Besoin d'aide

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Amandine parcourait les rues de Paris, en quête d'un bon samaritain de médecin pour sauver sa mère. Cette dernière était tombée gravement malade à la suite de la mort de son mari, le père d'Amandine. Elle n'arrêtait pas de ruminer sans cesse la même chose : « ils l'ont emmené à la fosse...Pas de sépulture... » Et ce, nuit et jour. L'ancienne duchesse de Trémaux s'était éteinte peu à peu, glissant dans les méandres de la maladie et de la tristesse. Parfois, elle ne voulait pas manger, et la faire boire qu'une petite coupelle d'eau était devenu un calvaire. Amandine ne supportait pas de la voir dans cet état. Il fallait qu'elle se ressaisisse. Alors, la jeune femme s'était lancée à la recherche d'un remède miracle et s'était retrouvée là, dans cet étrange magasin d'herboriste. Un homme se tenait derrière un comptoir. Dans son dos se dressaient de larges étagères et rangements en tous genre, où s'entreposaient une myriade de bocaux remplis de végétaux. Elle fut un instant impressionnée par toute cette grandeur. Une voix grave et morne l'interpella, la sortant de sa rêverie :

— Que venez-vous faire ici ?

— Je...je cherche un remède pour ma mère malade...je...

— Si vous pensez que je vais vous l'offrir gentiment, vous pouvez courir ! J'ai une boutique à faire tourner, moi ! Et ce n'est pas en vous offrant mes services que je vais manger du bon pain ! (Il lui jeta un regard noir qui la fit reculer) Allez ! Du vent ! Lui lança-t-il en agitant agressivement ses mains, vous allez faire fuir mes clients ! Allez !

Contrainte et étonnée d'une telle véhémence dans les gestes et propos du commerçant, Amandine déguerpit sans demander son reste. Elle marcha encore un peu avant de jurer d'innombrables fois à l'encontre de ce piètre personnage. Il ne lui restait qu'à battre le pavé, la tête basse, le regard rivé sur ses souliers usés. Elle marcha dans une flaque de boue qui lui salit le bas de sa robe déjà encrassée de la veille. La pauvre femme avait été jetée en dehors de Versailles par sa Majesté sérénissime et diabolique Louis de France. Quel goujat ! Laurent n'avait pas pu assister au départ soudain de son amante, méticuleusement orchestré par son cher frère. Mais pour espérer offrir à sa mère le meilleur des conforts, elle devait travailler. Seulement, personne ne voulait d'elle. Amandine avait besoin d'aide, mais ne savait pas vers qui se tourner. Alors, la jeune femme traîna, dans les rues sales de Paris, où argent, alcool et misère se côtoyaient tel un triangle infernal. Elle vit un homme dans une mauvaise condition se faire furieusement abordé par deux soldats. Leur mousquet dans une main et l'autre positionnée sur la garde de leur épée, ils l'invectivaient, certainement trop pauvre pour bénéficier d'un toit. Les deux soldats le poussèrent pour qu'il parte de la rue. Il paraîtrait que le Roi ne voulait pas que les belles rues du beau monde soient souillées par la misère et les pestiférés comme ce pauvre homme, sermonné à coups de mousquet dans le dos. Quelques bourgeois en ricanèrent sur l'instant, tandis qu'Amandine les fixait avec rage. Le bruit d'un poids lourd tombant au sol la fit détourner les yeux sur les deux gardes, riants aux éclats. L'homme venait de chuter dans la boue. Ni une ni deux, la jeune femme se précipita à sa rescousse, évitant soigneusement les gardes. Un rien peu vous faire aller en prison ces jours-ci. L'homme avait le nez dans la boue, ses vêtements sales n'arrangeaient rien et il ne semblait pas vouloir se relever. Amandine lui prit la main en l'interpellant comme pour être sûr qu'il n'était pas mort. Finalement, le pauvre homme redressa son visage vers elle et accepta son aide. Une fois debout et les deux gardes bien loin derrière eux, une femme au ventre bedonnant, une coiffe en toile vissée sur les cheveux, s'approcha d'eux et tandis sa main avec bienveillance.

— J'ai une amie qui fait de la couture, je suis sûre qu'elle pourrait t'aider à mieux t'arranger.

L'homme la gratifia d'un immense sourire et finalement, ils s'en allèrent, bras dessus, bras dessous le long de la rue. Amandine les regarda un instant avant de voir un groupe de deux autres soldats parler à toutes les personnes aux environs. Curieuse, elle s'approcha et un garde l'interpella. Il déplia un manuscrit sur lequel était grossièrement dessiné le portrait d'un homme.

— L'avez-vous aperçu, lui ou un homme lui ressemblant ? Lui demanda le soldat, sur ordre du roi, nous devons l'arrêter.

La jeune femme resta un instant muette avant de leur répondre négativement. Ils passèrent leur chemin mais elle ne bougea pas pour autant. Le portrait dessiné appartenait à Filiberto Lucciano, le présumé Masqué et assassin de domestiques. Elle se remémora un instant le visage surpris d'Anne-Sophie, lors du jugement du Prince Laurent. Sa dénonciation envers son meilleur allié en avait étonné plus d'un. Mais Anne-Sophie avait été plus ébranlée encore. Amandine pensait que la jeune Duchesse vouait une confiance aveugle en l'italien, et inversement. Par ailleurs, savait-elle que Fil s'était échappé de la Bastille ? Une prouesse ! Et la seule. Les surveillances ont été plus renforcées autour de la prison, les allées et venues comptabilisées. Même celles des gardes, pourtant scrupuleusement choisis pour leur dévotion et loyauté inébranlable envers le Roi. Pourtant, elle fut heureuse de savoir qu'il était introuvable. Si sa réflexion s'avérait juste, Fil était innocent et donc n'avait pas le droit de mourir maintenant. Une question lui vint : Fil serait-il allé faire une visite dans le domaine des Beaumont afin d'apercevoir la jeune Duchesse ? Leur dernière conversation ne s'était pas déroulée à l'amicale et peut-être que l'italien serait allé la voir pour s'excuser ? Amandine songea qu'elle devait envoyer une lettre à sa chère amie et peut-être pourrait-elle l'aider à retrouver du travail ? Finalement, après réflexion, elle décida d'aller la voir par elle-même. Elle mettrait sa mère sous la tutelle provisoire de sa voisine, une très gentille femme. Elle reparti dans sa petite cabane en toute hâte, un sourire pendu aux lèvres et la tête pleine d'espoirs.

Le tueur au masque de porcelaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant