Il neige. J'observe ces minuscules cristaux d'eau s'écraser contre ma vitre les une après les autres. En même temps je n'ai que ça à faire car un silence de mort règne dans l'automobile cette métaphore est assez ironique car on part réellement voir un mort. Non, une morte.
Je jette un léger coup d'œil sur ma mère qui conduit avec une telle lenteur, une lenteur qui ne se justifie que part sa peur d'arriver à destination, comme ci elle espérait que tout ça ne soit pas réel, comme si elle avait peur de voir la triste fracassante vérité en face. Son visage est inexpressif mais je sais qu'à la seconde où l'on descendra de cette voiture étouffante, cette mine laissera place à la tristesse la plus profonde. Je pose à nouveau mon regard sur la rue, haaaa les rues animées de Seattle en période de fête qu'elles sont belles, tout le monde sourit dans ses vêtements chauds, les décorations de Noël très extravagantes ne prêtent à aucune confusion, oui aujourd'hui c'est bel et bien Noël. Cela fait près de dix ans que je ne connais plus cette sensation, le bonheur de recevoir un cadeau avec toute ma famille au tour d'un splendide sapin horné, passer la soirée à rire, partager un bon repas et prier pour que les années suivantes soient encore plus belles que les précédentes. Maintenant c'est si lointain, ma sœur a souvent aimé attirer l'attention, elle aimait être inoubliable, mais jusqu'à choisir le jour de Noël comme date de son départ je ne m'y attendais vraiment pas. Je ricane nerveusement. Elle a foutu en l'air tous les Noël de mon existence, mais bon, qu'elle fut partie en septembre ou même en avril, ça aurait été la même pour moi. J'aurais toujours perdu le goût d'être heureuse.
Tout d'un coup la voiture s'arrête. On y est. Le cimetière. Quel bel endroit pour passer son vingt-cinq décembre.
Je prends une grande inspiration et resserre mon entrainte sur le bouquet de fleur que j'ai en main. Des tulipes ses préférées. Le traditionnel cadeau qu'on fait aux morts, des fleurs. Personnellement je trouve ça inutile. Pourquoi apporter ses fleurs préférées alors que je peux apporter son plat préféré, sa glace préférée, un poster de sa célébrité préférée... et dire que je me suis déjà placée à côté de sa tombe, après avoir lancé un film de deux heures que j'ai regardé comme si elle était là. Qui veut peut me traiter de folle mais, à ce moment là j'ai réellement senti sa présence.
Je descends donc lentement du véhicule, attend ma mère et nous marchons vers le lieu où repose Karma. On est silencieuses, mais je sais déjà ce qui va se produire juste après. On croise les regards de quelques personnes venues ici pour les mêmes raisons que nous, ils ont des mines toutes aussi tristes. Mais parmi eux je reconnais un habitué, un vieil homme qui vient lui aussi à chaque Noël. Il y a quelque chose dans son regard de bien veillant mais de tristement mélancolique. Je me demande bien qui il peut venir voir.
Enfin arriver devant sa tombe, je dépose les fleurs miticuleusement sélectionnées pour elle. Je me demande si elle me voyait qu'est-ce qu'elle penserait de ce que je suis devenue. Et là, j'entends un sanglot à côté de moi. C'est ma mère. Ça commence. Elle s'écroule par terre et pleure de plus belle, ça me fait tellement mal de la voir comme ça à côté d'elle on dirait presque que je suis insensible, mais il ne s'agit pas de ça, je n'y arrive tout simplement plus. Quand tu passes la plus part de tes nuits à pleurer, il arrive des moments où tu n'arrive plus à le faire. Déjà que dans cette situation je suis déjà habituée à cette funeste tradition, je pense que Karma n'aimerais pas que lorsqu'on vienne la voir on inonde sa tombe de larmes. Vaut mieux s'y faire et prendre les choses avec plus de flegme, mais visiblement ma mère n'y arrive pas et je ne la blâme pas pour cela elle a le droit d'exprimer tout son mal.
On reste encore quelques minutes et voyant que ma mère est épuisée sûrement d'avoir autant pleurer je lui propose:-Maman tu peux rentrer à la maison, je compte rester encore un peu ne t'en fais pas.
Elle essuie quelques larmes qui continuent de couler le long de son visage et agite doucement sa tête en signe d'approbation.
Elle me fait un câlin et se dirige hors du cimetière.
J'émets un léger soupire et m'assoie par terre.
Il fait froid, j'ajuste donc mon sweat-shirt et frotte mes paumes de mains contre elles.-Je me demande bien ce que toi tu peux faire de tes Noël.
Je commence en m'adressant à Karma.Et bien évidemment je n'obtiens aucune réponse.
-Tu sais que je ne suis pas une adepte de ces théories qu'après la mort il y ait autre chose, un paradis et un enfer, mais dans ton cas ça me réconforte d'y croire. Croire que tu te trouve dans un endroit rempli d'êtres bien veillants et où tu es heureuse.
Je prends une pause et continue:
-Tu sais cette année il s'est passé de nombreuses choses dans ma vie et pour la plus part elles n'étaient pas sources de joie. Papa est un vrai salaud il faut qu'on se le dise, je sais que toi tu aurais pensé pareil et même pire.
Je ricane.-Au lycée c'est chiant comme d'habitude. Le vivre ensemble est vraiment compliqué mais bon je n'ai pas le choix. Et tu sais quoi, tu te souviens que tu avais toujours eu cette envi bizarre de te faire kidnapper juste pour voir ce que ça fait et bien je les réaliser à ta place! Et je t'assure que ce n'est pas cool du tout. J'ai aussi fini dans un tribunal moi qui pensais que je ne verrais cette salle que dans les séries et bah... c'est pas si terrible que ça finalement. Je sais que tu dois certainement être entrain de te foutre de ma gueule mais je t'assure c'est naze!
-Et ouais, je ne te cache rien, j'ai rencontré un mec il s'appelle Tyron. Tu verrais comment il est chiant! Il me rend chèvre. Mais il est plutôt sympa quand il veut, non ce n'est pas le genre de bad boy avec une veste en cuir comme tu lisais sur Wattpad. Je pense même qu'il aurait été ton style physiquement, mais bon n'empêche sa vie et lui tout entier sont d'une complexité... ça ce voit qu'au fond il est détruit et je dois sûrement être la seule à m'en apercevoir. Je ne sais pas, il y a quelque chose qui m'attire chez lui je me sens comprise avec lui. Mais bon, je t'ai fait une promesse que j'ai faillit oublier: <<Ne jamais tomber amoureuse>>.
Mon regard se perd dans le vide et j'émets un éternuement sûrement à cause du froid. Je me sens plus légère, j'aime me confier à ma sœur de cette manière même si il est clair qu'elle ne me répondra jamais.
Elle me manque.-Bonjour mademoiselle.
Je me retrouve couper dans mes songes par cette voix faible et étrangère. Je lève ma tête et je finis assez surprise.
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SECRET SUFFERING• Tome2
PoésieDepuis leur rencontre les vies de Kayla et Tyron ont changés du tout au tout. Révélations, fugue, conflits familiaux, mélodrames... Ils découvrent la vie sous un nouvel angle. • Mais que se produira-t'il suite à l'enlèvement de Kayla? Il est évident...