Nouvelles révélations

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Amandine s'était recroquevillée à même le sol, tenant fermement entre ses mains le petit miroir en or qu'avait découvert Anne-Sophie, son véritable nom et titre était gravé au dos du miroir, seul vestige de sa vie d'avant. Elle sanglotait pendant qu'elle racontait son histoire.

Sa mère et son père, duc et duchesse de Trémaux, avaient fait un fastueux et luxueux mariage, tous deux plongeant dans un avenir financier très avantageux. Pour se faire remarquer, le Duc jouait aux jeux d'argents organisés par le Roi Louis XIII juste avant sa mort. Il y perdait bien plus qu'il ne gagnait.

— Nous croulions sous les dettes que mon père se créait en jouant, déclarait-elle, les créanciers menaçaient de tout dévoiler à la Cour, alors il a fallu que nous vendions le château avec tous les meubles au plus offrant, perdant ainsi notre titre, disparaissant de l'aristocratie pour toujours. J'ai juste conservé ce petit miroir qui me rappelle d'où je viens.

— Vous parliez d'une langue bien plus que correcte, au vu de votre statut de domestique, constatait Anne-Sophie, j'aurais dû me douter que vous aviez eu une assez bonne éducation.

Amandine soupira et Fil ne faisait rien, la main sur le menton, détaillant la silhouette de la triste domestique à la lueur des bougies.

— Donc, reprit l'Italien d'un air songeur, le Masqué vous a menacée de dévoiler votre identité ainsi que de tuer vos parents, si vous ne nous rejoignez pas.

La domestique hocha la tête sous le regard réprobateur d'Anne-Sophie. Amandine s'en voulut de ne leur avoir rien dit, mais personne n'est le confident de l'autre à la Cour. Les secrets sont faits pour ne point être divulgués. Sinon, bien de malhonnêtes gens les utiliseraient à leur avantage. La vie dans ce monde de vautour était plus qu'angoissante, elle terrorisait. Et Amandine l'avait compris à ses dépens. Le trio resta un long moment silencieux jusqu'à ce qu'Anne-Sophie le brise.

— Nous devrions partir, déclara-t-elle d'une voix sombre, nous discuterons du reste le lendemain.

Puis elle resserra son manteau autour de ses épaules et se dirigea vers la porte, Fil sur les talons. Amandine était toujours prostrée à terre, les joues humides et le regard suppliant. Ses mains étreignirent plus fort encore le petit miroir et ses jointures blanchirent. Fil lui adressa un dernier regard et la salua d'un signe de tête avant de franchir la porte grinçante derrière la jeune Dame. Anne-Sophie ne savait plus si elle pouvait faire confiance à Amandine.

— Il ne l'a pas choisie par hasard, déclara l'Italien au coin d'une rue, chacun d'entre-nous possédons des secrets, le Masqué pourrait possiblement nous connaître.

Anne-Sophie ne répondit pas. Ce n'était pas seulement possible, mais certain. Elle ressassait toute l'affaire en boucle, ainsi que la triste histoire d'Amandine.

— Vous croyez ne plus pouvoir lui faire confiance ? Demanda l'Italien, n'avez-vous point des secrets Anne-Sophie ? Sinon, pourquoi le Masqué aurait-il fait appel à vous ?

L'intéressée ne daigna pas même ouvrir la bouche et Fil n'insista pas. Non, elle n'avait pas de secret, elle ne savait d'ailleurs toujours pas pourquoi le Masqué l'avait choisie elle plutôt qu'une autre. En tout cas, elle ravala sa fierté et laissa l'italien la raccompagner gentiment jusqu'à sa chambre, tentant d'échapper aux gardes qui patrouillaient autour et dans certains couloirs du château. La jeune fille le remercia tout de même et s'échoua dans un fauteuil de sa chambre, après avoir minutieusement fermé la porte. Elle se déshabilla difficilement seule, et enfila sa robe de chambre. Puis elle s'étendit dans son petit lit pour sombrer dans un sommeil sans rêve.

