Chapitre 6 : Intrusion

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Antonio travaillait consciencieusement quand son majordome vint lui annoncer qu'un certain Wolfgang Amadeus Mozart était à la porte et demandait à le voir.

- Il est hors de question qu'il mette les pieds dans cette maison, siffla-t-il.

L'homme repartit, et il se demanda comment l'autrichien avait eu son adresse personnelle. C'était pourtant pour éviter de le voir qu'il n'était pas retourné au palais. Il voulut reprendre son travail, mais il lui fut impossible de se concentrer. Il ne pensait qu'à Mozart. Sa tête bascula en avant et son front heurta le bureau. Il ne cessait d'y repenser, encore et encore, et ça le perturbait bien trop. La nuit, il se réveillait en sueur et empli de désir, après avoir rêvé de Mozart. Il ne supportait plus cette situation, et il ne parvenait plus à maîtriser ses pulsions. Tout son passé, toutes ses envies, qu'il avait effacés au fil des années, ressortaient avec brutalité depuis que Wolfgang avait posé ses mains sur lui.

- C'est comme ça qu'on travaille, maestro ?

Antonio sursauta en entendant cette voix reconnaissable entre toutes. Il releva subitement la tête pour apercevoir le blond impertinent accroché à sa fenêtre, et visiblement dans une situation assez instable.

- Mozart ?! S'écria-t-il sans parvenir à comprendre ce que le musicien faisait à plusieurs mètres du sol.

- Rassurez-vous, je n'ai pas mis un pied à l'intérieur, comme vous l'avez souhaité.

Son souffle était court, il perdait peu à peu sa prise sur le rebord.

- Est-ce que vous êtes suspendu à la fenêtre là ?

- Euh... oui ?

- Mais bordel, entrez avant de tomber ! De cette hauteur, une chute serait mortelle !

- Je ne vous savais pas si grossier, mais je trouve adorable que vous vous inquiétiez pour moi.

- Je ne m'inquiète pas, le contredit l'homme en se levant pour aller à la fenêtre, mais je ne tiens pas à être accusé de votre mort.

- Vu le regard que vous posez sur moi, on dirait que ce n'est pas l'envie qui vous manque.

- Ne dites pas n'importe quoi, souffla Antonio en saisissant le jeune homme pour l'aider à entrer par la fenêtre.

Lorsque Wolfgang fut presque à l'intérieur de la pièce, il trébucha contre le rebord de la fenêtre et tomba sur son aîné. Les deux hommes se retrouvèrent allongés l'un sur l'autre, Salieri rougissant sans pouvoir bouger à cause du blond qui était posté au dessus de lui. Ce dernier sourit avec satisfaction, n'ayant apparemment aucune intention de bouger. Le brun détourna le regard avant de parler.

- Visiblement, vous ne supportez pas qu'on vous dise non. Ou bien n'avez-vous pas compris lorsque j'ai dit que je ne voulais pas vous voir ?

- Pardonnez mon audace, maestro, mais je m'inquiétais pour vous.

- Ah oui ? Et pourquoi donc ?

- Et bien, je ne vous ai pas revu depuis que je vous ai su...

Antonio mit sa main sur la bouche de l'autrichien dans un mouvement brusque destiné à le faire taire, le visage rouge pivoine.

- Ne terminez pas cette phrase.

Lentement, il enleva sa paume, et le blond reprit.

- Vous me fuyez, maestro. Ça me rend triste.

L'italien ne sut quoi répondre. Il voyait son collègue comme un séducteur qui se jouait de tous ceux qui succombaient à son charme, mais il semblait sincèrement attristé par son absence. Pourtant, c'était parce qu'il faisait partie des dites victimes du musicien qu'il avait fui le palais. Effrayé par ses pulsions, effrayé par la facilité avec laquelle le blond avait pu le faire tomber, effrayé par le plaisir qu'il avait ressenti pendant le court instant intime qu'ils avaient partagé.

- Vous ne répondez pas ?

Antonio revint à la réalité. Wolfgang le fixait avec attention.

- Je ne sais pas quoi dire. Pourriez-vous vous relever ?

- Oh, je vous trouve pourtant confortable, et j'aime bien la proximité entre nous...

- J'insiste, Mozart. Je n'apprécie pas être ainsi plaqué contre mon parquet.

- Vous mentez. Vous adorez ça.

C'était vrai. Il adorait que le plus jeune l'immobilise ainsi, et c'est pourquoi il voulait s'éloigner de lui. Ses joues prirent une teinte écarlate, ses pensées devenaient plus indécentes à chaque seconde qui passait.

- A quoi pensez-vous maestro ?

- Rien...

- Vous mentez encore.

- S'il vous plaît, relevez-vous...

Le maître de la chapelle était devenu suppliant. Wolfgang se redressa avant de lui tendre la main pour l'aider à se remettre debout. Quand ils furent tous deux sur pieds, le blond embrassa les doigts de son aîné, qui détourna les yeux sans toutefois se dérober à son contact. L'autrichien contourna l'homme, essayant de deviner ses songes, et une fois dans son dos, il vint entourer sa taille de ses bras avant de murmurer à son oreille.

- Maestro, vous avez aimé n'est ce pas ? Ce que je vous ai fait dans votre bureau ?

Incapable de répondre, il se contenta de hocher la tête. Souriant, le plus jeune continua, soucieux de la réponse.

- Est-ce que vous regrettez ?

- Non...

Il avait répondu vite. Bien trop vite. Satisfait, Wolfgang déposa de nombreux baisers sur le cou du compositeur, et ce dernier se sentit défaillir, au point que le blond dut le maintenir quand ses jambes se dérobèrent sous lui.

- Et bien, maestro, vous êtes sensible. Une tactilité si intense, c'est une véritable chance...

- C'est... pour ça que je ne suis pas tactile en général...

- J'avais bien compris.

- Mozart ?

- Mmh ?

- Sortez de chez moi.

L'autrichien releva les yeux vers le visage du brun, cessant d'embrasser son cou, surpris. Salieri avait glissé son regard si brillant sur lui.

- Mais ?

- Je ne regrette pas. Et je ne comprends pas pourquoi vous me faîtes autant d'effet. Je déteste ne pas contrôler ce que je ressens. Ou non, plutôt, je déteste le fait que je ne déteste pas ça. Mais là, actuellement, j'ai besoin de réfléchir, et de savoir comment appréhender tout cela. Alors, je vous en prie, quittez cette maison et laissez-moi.

- Je pourrais revenir ?

- Oui. La prochaine fois, vous pourrez entrer...

Wolfgang le lâcha alors et retourna devant lui, un grand sourire aux lèvres.

- Alors, j'en suis ravi.

Il déposa un chaste baiser sur la bouche de Salieri qui écarquilla les yeux, et il se dirigea dans le couloir.

- Je vous dis à très bientôt, maestro !

Le blond éclata de rire quand il croisa le majordome qui l'avait pourtant repoussé à l'entrée le fixer avec incompréhension, et il sortit de la grande maison.

Mozalieri - Un jeu inavouableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant