Partie 1 - Chapitre 28

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9 décembre 2012

Je me réveillais le lendemain sentant le soleil réchauffer mon visage. C'était une sensation inhabituelle. A la Communa ou dans la maison des femmes enlevées par César, aucun lit ne se situait à l'Est.

Je bougeais légèrement et, ouvrant progressivement les yeux, j'observais la chambre dans laquelle je me trouvais. César n'était plus à mes côtés. L'idée qu'il soit venu me rejoindre pendant la nuit m'intriguait. N'était-ce qu'un songe, pur produit de mon imagination ? Les doutes m'assaillaient mais la sensation de ses mains autour de ma taille était trop vive pour qu'elle ne soit qu'un mirage de mon esprit. Du moins, je l'espérais.

Je me levais et me dirigeais vers la salle de bain de César. Je commençais étonnement à bien me repérer dans son habitation. C'était sûrement le sentiment partagé de beaucoup qui m'avaient précédé. J'imaginais ses amantes se diriger vers la douche après une nuit d'amour. Je voyais Alejandra observer dans le miroir de manière satisfaite les marques passionnelles que César lui aurait faites durant la nuit. J'inventais une femme inconnue enlaçant César devant le lavabo avant que ce dernier n'aille remplir ses obligations de chef de la colonie.

Je secouais la tête et j'observais mon reflet dans le miroir. Il fallait que je redescende sur terre.

Comme un hasard ironique, la sonnerie de rassemblement retentit, signe que les hommes et femmes devaient se rassembler devant la bâtisse pour l'écoute des tâches de la journée. Ce son m'était devenu familier et le réécouter était étrange. Il avait ancré des réflexes quasi-automatiques dans mon esprit et comme beaucoup d'autres au même instant, je me dirigeais vers la sortie pour écouter César.

En arrivant dans l'entrée qui menait au perron, je m'arrêtais en plein milieu de la pièce. Si je sortais maintenant, j'allais arriver derrière César. Toute la colonie aurait les yeux rivés sur moi et mes sœurs apprendront que je n'ai pas disparu.

Étais-je prête à assumer ce rôle ? J'ignorais pourquoi César ne m'avait pas réveillé plus tôt, ni pourquoi je n'avais reçu aucune indication sur l'attitude à adopter pour mon retour dans la colonie. Quelque chose au fond de moi était persuadé qu'il avait tout calculé. Une nouvelle fois, César voulait me tester et observer comment j'allais me comporter.

Je respirais un grand coup. J'avais eu le temps de me changer et de mettre une robe que j'avais trouvée par hasard parmi le tas de vêtements empilé dans la chambre rose. Mes cheveux n'étaient pas trop ébouriffés et j'avais eu l'impression dans le reflet du miroir de m'être enfin débarrassé de mon air hagard, qui aurait pu sous-entendre que je venais de m'échapper de l'asile.

Prête et déterminée, je m'avançais vers la porte. Mon retour officiel dans la colonie n'allait pas être de tout repos. César avait laissé sous-entendre que ma réputation avait changé depuis ma tentative de fuite, mais j'ignorais sous quelle forme allait-elle se manifester. C'est en toute conscience de cela que j'entrouvrais la porte et que je sortis sur le perron de la place principale de la colonie.

D'abord, aveuglée par le soleil, je ne discernais pas bien la foule devant moi. Plissant les yeux, je distinguais quelques regards ahuris. César, à mes côtés, venait d'arrêter de parler. Lui aussi m'observait, mais sans aucune surprise visible dans ses yeux. Je ne pouvais pas croire qu'il s'y attendait. Il n'était pas capable de prévoir mon comportement de façon aussi millimétrée, ou alors, il était vraiment doué.

Je fis quelques pas vers lui et vint me placer à ses côtés. Je savais qu'une telle action allait avoir des conséquences terribles et que, de cette façon, j'alimentais le jeu de la rivalité féminine entre les femmes de César de manière exponentielle.

Mais c'était comme si à cet instant je n'en avais que faire. Quelque chose me disait que je devais affirmer ce rôle que je m'étais acquis. Il en allait de ma survie. Je ne donnais pas cher de ma peau si j'étais revenue dans la colonie comme si de rien n'était. Les mauvaises langues se seraient déchaînées à mon égard, insinuant sûrement que j'aurais mérité l'exécution pure et simple pour ma tentative de fuite. Mais, surtout, les hommes de César n'auraient pas laissé passer ce comportement laxiste. J'ignorais la façon dont ils me voyaient, mais pour ma sécurité, il allait de soi de me présenter comme quelqu'un d'important aux yeux de César, que s'ils me touchaient, c'était comme s'ils s'attaquaient à César.

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