Ce fut Amandine qui la réveilla aux aurores. La domestique avait regagné peu de temps après ses visiteurs, les couloirs du Palais. Elle n'avait cependant pas trouvé le sommeil, bien trop angoissée que le Masqué n'assassine sa seule famille. Aussi peu, lorsqu'Anne-Sophie la vit de bon matin, elle voulut lui faire appliquer une poudre sur son visage cerné par la fatigue. Mais la domestique refusa gentiment et la jeune Dame haussa les épaules. Amandine arrangeait les draps du lit de sa maîtresse, pendant que celle-ci choisissait une toilette que lui proposait une couturière de grande renommée. Les rayons de soleil qui traversaient les grandes fenêtres chauffaient déjà la pièce même à une si bonne heure. Alors, Anne-Sophie n'hésita plus et choisit bien évidemment une robe beaucoup moins chargée qu'à l'accoutumée, plus légère qui laissait entrevoir ses épaules dans un large décolleté. Ce n'était point exagéré comme l'aurait sûrement pensé cette cloche de Catherine, mais juste élégant et agréable par cette étouffante chaleur. Pendant qu'Amandine attachait ses longs cheveux bruns dans une natte piquée de quelques bijoux et de fleurs, Anne-Sophie insista pour qu'elle lui mette la belle fleur de cosmos rouge que lui avait offert le Duc. Par miracle, elle n'avait pas beaucoup fané dans la nuit, même si quelques pétales s'affaissaient.

— Elle est si belle, murmura Amandine en tentant d'accrocher le cosmos dans les cheveux de sa maîtresse.

— C'est le Duc de Beaumont qui me l'a offerte, déclara Anne-Sophie d'un regard rêveur.

Les tensions de la veille semblaient se dissiper, et Amandine voyait en cette fleur la possibilité de renouer des liens avec Anne-Sophie. Etrangement, la domestique s'était beaucoup attachée à la jeune Dame et le regard réprobateur que cette dernière lui avait adressé la veille l'avait beaucoup blessée.

— Ecoutez... se lança finalement Amandine vite interrompue par Anne-Sophie.

— N'en reparlons plus, (la jeune fille soupira) nous possédons tous des secrets, et je ne vous en veux point de ne nous avoir rien dévoilé. Vous possédez un cœur immense, vous pourriez aimer tout le monde, mais personne ne vous rend ce que vous donnez. Vous avez vécu un évènement horrible qui a dû vous coûter de la vigueur et vous fatiguer bien plus que nécessaire. Pourtant vous êtes toujours ici, à prendre soin de ceux qui vous ont gâché la vie. Vous êtes une grande femme méritante, Amandine.

La domestique ne répliqua rien, et laissa ses mains en suspension au-dessus de la fabuleuse coiffure de la jeune fille. Cette dernière se retourna vers la domestique et lui adressa un éclatant sourire. Puis, contre toute attente, Anne-Sophie se retourna vers sa table où trônaient mille et un onguent ou flacons de sa confection. Elle en empoigna deux qu'elle tendit vers la domestique. Celle-ci les prit sous l'insistance de sa maîtresse.

— Le premier est un onguent pour vous, il pourra calmer les rougeurs de vos pieds qui souffrent le martyr dans cette paire de souliers usés, ria cette dernière en les pointant du doigt, et le second est un flacon pour votre père. J'ai entendu qu'il était souvent malade, ceci suffira à calmer la douleur. Diluez-en cinq gouttes dans un petit bol d'eau chaude puis donnez-le-lui dans l'immédiat.

La domestique la remercia des dizaines de fois, enfouissant les deux petits flacons dans une poche de son tablier. Ensuite, des deux femmes sortirent rapidement de la chambre et se séparèrent. L'une allant assister au suprême lever du Roi, et l'autre allant se dépêcher de nettoyer les autres chambres. Ces dernières étaient toujours incroyablement désordonnées, quelques habits abandonnés çà et là au bord du lit ou bien sur le dossier d'un fauteuil. Amandine se demanda si Anne-Sophie ne pouvait pas faire d'elle sa seule et unique femme de chambre, de ce fait, elle pourrait l'accompagner déambuler dans les couloirs du palais, sans se soucier de nettoyer ou de ranger le reste du château. Elle prendrait uniquement soin de la jeune fille, et parallèlement augmenter son salaire de quelques pièces. Ce serait aussi beaucoup plus simple de converser du Masqué puisqu'Amandine devait rejoindre le duo. Décidée, la domestique prendra son courage à deux mains après la messe, et proposera ceci à sa charmante amie.

Le tueur au masque de porcelaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant