Chapitre 16 : Le piano

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Pour une fois, Mozart arriva au palais tôt le matin. Il n'était pas sorti la veille, il était rentré chez lui dès qu'il avait quitté la demeure de son aîné après l'avoir rassuré et emmené dans sa chambre pour l'aider à s'endormir, et il s'était donc exceptionnellement couché à une heure décente, ce qui lui avait permis de se lever à l'aurore. Il avait hâte de rejoindre son bureau pour surprendre Salieri de sa venue matinale. Il espérait grandement que celui-ci avait pu récupérer convenablement et qu'il allait mieux. L'autrichien avait hésité à passer la nuit à ses côtés pour veiller sur lui, mais il n'était pas certain que ça aurait plu au principal concerné, si réservé, surtout après ce qu'il s'était passé la dernière fois. Il entra dans la salle de musique et fut étonné de voir que son maestro n'était pas cloîtré dans son bureau à travailler, mais assis au piano, jouant une mélodie improvisée si le plus jeune en croyait l'absence de partitions. S'approchant doucement pour ne pas le déconcentrer, il attendit patiemment la fin du morceau avant de se placer dans son champ de vision, souriant doucement.

- Bonjour, maestro. Comment vous sentez-vous ?

Antonio leva les yeux pour le regarder. Il avait de nouveau l'air impassible, mais ses yeux brillaient doucement.

- Reposé, merci Mozart.

Il lui offrit un très léger sourire, qui disparut bien vite. Voulant lui changer les idées, Wolfgang reprit.

- Vous êtes occupé sur une chose importante actuellement ?

- Rien qui ne puisse attendre, pourquoi ?

- Lorsque j'étais enfant, mon père me faisait faire un exercice au piano. Je serais curieux de voir comment un musicien de votre trempe le réalise.

- Quel est cet exercice ?

- Jouer un morceau les yeux bandés.

Salieri hocha la tête, acceptant le défi, et Mozart alla dans son bureau chercher un foulard sombre. Il passa dans le dos de son aîné et lui attacha le tissu autour des yeux.

- Que dois-je jouer ? Demanda alors l'italien.

- N'importe, quelque chose que vous connaissez par cœur. L'une de vos compositions peut être ?

L'homme hocha la tête et il commença à jouer. Il était doué, même sans regarder, ses doigts se baladaient sur les touches comme si elles savaient automatiquement trouver leur place. Le plus jeune trouvait la mélodie sublime, mais son maestro l'était encore plus. Quand le morceau fut terminé, Mozart sourit.

- Vous êtes impressionnant.

- Vous avez dit que c'était un exercice que vous faisiez enfant, qu'y a-t-il d'impressionnant à le réaliser adulte ?

- Laissez moi vous complimenter maestro, voyons, et tous les adultes n'y parviennent pas.

Sa main rabaissa le clapet sur les touches, et il s'assit soudainement sur le clavier refermé du piano, juste en face de son aîné. Ce dernier dut sentir sa présence, si proche, malgré sa cécité, car sa respiration s'accéléra. L'autrichien posa sa main sur la joue du compositeur, et, lentement, il approcha son visage et vint s'emparer de ses lèvres avec douceur. L'autre répondit aussitôt au baiser, entraîné par son envie. Leur contact, si doux au départ, commença à devenir plus intense, plus sauvage, comme si la violence des envies d'Antonio, contenues depuis si longtemps, ressortaient soudainement, et Mozart adora cette sensation. Il se remit debout avant de relever son maestro pour se coller contre lui et sentir son corps se frotter au sien. Les joues de l'italien se teintèrent de rouge, mais il n'esquissa pas le moindre geste pour s'éloigner, au contraire. L'autrichien se sentait devenir fou en voyant l'autre si réceptif, il les déplaça légèrement sur le côté avant d'échanger leur position, plaquant son aîné contre le piano avant de venir embrasser fougueusement son cou. Ses mains dénouèrent la broche du maître de la chapelle, puis sa chemise, avant de remonter sur le bandeau pour le lui retirer, mais Salieri posa aussitôt sa main sur la sienne pour l'en empêcher.

Mozalieri - Un jeu inavouableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant