2 . Gros.

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On accède au Bastion par la base de la falaise.

A condition d'avoir suivi le bon itinéraire, au cœur des sables mouvants.

Ensuite, il faut pouvoir passer les battants de la porte de pierre.

Seul un talisman peut les ouvrir, les guides et les officiers en portent. Le Consul aussi, bien sûr.

Mais certainement pas les pauvres bougres enchaînés qui clopinent en franchissant le seuil des geôles du Bastion.

Gros déambule dans le quatrième sous-sol, observant la marchandise, opérant une première sélection, les mains derrière le dos.

Le sergent, qui le connaît bien, le laisse faire et se contente de le suivre à quelques pas, prêt à recevoir les premières instructions et à commencer les transferts.

Il a hâte d'en finir, mais ne se permettrait jamais de bousculer Gros.

Si les soldats des Cohortes sont choisis sur le même modèle, en termes de taille et de corpulence, le sergent n'oublie jamais que Gros ne relève pas de ce modèle.

L'ancien guerrier de classe Daemon le domine d'une tête et demi, et ses cent cinquante kilos de muscles et d'os tiennent spontanément à distance les gens. On lui laisse de la place.

Gros est aussi le bras droit du Maître des étages inférieurs, et le responsable du choix des esclaves.

Sa parole vaut commandement, et personne ne veut risquer d'avoir à faire directement avec son maître.

Au bout d'une demi-heure, Gros remonte au troisième étage, précédant la file d'hommes et de femmes sélectionnées pour la "préparation".

Jamais d'enfants, ils sont généralement séparés de leurs parents pour être conduits sur un autre site, spécialisé dans le conditionnement des petits. Le travail n'est pas le même, chacun sa spécialité.

Il ouvre la marche; les corps enchaînés, mains et chevilles ferrées, liés par la chaîne fixée à l'anneau de leur collier de fer, le suivent à petits pas maladroits. Un garde ferme la marche, tance les trainards.

Gros aime ces moments, où les prisonniers restent effrayés mais malgré tout curieux de leur environnement. Ce moment de répit, si calme, juste avant de découvrir le sort qui leur est réservé, de comprendre qu'aucun échappatoire est possible : ici commence la fin...

Le palier du troisième étage donne sur une large entrée en ogive, haute de plafond. Une grille d'acier, aux barreaux épais comme le bras, en occupe toute la largeur.

Un garde à l'extérieur, un autre à l'intérieur, en armure et hallebarde.

Gravé sur le chapiteau de la pierre de faîte, le symbole des Cohortes.

Un frémissement traverse la file des prisonniers.

Les portes s'ouvrent devant Gros, il poursuit son chemin, tranquille, les mains dans le dos.

Les deux soldats qui l'accompagnent font entrer les prisonniers dans le vaste hall, les alignent par sexe.

Tremblants, les malheureux jettent des regards affolés autour d'eux, essayant de ne jamais croiser celui de Gros.

Sans qu'un mot soit échangé entre les geôliers, les prisonniers sont comptés, un numéro leur est attribué (plaque de bois pétrifié avec le chiffre gravé, qu'on leur passe autour du cou).

Un large foyer alimente le hall en chaleur et lumière, soutenu par les lampes à huile dans les niches des murs.

Mais il n'est pas là pour ça.

Le BastionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant