14 . Demi.

2 1 0
                                    



Le soir même, les Nettoyeurs sont rassemblés sur le rempart Est. Demi, petit et misérable, se tient aux côtés du Maître.

Il devrait être reconnaissant de sortir des étages inférieurs et de respirer l'air de la nuit.

Mais il est trop bouleversé pour y penser.

Il grelotte, les yeux fixés à ses pieds.

Quatre Rats s'approchent alors du bord du muret, transportant avec difficulté le corps lourd et trépané de Cogneur.

Sur un geste de Gros, ils le hissent au-delà du garde-corps et le laissent tomber dans l'abîme de la nuit.

Le silence est si profond que seules les bourrasques de vent viennent le troubler, jusqu'au moment où un bruit mat et étouffé leur parvient.

Celui d'un cadavre atterrissant sur le sable humide, après une chute de plus de quinze mètres.

Demi ne peut s'empêcher de penser qu'il s'agit, d'habitude, de corps encore en vie.

La nausée le prend, la bile lui monte à la gorge.

C'est avec soulagement qu'il emboîte le pas à son Maître, soulagé de retourner dans les étages inférieurs.

Leur départ marque le glas de la triste cérémonie, et chacun s'en retourne à sa tâche.

Malgré les jours passés, depuis l'horrible scène et la mort de Cogneur, Demi est incapable de traverser le couloir à clapiers sans frissonner. Il essaie de toutes ses forces de ne pas regarder le mur, là où le sang a coulé. Le sentiment d'horreur qui l'emplit manque à chaque fois de le submerger. La bestialité féroce de son Maître, comme un rappel à ce qu'il est, esclave au service d'un démon sanguinaire.

Mais il ne faiblit pas, garde les yeux au sol, comme il remonte le couloir, à la fin de la journée, pour prendre sa place derrière la porte de la chambre des tortures.

Il frappe un coup bref mais ferme sur le battant.

La réponse claque presque immédiatement, le petit homme sursaute.

- Entre!

Il se dépêche d'ouvrir la porte, entre et referme rapidement derrière lui.

Il est assailli par la chaleur qui règne dans la pièce, pourtant vaste.

Et par les odeurs, encore plus prononcées que d'habitude : sueur, vomi, urine et sang. L'odeur du sang écrase toutes les autres.

Il se tourne alors vers son Maître, et ouvre de grands yeux.

Trempé de sueur, essoufflé, une expression d'une dureté absolue sur le visage, le grand guerrier rouge tient un long fouet de cuir à la main.

Numéro treize est attachée à un châssis, debout, dos à lui. Ses mains sont fixées au-dessus de sa tête, et c'est tout ce qui la retient de ne pas s'écrouler.

Les vestiges de sa tunique, déchiquetée par les coups de fouet, reposent à ses pieds.

Son dos est à vif, des lambeaux de peau s'en détachent, retombant sur ses reins, de longs sillons de sang glissant le long de ses jambes et de ses bras.

Il n 'y a pas une once de peau qui ne soit marquée par la morsure du fouet.

Le Maître lui fait un signe brusque de la tête, et Demi se secoue, va chercher un seau d'eau.

Il le jette sur la prisonnière, l'eau glacée venant gifler les plaies ouvertes.

Elle n'émet aucun son, son corps rebondit à peine contre l'acier du châssis.

Le BastionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant