Il frappe à la porte de la chambre des tortures puis attend, comme chaque soir.
Il attend longtemps, plus longtemps que d'habitude. Aucun son ne sort de derrière la porte et Demi ne sait plus quelles consignes suivre.
Pas question de s'adresser à un Nettoyeur, ni à Gros, l'idée seule le terrorise.
Alors il prend son courage à deux mains et frappe à nouveau, plus fort.
- Entre.
Il sursaute au son de la voix enrouée de son Maître, se reprend et pousse la lourde porte cloutée.
La silhouette massive du guerrier, de dos, est la première chose qu'il voit. Ensuite, il découvre le corps de Numéro Treize et baisse rapidement les yeux, les joues rougissantes, horriblement gêné par la position dans laquelle elle est retenue.
Il se détourne précipitamment pour ramasser un seau mais découvre que les cinq ont étés utilisés, et gisent, vides, négligemment jetés au sol.
Il se retourne, bras ballants, déboussolé, vers son Maître.
- Détache ça. Le Maître ne le regarde pas. Sa voix est calme, basse.
Demi commence par les poignets, pour éviter d'approcher les cuisses grandes ouvertes de la prisonnière. Qui tremble vraiment très fort alors que ses zébrures ne saignent pas autant que d'autres fois.
Elle ne réagit pas, les bras mous.
Il doit finalement descendre au niveau des jambes, mais s'arrange pour rester près du bassin de la femme, et desserre les collets à bouts de bras, laissant des marques viollettes dans ce qui reste des muscles des cuisses.
Elle glisse de la table, sans essayer de se rattraper, et son corps coule au sol, s'échoue sur les dalles. Elle se roule en boule, épuisée, parcourue de secousses.
Demi a très peur tout d'un coup.
Il n'a plus de seau pour la faire se lever.
Bourreau ne bouge pas, concentré sur la forme tremblotante et haletante à ses pieds.
Demi est perdu, ne sait quoi faire.
Il fait un pas vers son Maître, hésitant, se retrouve entre les deux.
Bourreau lui désigne la porte du menton, et Demi piétine, va l'ouvrir. N'ose plus bouger.
La fille ne se relève pas, ne se relèvera pas.
Après des semaines et des semaines à l'asperger pour la réanimer, à la regarder se battre et toujours marcher sans jamais céder...ça n'est pas comme d'habitude, et un grand froid enveloppe le boiteux.
Bourreau ne bouge toujours pas et Demi se demande avec horreur si c'est la fin. Si c'est à lui d'aller chercher les Rats pour emmener le corps et le jeter aux sables, est-ce ce que son Maître attend de lui, maintenant?
Et puis Bourreau s'accroupit, observe le corps roulé en boule de la femme. Elle est toujours traversée de spasmes, émettant un gémissement sourd, léger, si léger...
Comme Bourreau se penche en avant, Demi le surplombe, pour la première fois. Il ne peut détacher ses yeux des ailes cauchemardesques de son Maître, légèrement déployées, leur pointe griffue reposant sur le sol.
Bourreau se relève, dans ses bras, Numéro treize.
Il se met en marche et franchit la porte.
Un moment perdu, Demi se baisse à son tour, ramasse ce qu'il reste de la tunique, et la serre contre son ventre, roulée en boule.
Il suit le Maître. Qui marche comme s'il portait quelque chose de léger, traverse le sas, les braises creusant les ombres sur son visage.
Un bras lâche pend dans le vide, un filet de sang projetant des gouttelettes sur leur passage.
Il traverse la galerie, la femme dans ses bras, Demi sur ses talons. Les Ravageurs sont là, ils regardent l'étrange convoi passer, se plaquent contre les murs.
Demi garde les yeux fixés sur ce bras qui se balance au rythme des larges enjambées du Maître.
Qui prend l'escalier de service, et monte vers ses quartiers.
Gros les regarde s'éloigner, un sourire aux lèvres.
Le Maître ramène du travail à la maison, c'est bon signe, très bon signe.
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Le Bastion
FantasyUn lieu terrible, une prison sinistre : on y brise les corps et les âmes. Un système totalitaire qui fonde son pouvoir sur la magie. Une prisonnière qui ne cède pas. Un face-à-face dont l'issue est toute tracée.... Attention : cette fiction comport...