Retrouvailles

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Installée dans la grande bibliothèque en ces temps pluvieux, Anne-Sophie s'attelait à la tâche de rangement de ses livres, aidée par une charmante domestique qu'elle a toujours appréciée. Cette dernière lui tendait les lourds ouvrages et la Duchesse tentait de les ranger dans un ordre précis.

— Donnez-moi le grand ouvrage sur les plantes, Odette, demanda Anne-Sophie après avoir placé une pièce de théâtre sur l'étagère.

— Celui-ci est particulièrement lourd madame, auriez-vous besoin...

— Non, l'interrompit la maîtresse de maison, je vous remercie mais je ne suis pas une petite brindille séchée.

Anne-Sophie empoigna l'épais livre que lui tendait la domestique, se déplaça jusqu'à d'autres rayonnages déjà pleins et hissa l'ouvrage sur une étagère qui courbait déjà sous le poids des livres. Anne-Sophie jura avant de le redéplacer sur une autre moins remplie. Alors qu'elle venait de poser l'ouvrage à la place désirée, une domestique aux cheveux noirs bouclés apparaissant sous sa coiffe fit irruption.

— Edwige ! Que vous arrive-t-il donc pour courir tel un lièvre prit en chasse ? Demanda curieusement Anne-Sophie.

— Une...Femme de basse condition, commença-t-elle en baissant le regard, prétend vous connaître et vous demande votre aide.

Anne-Sophie papillonna des yeux et se redressa face à Edwige, une domestique des cuisines. Elle fronça les sourcils. Edwige la fixa un instant mais continua sur sa lancée.

— Alphonse l'a installée dans le petit boudoir à côté des cuisines et Marguerite la restaure (Anne-Sophie s'avança un peu plus vers la domestique qui tortillait ses doigts entre les pans de son jupon) Elle...Elle avait l'air affamée et si fatiguée...On ne pouvait pas...La laisser...

La Duchesse acquiesça doucement de la tête et dit à Odette de la rejoindre plus tard. Puis elle se tourna vers la seconde domestique.

— Je comprends Edwige. Lui avez-vous demandé son nom ? Demanda Anne-Sophie la dépassant pour rejoindre le boudoir, vous a-t-elle dit d'où elle venait ?

— Rien de tout cela Madame, continua Edwige en la suivant, elle...Elle nous a dit que vous la reconnaîtriez.

— Eh bien, claironna Anne-Sophie, voilà quelqu'un d'étrange.

Les deux femmes accoururent au boudoir. La porte était gardée par Alphonse, le maître de la maison lorsque les deux propriétaires étaient de sortie. Il ouvrit la porte sur le passage des deux femmes qui entrèrent en trombe dans le petit boudoir. Anne-Sophie fixa, muette, la silhouette si reconnaissable d'Amandine. Mais elle fut sidérée par la crasse et la fatigue qui transparaissaient sur son corps. Sa robe était fichue, ses cheveux sales, son visage crasseux par la boue et la pluie. Ses lèvres avaient bleui et ses mains tremblaient.

— Amandine ! S'exclama la Duchesse qui se jeta à son chevet, que se passe-t-il ? Qu'on lui donne des couvertures ! Ordonna-t-elle durement aux domestiques, apportez des vêtements propres et qu'on lui donne à manger et à boire ! Maintenant !

Les trois domestiques présents partirent en hâte chercher tout ce qu'il faut pour aider au mieux Amandine dont les dents claquaient dû au froid qui la paralysait. Anne-Sophie resta à ses côtés du temps que tous reviennent, puis s'en alla faire elle-même une tisane aux herbes pour la réchauffer. A son retour, Amandine avait été changée et reposait dans les couvertures. Marguerite lui tendait une assiette de nourriture que la jeune femme ne refusa point. Ensuite, Anne-Sophie déposa la tasse sur un des guéridons à côté du fauteuil dans lequel elle était installée. Elle voulut questionner son amie mais elle estima qu'il fallait attendre qu'elle aille mieux. Alphonse, dont elle n'avait pas vu le départ, entra soudainement dans la pièce, la tirant de ses rêveries.

Le tueur au masque de porcelaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant