23 . Numéro treize.

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Tout est flou autour d'elle.

Elle-même se sent...floue.

Elle a l'impression de flotter, balancée par un rythme lent, sûr, puissant.

Elle ne marche pas, pourtant elle avance.

Il lui semble même monter.

Les lueurs, à travers la cagoule, sont plus brillantes; les odeurs, différentes. Poussière et humidité, et un filet d'air chargé de l'odeur de la pluie, plus présent au fur et à mesure de la montée.

Elle a un hoquet de surprise et des larmes de reconnaissance coulent le long de ses joues, viennent imbiber le tissu de la cagoule.

Elle inspire profondément, s'accroche à ce souvenir d'air frais...

...odeur de la pluie, clapotis sur les feuilles, herbe mouillée, terre molle entre mes orteils...

Les larmes redoublent, elle renifle, elle comprend.

On la mène à l'extérieur, sur les remparts. Elle a pourtant cédé, enfin elle le croit. Trop tard, qu'importe, la chute de quinze mètres et l'écrasement sur le sol humide apparaissent comme une récompense.

Elle est prête, elle est vide de toute substance, elle a renoncé, elle n'est plus.

Elle entend battre un cœur, fort, régulier, réalise que ça n'est pas le sien - affolé, épuisé.

Elle sent la chaleur d'un corps contre le sien. La fermeté des muscles, la dureté des os.

Et le souffle sur sa poitrine.

On la porte.

Elle souffre d'un tel manque de contact humain que les larmes redoublent.

Pourtant, elle reconnaît son odeur. Cuir et sang, huile et sueur.

Elle est sereine, c'est la fin. C'est à lui de la jeter du haut des remparts. Cela lui semble juste, équitable.

Elle sombre dans l'inconscience, un léger sourire aux lèvres, que personne ne peut voir.

Le BastionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant