Un long silence passa tandis que nous sirotions notre boisson, face à face sur le divan. Je savais pertinemment qu'il cherchait comment m'expliquer les choses, alors je lui en laissais le temps. Lorsqu'il eut assez réfléchit, il commença :
— Il y a dix ans. J'étais mort.
J'accusais le coup de cette déclaration. Il était face à moi, donc tout allait bien. Mais entendre ces mots de sa bouche ravivait de douloureux souvenirs. Lorsque ses supérieurs sont venus toquer à notre porte pour nous annoncer son décès.
Je me vis encore m'effondrer sur le sol, en larmes, mon monde s'écroulant sous le poids de ces mots. En une fraction de seconde, j'avais eu l'impression de tout perdre ce jour là. Et j'ai eu longtemps le sentiment que je ne pourrais jamais m'en remettre. J'avais remonté la pente, mais pas totalement. Comment était-ce même possible ? On vivait avec... On s'habituait à une absence. Mais on n'oubliait pas.
Inspirant profondément, je me concentrais de nouveau sur la conversation.
— Lors de cette fameuse mission, il y a dix ans, mon équipe et moi avons été pris en embuscade. Nous étions tous grièvement blessés mais avions pu nous retirer. Du moins, c'est ce que nous avions cru. Après un long moment d'attente, le danger semblait assez éloigné. Alors j'ai ordonné à mes hommes de se replier afin d'appeler du renfort. Mais lorsque nous sommes sortis de notre planque, une explosion nous a tous propulsés au loin. J'ai violemment heurté un mur, enfin je crois que c'en était un. L'impact m'a coupé le souffle, je ne pouvais plus bouger, je n'entendais plus rien, j'étais impuissant. Tout ce que je pouvais faire était endurer toute ma douleur, et voir mon équipe se faire massacrer sous mes yeux.
Le récit de son combat me prit aux tripes. Les larmes menaçaient de couler devant ce qu'il avait dû endurer. Je ne le coupais pas. Ses yeux étaient perdus dans le vide, revivant ses souvenirs, aussi douloureux soient-ils.
— Lorsqu'ils se sont approchés de moi, je savais qu'ils risquaient de m'éliminer à mon tour. Mais c'était impensable. Alors j'ai fait le mort. Ça n'a pas été aussi difficile que j'aurais pu le croire. Je ne pouvais déjà plus bouger, j'étais à plat ventre. J'ai ralenti au maximum mes battements de cœur, ainsi que ma respiration. Comme on nous l'avait enseigné dans ma jeunesse, comme je t'ai appris à le faire. Ils... me donnaient des coups de pied pour s'assurer que j'étais bien mort, mon arraché mes plaques militaires, en trophée. Et je ne réagissais pas. J'ai cru qu'ils allaient quand même me foutre une balle en pleine tête... Mais ils ont abandonné. Et sont partis.
Je chassais rapidement la larme coulant sur ma joue.
— J'ai longuement attendu que mes membres veuillent bien fonctionner de nouveau. Le regard obstinément bloqué sur les corps de mes amis... Jusqu'à ce que j'y parvienne enfin. La nuit était tombée. J'ai été vérifié le pouls de chacun d'eux... J'étais véritablement le seul survivant.
Son regard se porta sur moi, une expression désolée imprégnant ses traits.
— J'aurais aimé être mort avec eux. Crois moi. A ce moment, je me sentais si vide, que c'était comme si je l'étais intérieurement. Et puis... Vos visages me sont revenus à l'esprit, à ta mère et à toi. Et c'est ce qui m'a donné la force d'avancer. J'ai donc quitté les lieux. Pour être honnête, je ne savais pas où j'allais. Tous mes appareils étaient morts dans l'impact donc je n'avais pas vraiment de moyen de me repérer ou d'appeler du renfort. J'étais blessé, exténué, mais j'avais un seul but en tête, trouver un refuge, des alliés, et tout faire pour vous retrouver.
Je n'osais toujours pas l'interrompre. Mon père était si fort. Et entrevoir cette fragilité en lui me brisa le cœur. Ce jour-là l'avait profondément marqué.
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Sin'Meyah, Tome 3 : Au coeur de la Terre
Fantasy[LIRE ABSOLUMENT LES TOMES PRECEDENTS AVANT CELUI-CI] Les yeux rouges. Ils nous ont surveillés, suivis, traqués même, et nous ont eus. Qui sont-ils ? Et que nous veulent-ils ? Serait-ce encore une épreuve qu'il nous faudra surmonter ? Une seule chos...