Partie 1 - Chapitre 3

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La jeune femme à mes côtés s'adressa à moi d'un air joyeux :

« Quel âge as-tu? »

J'hésitai quelques secondes puis répondit.

« Vingt-trois, et toi ? »

« Vingt-six ans, dit-elle avec un sourire bienveillant, qui contrastait totalement avec celui de César.

- Tu es là depuis longtemps? » m'empressai-je de demander.

Elle sembla calculer, toujours avec un sourire plaqué sur les lèvres.

« Je dirais environ trois ans. »

J'affichai une mine dépitée et me rapprocha d'elle.

« Mais tu n'as jamais essayé de t'enfuir? » Chuchotai-je.

Elle eut une mine horrifiée.

« Quoi? Non, tu n'y penses pas. On est toutes bien ici. »

Je fronçai les sourcils, tentant de comprendre. Luisa m'observait avec ce même air joyeux que je peinais à comprendre.

« Mais pourquoi ? »

Elle gloussa, comme si la réponse était évidente.

« César est une personne incroyable. Vivre à ses côtés chaque jour est une bénédiction. Il a une vision de la vie qui est tellement originale, tu verras lorsqu'il te l'expliquera. »

Voyant que je restais silencieuse, elle continua.

« En plus, nous sommes chanceuses de vivre dans sa maison. Certains hommes sont plus violents avec leurs femmes. César... »

Elle s'arrêta et rougit.

« C'est l'amant parfait », continua-t-elle en gloussant.

J'avais envie de vomir.

Il avait l'intention que je couche avec lui. Et cela devait occuper une majeure partie de la raison pour laquelle on m'avait kidnappé: servir d'esclave sexuelle et de bonniche dans un endroit perdu à des kilomètres de toute civilisation.

Lorsqu'on arriva devant la grande maison voisine. Luisa ouvrit la porte et nous entrâmes toutes les deux dans un salon rempli de femmes.

La décoration était assez simple mais plutôt accueillante. Contrairement à ce que je pensais, l'intérieur était loin de ressembler à une prison. Certaines femmes étaient avachies sur les canapés à fumer, d'autres jouaient aux cartes.

Beaucoup riaient. Mais j'étais certaine que c'était une illusion. Cependant, elles semblaient libres. Pour l'instant, j'avais beaucoup de mal à comprendre les rouages de cette secte. Mais visiblement, j'étais coincée ici pour un certain temps. Autant en profiter pour avoir le loisir de tout observer avant de tenter de m'échapper.

« Mes sœurs, voici la nouvelle arrivante: Ilia. »

Je fis un court geste de la main pour les saluer. Certaines vinrent à ma rencontre et je commençai à sympathiser avec ces dernières.

L'atmosphère était étrange. C'était une sorte de sororité. On m'avait expliqué quelques détails primordiaux à mon goût.

Il y avait des hiérarchies dans cette maison. Et hélas pour moi, c'était les plus anciennes qui primaient. Les nouvelles arrivantes dormaient dans de grands dortoirs et devaient s'occuper des tâches ménagères de la maison.

Mais ce n'était pas tout. Certaines m'avaient expliqué en bref le fonctionnement de nos journées et cela me semblait cauchemardesque.

Chaque personne de la colonie devait avoir une tâche. Et chaque matin, à 7h, tous les membres, hommes et femmes confondus, se rassemblaient sur le camp principal, celui dans lequel je me trouvais. César possédait une liste, qu'il mettait à jour quotidiennement. Il cumulait tous les rôles : gourou et gestionnaire.

Il attribuait pour la journée à venir qui devait s'occuper de quoi. Les activités étaient variées: travail des champs, des serres, cuisine, ménage, jardin... Certaines personnes avaient des activités qui ne changeaient jamais: la nurserie, la menuiserie, la mécanique...

Dans la plupart des cas, les femmes occupaient les tâches annexes, secondaires et jamais elles n'avaient une totale responsabilité.

A la fin d'une journée de travail, les femmes mangeaient chacune dans leur maison. Le dimanche était le jour de repos et toute la colonie partageait un repas.

L'horreur avait atteint son maximum lorsque l'on m'apprit que les femmes vivant dans la maison voisine de César avaient une journée de repos en plus. Il choisissait le jour, l'heure et celle avec qui il choisissait de passer un moment de la journée. Et tout cela dans le plus grand des calmes.

Je fis rapidement le calcul. Nous étions dix-huit dans la maison.

« Mais comment peut-il voir tout le monde en une semaine? » Fais-je remarquer.

Une des femmes qui se prénommait Alice haussa les épaules, comme si ma question n'avait aucun de sens.

« Je ne sais pas si il pourrait, il a tellement de choses à diriger! Certaines filles d'ici ne sont plus allées en rendez-vous avec lui depuis des mois. »

Une autre hocha la tête.

« Plus les filles sont anciennes, moins elles sont populaires auprès de lui. C'est un homme qui se lasse très vite. Souvent, lorsqu'elles sont là depuis plusieurs années, il les déplace dans d'autres maisons. »

Face à mon regard horrifié, elle rajouta:

« En tout cas, il aime la chair fraîche. Prépare toi à être conviée plusieurs fois par semaine.

- Oui, certaines ont de la chance », ajouta la rousse avec un air d'envie.

Choquée, je l'observais. J'avais envie de la secouer. Elle et toutes les femmes avec qui j'avais pu discuter et qui m'avaient expliqué ô combien j'étais chanceuse d'être prisonnière de cette secte!

Je fis un rapide calcul. J'avais été enlevée un vendredi soir. La journée de samedi touchait à sa fin : le soleil commençait à se coucher, j'en déduisis que demain, nous étions dimanche et que j'allais assister au grand repas de l'ensemble de la colonie. Je n'aimais pas ça. L'incertitude des prochains jours commençait réellement à m'inquiéter et le discours de ces filles n'arrangeait pas les choses.

Prolongeant ma discussion avec certaines d'entre-elles, j'aidai à la préparation du dîner de la maison. Tout le monde s'activait, en cuisine ou dans la salle à manger. Certaines avaient sorti des guitares et chantonnaient en cœur.

On s'éloignait petit à petit de la vision d'horreur de cette colonie. Cette sororité semblait être un cocon de douceur. Si l'on omettait, bien sûr, la façon de toutes parlaient de César.

Il était au cœur de la plupart des discussions. Voyant une petite nouvelle arriver, chacune parlait de leur première rencontre avec lui, ce qu'ils avaient fait, comment il les avaient conquises.

Quand une d'entre elles évoquait son nom, une autre pouvait la dévisager avec animosité. Alors, je compris que César se servait de la rivalité entre toutes ces femmes pour mieux les contrôler. Il devait leur faire croire que chacune était unique, sa préférée.

C'était malin, maléfique et sournois.

Vers la fin du repas, la porte s'ouvrit et une femme au carré brun entra. Elle jeta un regard supérieur à toute la table et ses yeux se posèrent sur moi.

« Tu es la nouvelle. César m'a parlé de toi », prononça-t-elle sèchement.

Elle avança de manière dédaigneuse et se dirigea vers la cuisine. Sans un mot pour personne, elle monta les escaliers de la maison.

« Qui était-ce ? » Demandai-je.

Luisa me répondit sur un ton bienveillant.

« Alejandra. »

Un court silence régna sur la table, refroidie par l'arrivée de cette Alejandra, qui semblait exercer une certaine autorité sur cette maison.

Soudain, une des jeunes femmes à qui je n'avais pas encore adressé la parole, lança joyeusement :

« Quelle chance tu as Ila! César a parlé de toi! »

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