Chapitre 21 : La clef

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Salieri était parti au palais récupérer son courrier, laissant son invité dans sa grande demeure. Mais privé de son maestro, Mozart s'ennuyait. Laissé dans le salon à l'étage, pièce qui lui rappelait un souvenir très agréable, il ne cessait de se demander quoi faire. Un sourire étira ses lèvres en repensant à cette soirée magique qui s'était déroulée il y avait déjà quelques temps. Rien n'était plus beau que l'image nostalgique d'Antonio Salieri le chevauchant, l'expression criante de désir, et le corps ondulant sur lui. Wolfgang soupira, pourquoi était-il seul ? Condamné à ressasser un souvenir qui ne faisait que lui donner envie de recommencer encore et encore à entrer en contact avec cet homme si intense. Si son hôte avait été présent, il aurait pu le taquiner, le provoquer, jusqu'à revoir ses yeux briller d'un désir indécent et savoureux. Mais ses projets étaient irréalisables en l'absence du maître de la chapelle. Décidé à combler son ennui, il commença à regarder ce qu'il y avait dans le salon, prenant les objets de décoration sur les étagères pour les observer. Antonio aurait été agacé de le voir toucher à tout ainsi, maniaque comme il était. Tout était agencé avec une précision excessive, et lui déplaçait les choses avec impertinence. Mais cette activité le lassa rapidement, et il partit dans le couloir à la découverte du reste de la demeure. Il descendit les escaliers pour découvrir chaque pièce, une à une. Il n'avait jamais eu l'opportunité de visiter l'immense demeure du compositeur impérial, alors il en profitait. Il ne pouvait s'empêcher de fouiller dans ses affaires, cherchant à en apprendre plus sur l'élu de son cœur. Une fois le rez-de-chaussée découvert, il remonta pour poursuivre son périple. Mise à part la porte verrouillée, l'autrichien s'était baladé partout dans la maison, il avait exploré chaque espace avec une réelle curiosité. Il finit par aller dans le bureau de son hôte, s'installant sur le fauteuil avant de soupirer d'un air ennuyé.

- Mozart, pourquoi venez-vous encore me faire perdre mon temps, vous savez bien que je suis un homme occupé, mais si votre objectif est de me soulever sur ce bureau, veuillez fermer la porte avant.

Satisfait de son imitation, il éclata de rire avant de porter son attention sur les papiers posés sur le meuble, et soigneusement rangés. Y avait-il uniquement du travail dans tout cela, ou bien son maestro possédait aussi des courriers plus personnels ? Des lettres de sa famille, de ses nombreuses prétendantes de la cour de Vienne, ou simplement des écrits intimes qu'il n'aurait montré à personne. Imaginant tout et n'importe quoi, Mozart commença à regarder chaque papier, désireux d'en apprendre davantage sur la vie du bel italien qui demeurait bien secret, même maintenant qu'ils étaient proches. Il prenait soin de tout remettre en place à chaque manipulation, sachant que son activité déplairait fortement à son hôte. Mais il n'avait rien de promptement captivant, les lettres les plus personnelles du maître de la chapelle étaient celles qu'il entretenait avec ses anciens élèves, partis de Vienne, et qui lui écrivaient pour prendre de ses nouvelles. Il semblait avoir beaucoup marqué les jeunes gens à qui il avait enseigné la musique, et ça se voyait dans le contenu des missives, empreintes d'un grand respect et d'une sincère affection à son égard. Il ouvrit le dernier tiroir qu'il n'avait pas encore fouillé. Il contenait du papier encore vierge, rien qui ne pouvait assouvir la curiosité du blond, mais un éclat attira son regard au fond, et il souleva les feuilles, apercevant enfin ce qui était enfoui dessous. Une clé. Wolfgang la saisit doucement avant de la placer sous la fenêtre pour laisser la lumière l'éclairer. L'objet semblait banal, alors pourquoi était-il caché, loin des autres clés de la maison que le propriétaire des lieux gardait sur lui. Mozart écarquilla soudainement les yeux, une révélation naissant dans son esprit. Et si elle ouvrait la pièce toujours close ? La dernière pièce qu'il n'avait pas visitée. Il hésita un moment, Antonio n'apprécierait probablement pas. D'un autre côté, il lui avait déjà interdit de fouiller sa maison, et le plus jeune l'avait fait quand même. De plus, le musicien favori de l'empereur allait sûrement rentrer tard, il avait toujours tellement de travail quand il se présentait au palais, impossible qu'il ne fasse que relever son courrier. Prenant sa décision, l'autrichien se leva et courut dans le couloir vers la porte si intrigante. Son cœur battait vite, il leva la clé et la rentra dans la serrure, se demandant s'il avait vu juste. L'objet s'enfonça dans le métal à la perfection, et d'un mouvement de poignet, il le tourna légèrement. Un déclic se fit entendre. L'autrichien prit une longue inspiration, la main posée sur la poignée et il ouvrit la porte. La pièce était plongée dans l'obscurité à cause des rideaux sombres installés devant la fenêtre, mais on parvenait tout de même à y voir suffisamment clair. Mozart écarquilla les yeux en parcourant la salle du regard. Il aurait pu imaginer beaucoup de choses, mais pas ça, c'était presque irréel. Salieri était-il vraiment vraiment ce genre d'homme ? Il n'arrivait pas à y croire, ça semblait si incohérent. Et paradoxalement, pas tant que ça. La pièce n'était pas très chargée, il y avait contre le mur du fond à droite un immense lit à baldaquin, dont les quatre colonnes, en bois sombre, étaient finement sculptés jusqu'à en atteindre le plafond. Mais ce n'était pas ça qui étonnait le jeune musicien au point de lui en faire perdre la voix, c'était tout le reste, la décoration, les couleurs. Les colonnes du lit disposaient d'un système de chaînes et d'attaches, les draps, d'un rouge vif, donnaient une impression particulière, tout comme les accessoires accrochés au mur, ou posés sur l'unique commode qui longeait le mur adjacent qui menait à la porte. Il y avait une multitude de martinets ou autres fouets, des cravaches, des menottes ou d'autres dispositifs d'attaches comme des cordages d'une longueur impressionnante ou bien d'autres choses que le jeune homme, malgré sa réputation libertine, ne connaissait pas, mais aussi divers jouets plus exotiques les uns que les autres. Il n'avait fait que passer une porte, et pourtant il avait l'impression d'être bien loin de la maison de son maestro, il se serait cru dans un quartier de Vienne, en pleine nuit, à une adresse accessible qu'à partir d'une certaine heure. Mozart avança dans la pièce, jusqu'au lit, où il laissa ses doigts caresser les draps, ils étaient si doux, ça semblait si paradoxal comparé au reste de la décoration. Son esprit n'arrivait plus à réfléchir, alors Salieri aimait dominer ses partenaires ? Et il ne semblait pas novice dans le domaine vu l'existence de cette pièce. Il semblait pourtant si réservé, si innocent sur ses désirs. Mozart ne comprenait pas, il était attiré par les hommes, et il ne l'avait appris que récemment, alors avait-il eu des aventures avec des femmes malgré son attirance sexuelle ? Quand ? Avec qui ? Trop de questions se bousculaient dans ses pensées.

- Bordel, Mozart.

La voix, glaciale et figée, avait retenti dans le dos du blond. Celui-ci eut un violent sursaut dès qu'il l'entendit. Il se retourna, et ses yeux se posèrent sur la silhouette de Salieri, qui le fixait depuis le pas de la porte.

Mozalieri - Un jeu inavouableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant