je veux revoir cette expression de perdition sur votre visage. Mais ne pressons pas les choses, je ne veux ni vous forcer, ni vous faire regretter.
Il embrassa tendrement les doigts de son aîné, qui frémit, et le libéra, lui disant avant de quitter le bureau.
- Et puis, j'adore ce petit jeu de séduction basé sur vos tentatives de tout cacher et de mettre de la distance tandis que je vous cherche et vous agace. J'ai envie d'en profiter plus longtemps. Je vais donc simplement vous courtiser et vous titiller en toute discrétion. Et quand vous serez à bout, et consentant, je vous prendrai dans tous les coins de ce palais...
Devant des obscénités si précises, Antonio rougit subitement, ce qui fit rire son cadet qui disparut en fermant la porte.

Mozalieri - Un jeu inavouableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant