Suspect concret

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Fil fronça les sourcils. Un soudain sentiment d'oppression et la sensation de se sentir épié lui rongèrent l'estomac. Amandine quant à elle n'en menait pas large et son regard fuyant tentait de capter tous les mouvements suspects aux alentours. Elle venait de lui expliquer ce que Louis lui avait ordonné.

— Un marché à son avantage bien évidemment, grommela l'italien.

— Je ne pouvais pas refuser ! S'égosilla-t-elle presque en larmes.

— Amandine, calmez-vous nous allons trouver une solution, que lui avez-vous dit pour qu'il en soit satisfait ?

— Ce que le Masqué m'avait demandé de faire et ses menaces sur ma famille.

Fil réfléchit un instant. Il fallait qu'il sache exactement le contenu de la lettre que l'assassin avait envoyé à Laurent, il ne pouvait pas compter sur les autres et encore moins sur Louis. Pourquoi avait-il sauvé son frère de la potence ? Les deux hommes se détestaient depuis leur naissance. Louis avait tout à y gagner si Laurent était mort : le respect, l'indulgence, et la gloire qu'il avait toujours voulue. L'italien ne comprenait pas.

— Vous allez me prendre pour folle, fit Amandine, mais la lueur que j'ai vu dans ses yeux m'a fait tellement peur, qu'il serait possible que...

— Qu'il soit le Masqué ! Comprit Fil.

Amandine écarquilla les yeux en hochant la tête. Tout collait à présent qu'il réfléchissait. Un véritable assassin provocateur et prétentieux n'appréciait guère lorsqu'un autre se proclamait l'auteur de ses œuvres. Quitte à sauver son ennemi de la potence, il fallait conserver la réputation terrifiante que le personnage masqué avait réussi à créer !

— Faites ce qu'il vous dit Amandine, conclut Fil, il ne faudrait pas que l'un d'entre nous meure ou perde un allié de la famille royale !

Amandine affirma d'un geste rapide de la tête et demanda congé, ce que le Noble accepta sans tarder. Il devait réussir à trouver des indices compromettants sur Louis pour au moins insinuer le doute à la Cour. Cela lui laissera du temps pour régler les détails. L'Italien jura dans sa barbe. En effet, le Masqué avait fini par corser le jeu à un point éminent. Voilà le trio en concurrence avec le meilleur Lieutenant de Police que la France ai jamais connu à ce jour ainsi que poursuivit par un Prince colérique et prétentieux. Cette histoire s'annonçait rocambolesque.

De retour au Manoir De Schomberg, le lendemain de cérémonie.

Anne-Sophie pressait les draps de soie contre son corps seulement recouvert d'une longue chemise blanche. Réveillée par les premières lueurs de l'aube, elle contempla le dos fin de son mari. Elle ne savait pas s'il était réveillé. Elle glissa alors un doigt froid sur la colonne du Duc de Beaumont qui se raidi à son toucher. La jeune femme sourit lorsqu'il se retourna et jeta ses cheveux blonds en arrière. Il semblait cependant avoir la tête encore embrumée.

La veille avait été une folie que jamais la jeune femme n'aurait pu se l'imaginer. Thomas l'avait obligée à danser. Elle avait été très difficile à convaincre. Mais Thomas l'avait presque jetée au milieu de la salle. Puis elle se mit à sourire et ainsi le couple continua la danse à n'en plus finir. Ils avaient ensuite passé une merveilleuse nuit d'amour où peut-être deviendrait-elle enceinte ? Le temps le leur dira. En tout cas, un enfant serait la preuve d'un amour inconditionnel que les deux jeunes gens se vouaient depuis la première fois qu'ils s'étaient vus. Alors probablement était-ce la vie que la jeune femme avait toujours voulu mener ? Une vie de famille, dans un fabuleux manoir ?

— L'aube s'est déjà levé, je devrais regagner ma chambre, grommela Thomas en soufflant.

La jeune femme sourit. En effet, il était très mal vu qu'un couple partage la même couche, ou bien devait-il le faire en discrétion. Le Duc se leva du lit et se rhabilla de sa tunique ivoire avant d'observer longuement son épouse encore ensevelie sous les draps. Son visage angélique le faisait rayonner. Ce n'était pas la première femme qu'il fréquentait mais la première qu'il ait épousée en ressentant pour elle un amour incommensurable. Après l'avoir embrassée une dernière fois faisant glisser sa main dans ses longs cheveux bruns, ils se séparèrent et le Duc regagna sa chambre par une porte dissimulée par un pan de mur.

Anne-Sophie se redressa de son lit en entendant une domestique frapper à la porte pour venir l'habiller. Lorsque le grincement du bois brut du battant résonna dans la pièce, la jeune femme se retrouva soudainement confrontée à la réalité. Dans deux jours, elle devait se rendre au jugement du Prince Laurent pour justifier de son acte déraisonné de s'accuser coupable d'un assassinat qu'il n'avait pas commis.


Le tueur au masque de porcelaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant